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Météore Inclément

Will Alexander est poète, romancier, aphoriste, essayiste, dramaturge, artiste visuel et pianiste; autrement dit multiple. Il a écrit plus de 30 livres. Récipiendaire du PEN Oakland pour son roman Sunrise in Armageddon (2006) et de l’American Book Award pour ses essais parus sous le titre Singing in Magnetic Hoofbeat (2012), il est membre du California Arts Council et actuellement (2018) en résidence au Beyond Baroque Literary Arts Center de Venice (Californie).

La poésie d’Alexander est moins surréaliste qu’exo-réaliste, fonctionnant par conflagrations de dehors, du « Neutrino Algérien » à « la poussière comme migration occultée ». Poésie alien – terme maintenu tel quel dans les fragments que j’ai traduits, issus du recueil Across the Vapour Gulf (New Directions Poetry Pamphlets, 2017). Rendre le monde alien pour faire en sorte que la Terre révèle toute sa dimension étrangère réprimée : dans la poésie d’Alexander, l’image ne réunifie pas, mais acère l’aventure du passage. Passage freiné à mort, obstrué par la « surveillance d’État » et « l’engloutissement des Fédérations alien ». Pour déjouer cette politique emparée du langage, la poésie doit s’avancer. Sans défense autre que celle consistant à tout donner, et plus si nécessaire : rendre maximal le risque des co-présences, des carambolages du sens. Un feu prendra, c’est promis.

Frédéric Neyrat, Madison, Mai 2018

 

 

Et ici, je m’aligne toujours sur la magie des sceaux, sur la beauté complexe du caché. En dépit des apparences, rien ne peut être conclu à partir d’épisodes simplement tirés de l’intérieur des phénomènes. Il reste toujours la condition curative de la perspicacité, de l’énergie simultanée qui n’est pas sans rappeler les bras en spirales sensibles du ciel, ce souffle qui coule des urnes galactiques. Une fois les impératifs stellaires éteints, mon esprit se concentre soudain en vagabondages souterrains, tel un vaudou organique dévalant les collines d’alligators éteints, découvrant des implosions sauvages toujours plus puissantes, donnant vie, frappant de mort, puis évitant stratégiquement les forts alimentés par des ruisseaux acides, gardés par des vautours férocement perchés, ces derniers toujours s’attaquant à l’épine dorsale de ceux qui suggèrent une autorité morale transformatrice. (Across the Vapour Gulf, 14)

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Une exstatistique indomptable à partir de laquelle le fondement des atomes se déchaîne. J’appelle cela le primordial comme mantra, comme échelle sans tache, comme une marée ou un drone déferlant tel un météore inclément. Cela reste parchemin au-delà des quanta, liste non-blanchie, observation en tant qu’in-suggestion. On spécule ainsi par osmose solaire, par effondrement inutile ou inverse, par érosion de l’enfer central. Ce qui émerge est un discours que j’appellerai rhétorique par hydroxyle, par calliope qui en déduit un modèle sans précédent. (Across the Vapour Gulf, 15)

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Au milieu de la réalité supérieure ou verticale, il existe un mouvement d’exhalaisons du sang. Je parle de la cinétique transmutée qui a évolué à partir de la nutation intérieure, de la croissance comme subtile ambulatoire, une telle énergie étant le sceau d’une torche pensive d’ozone. C’est ainsi qu’emblématique la sphère neurale avance et spirale au-delà du plan vital. Dans cet état peut-être, je suis un fantôme aux frontières de Bangkok, ou quelque esprit prenant son envol depuis les confins du Niger. On s’affronte simplement à la phénoménologie supra-physique lorsqu’elle est poreuse, inaccessible par son mimétisme préalable à tout espace tridimensionnel. (Across the Vapour Gulf, 15)

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Une gériatrie convulsive ? Un cauchemar égaré dans les sables ? Laissez-moi examiner la source intérieure des premières tables mathématiques, cette dernière étant la source stellaire magistralement démontrée à Thèbes. Je l’appelle plénitude osirienne par gramme, par forme humaine comme cendre ressuscitée, et cette cendre n’est pas sans rappeler une flamme dans un éclat de verre qui suggère la forme humaine, ce prototype humain étant une forme florissante à travers le vertige du ciel. Selon le canon invisible, les formes vivantes sont enflammées par un rayon, par la flamme de l’altimètre, par la forme interactive du soleil. Bien sûr, ces traces restent spontanément rassemblées par une exploration sonore approfondie. C’est une exploration que j’appellerai Neutrino Algérien, pas une forme superficielle, ni une patine de poussière soutenue par quelque inclémente électricité. C’est comme escalader un treillis d’altérité, ouvrir un canal auditif qui s’ouvre sur le continuum galactique. (Across the Vapour Gulf, 16)

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La surveillance d’État m’a presque convaincu de ne plus ruminer sur la répartie propre à la profondeur de l’esprit. En engageant des plans autres que ceux de la palpabilité manifeste, on expérimente le Soleil comme quelque chose d’autre qu’un four singulier à distance cosmique optimale. Par conséquent, je me conçois en tant que citoyen au sein d’un surcroît de deux cents milliards de galaxies, selon l’évaluation astronomique en vigueur. En vertu d’une spéculation circonscrite, une saturation alien me submerge de ses sorts. Tel que pris dans cette substance, on peut m’accuser de créer des tempêtes via une manipulation optique infernale, ou de posséder un code opaque et invisible, avec la sorcellerie comme dimension sonore. (Across the Vapour Gulf, 17)

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Si je suis en effet sonné par l’engloutissement des Fédérations alien, je ne peux que projeter du présent les fragments restants des nations, tourmentées par l’obliquité et l’isolement, ramant comme des coques contre un courant aggravé, semble-t-il marquées profondément par une neurologie enchevêtrée. (Across the Vapour Gulf, 24)

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Les forces solaires se décomposent lorsqu’elles sont intentionnellement mises en parallèle avec la propagande de l’avancée technique moderne, cette dernière, chronique, cousant les morceaux de la vie quotidienne. Cela n’étant rien d’autre qu’un entraînement mental bâclé. (Across the Vapour Gulf, 30)

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L’univers : code ultime en transe ; spirales de foudre galactiques ; la poussière comme migration occultée. (Across the Vapour Gulf, 34)

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Parler comme quelqu’un de séparé de l’espèce semble, à première vue, d’une renversante arrogance, quelque incantation entraînant dans son sillage une posture psychique alien. Rien d’hypothétique pourtant, ni quelque violation de la loi d’airain télépathique par pré-maturité. Permettez-moi de dire qu’il existe une grande débilité dans la circonstance humaine, semble-t-il un encerclement répétitif corrodé par une frontalité abrasive. Et c’est cette grande corrosion renforcée par l’induction de type Américain qui est tolérée en son cœur par la raison qui s’y dévoue. Une telle raison crée une cinétique de l’illusion, où le corps évidé n’arrive jamais à sa propre substantialité, ceci étant la politique de l’âme comme une carence intérieure corrompue, de la fatigue comme exemple continu. (Across the Vapour Gulf, 35)

 

Will Alexander
Traduction de l’Anglais par Frédéric Neyrat