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A propos de la lutte anti-bassines.

St Soline, 29 octobre 2022.

Il y a la grande machine de la production. La loi de la valeur est une finalité sans fin.
Il y a la nécessité de garantir la soumission de ses agents. Beaucoup d’agriculteurs se suicident, par la corde ou le fusil.
Il y a une compréhension mécanique de la loi des éléments. L’eau est une ressource parmi d’autres, c’est ce que l’on apprend au lycée agricole.
Il y a les dispositifs de maintien de l’ordre qui justifient l’exercice de leur force. On peut bien arracher quelques mains pour défendre un chantier vide.
Il y a une défaite tactique de la gendarmerie nationale. On peut accuser ses sous-officiers d’incompétence ou parler d’écoterrorisme.
Il y a une pénurie en eau. On peut se faire croire qu’il existe des solutions rationnelles.
Il y a l’impossibilité de trouver une résolution aux contradictions majeures. On peut choisir le déni en accusant la commission européenne ou en mangeant des marchandises produites en france.
Il y a les bonnes parties de chasse. C’est tout ce qui reste de moments de joie.
Il y a les subventions aux engrais de synthèse. Il faut quand même montrer sa gueule à la réunion mensuelle de la fnsea.
Il y a un projet pilote de monsieur macron. Il pourra en parler crânement dans on ne sait quelle soirée de lobbyistes.
Il y a les angoisses avant de dormir. On ne parle pas de porno à la coopérative.
Il y a la beauté de la solitude. Mais le bruit du tracteur remplit tout l’espace.
Il y a encore une odeur à la terre. Mais la honte de soi est la meilleure des polices.
Il y a les vacances prévues depuis dix ans. Mais les dettes s’accumulent.
Il y a les enfants qui partent à la ville. Ils reviendront dans un silence auquel rien ne répond.
Il y a la misère toujours et partout. On attend un paradis absent.

Il y aurait une production juste. C’est ce que disent les petits producteurs.
Il y aurait une politique de l’émancipation. La démocratie n’est pas la guerre civile.
Il y aurait une politique du vivant. L’anthropomorphisme se cherche une nouvelle virginité, c’est bien là son histoire.
Il y aurait une politique du sensible. On ignore comment naît une galaxie.
Il y aurait un bien commun. Qui sait sans mentir incarner le bien, et un commun sans programme ?
Il y aurait accaparement de l’eau. L’eau est la propriété de ses usagers.
Il y aurait un service public de l’eau. Je paie mes impôts pour quelle soit potable.
Il y aurait une compréhension pertinente de l’hydrologie. La science est un savoir objectif, sauf sur elle-même.
Il y aurait une lutte populaire. Un peuple est toujours un pouvoir aveugle à sa représentation.
Il y aurait une victoire tactique. Une stratégie peut-elle être explicite ?
Il y aurait un seuil franchi dans le rapport de force. Le force quantitative est l’arme des bureaucrates.
Il y aurait des élus courageux. Pourquoi jouer les victimes ?
Il y aurait l’alliance improbable de secteurs sociaux hétérogènes. Les valeurs culturelles sont une affirmation de ma valeur personnelle, rien de plus.
Il y aurait des traîtres à la cause. Un tague sur une voiture n’est pas un gage de pureté.
Il y aurait plusieurs définitions de l’écologie. Les définitions sont bonnes pour les livres d’école.
Il y aurait les plaisirs de l’intensité émeutière en plein champ. La mort n’éblouit pas les yeux des partisans.
Il y aurait ouverture d’un antagonisme dans le désert du présent. Le spectacle est un théâtre d’ombres, n’en déplaise à tous.
Il y aurait évènement où chacun a joué son rôle. Les masques collent aux visages pour mieux les défigurer.
Il y aurait urgence à être efficace. Nous rêvons secrètement la nostalgie d’une origine et la promesse d’un futur.
Il y aurait la fin du désastre. Chacun connaît au plus profond de soi le chantage à la survie.
Il y aurait une gestion équitable de la richesse sociale. L’enfer est pavé de bonnes intentions.

Dora Brilliant