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Brouillards toxiques : un air, un corps, une nation.

Entretien radiophonique avec Alexis Zimmer, à propos de l’ouvrage Brouillards Toxiques, publié aux éditions Zones Sensibles

Entretien > Emmanuel Moreira. Émission réalisée dans les studios de Radio Cause Commune. 93.1fm (Paris)

Décembre 1930. Vallée de la Meuse. Brouillard. Odeur âpre qui brûle la gorge. Suffocations. Décès. 61 Morts. Malgré l’évidence que le Brouillard pure ne tue pas, le Dr Lacombe rends a la hâte son diagnostique : Morts du seul fait du brouillard.
La Vallée est industrielle. L’une des plus industrialisée d’Europe. 1897, maladie du brouillard. 1902, maladie du brouillard. L’odorat et les poumons des habitants protestent à leur façon contre les conclusions qui innocentent les usines. Le gouvernement Belge se résout à ouvrir une enquête. Assemblées d’experts, de chimistes, de médecins, de juristes … 12 mois d’enquêtes. Le brouillard est officiellement un hybride de nature et de culture. Le Charbon est incriminé. C’est la première fois qu’on relie par une « vérité scientifique » la mortalité des hommes à la pollution de l’atmosphère. La pollution tue. Le brouillard est toxique. Mais seule la nature par ses puissances météorologiques peut produire le brouillard mortel. L’industrie est dédouanée. On invente alors l’alerte météo.

Mars 2019, on apprends que la pollution de l’air a causé la mort de 8, 8 millions de personnes en 2015. Nous respirons les airs d’une atmosphère façonnée par plus de deux siècles d’industries fossiles.

2016, éditions zones sensibles. Brouillards toxiques. Contre-enquête par Alexis Zimmer.

Si le brouillard toxique est un hybride de nature et de culture, il témoigne d’une nature transformée et d’une culture transformée. Au nouvel air pollué correspond la naissance d’une nation, la Belgique.
Une chimie de laboratoire se constitue. Écarte des savoirs, des pratiques, s’autonomise. L’atmosphère devient cette chose stable et universel composé essentiellement d’azote et d’oxygène, altéré de manière accidentel par toute une série d’agents chimiques. L’air n’est plus cette chose qu’on respire, toujours localement, en interaction avec les corps. Dans le laboratoire, le corps n’a plus rien à dire, il a disparu.
Une médecine de clinique se constitue. Écarte des savoirs, des pratiques, s’autonomise. Palpations, auscultations, le malade qui parle a disparu. Le corps morts, autopsié, corrélé à d’autres corps devient le corps abstrait, universel, que les médecins consultent. Le corps n’est plus ce vivant, plongé dans un milieu. Sans histoire, il commerce désormais avec des bactéries, des parasites et des agents toxiques.
La co-évolution de l’air et du corps n’est plus pensée. La nation belge peut continuer sa trajectoire, ramifier plus encore sa dépendance au charbon, au zinc. La pollution pourrait même tuer quelques bactéries au passage. L’atmosphère a ses lois, le corps a les siennes. Seule la météo (la Nature), en des circonstances exceptionnelle qu’il y a lieu de prévoir, peut se faire télescoper air et corps dans un brouillard toxique. L’air et le corps capturés par les sciences naissantes à partir de la moitié du XIX°, seront compatible avec la naissance de la nation belge. Un air, un corps, une nation.



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