Après l’annonce du gouvernement de l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le 12 janvier 2018, Le Monde a publié un article sur le dispositif de maintien de l’ordre mis en place autour de la ZAD. Un ancien membre de l’État-major français y explique qu’il s’agit d’un dispositif (humain, matériel, stratégique) ‘‘sans précédent en métropole’’, avant de reconnaître qu’il pourrait y avoir des blessés et même des morts. Les mots ne sont pas anodins. Par ‘‘sans précédent en métropole’’, il faut comprendre que l’État a déjà eu recours à un tel dispositif dans les départements et territoires d’outre-mer. Mai 68 – Mè 67…
Notre-Dame-Des-Landes est en quelque sorte la démonstration de force à la fois monstrueuse, brutale et grotesque, d’un dispositif testé depuis longtemps ailleurs sur les classes populaires et les militants descendants d’esclaves ou de la colonisation. Un dispositif dont on a pu voir en 2005 l’intensité ; un dispositif qui, au fond, fait tâche d’huile et devient une modalité ordinaire, assumée, légitimée de gestion du maintien de l’ordre depuis les mobilisations contre la loi travail.
La logique tend ainsi à se déployer aujourd’hui sur l’ensemble du territoire et à l’ensemble des luttes et mouvements sociaux. Pour la première fois, à Notre-Dame-des-Landes, à ce degré d’intensité, sur un laps de temps aussi long, avec cette désinformation systématique, ce sont principalement des jeunes issus de la classe moyenne, majoritairement blanche, qui y sont confrontés. Au vu de la répression ouvertement brutalisante qui frappe celles et ceux qui ne rentrent pas dans le rang, force est de constater que la France s’appuie sur son passé, son passif impérial et s’aligne ainsi progressivement sur ce qui se pratiquait autrefois dans ses colonies, sur ce qui s’y déploie encore à l’ombre de la « métropole » : elle importe donc la « colonie » sur le territoire « républicain ». Si aujourd’hui les ZAD, mais aussi et plus largement tous les mouvements d’occupation connaissent ce « sort », je crois que ce qu’il faut comprendre c’est bien cela : ces territoires de luttes sont perçus comme un enjeu suffisamment crucial pour que l’Etat n’hésite pas à déclencher une guerre coloniale.
Alors, de toute évidence on peut voir une fonction très efficace à cela : faire passer l’envie de lutter, transformer la puissance d’agir, la rage de mobilisation en impuissance, en mélancolie de perdre, en épuisement de nos corps, de nos forces – parce que l’aveuglement, la surdité sont tels que crier, danser, défiler ne suffit plus ; mais aussi parce que la violence mutilante de l’Etat de droit est désormais sans limite. On nous use, on nous ruine, on nous blesse, mais plus encore on nous épuise et avec nous on raye de l’horizon ce que gagner une lutte signifie. Alors, la prochaine fois, on compte bien sur le fait que nous serons de moins en moins à nous soulever, que nous serons de moins en moins à rejoindre les foyers de mobilisation : parce qu’on a tout simplement peur de perdre une main, un œil ou la vie… Cela s’appelle l’exposition au risque de mort, de mort tout court, de mort sociale, de mort politique.
Comment se défendre face à un dispositif exposant des vies au risque de mort ? C’est toute la question de l’autodéfense, celle-ci peut prendre des formes bien différentes mais au fond il s’agit toujours de tactiques pour se maintenir en vie, faire face à une menace immédiate s’exerçant avec une violence sans limite. C’est à ça que fait référence Frantz Fanon dans Les Damnés de la terre. À ce moment où n’existe plus qu’une seule alternative : se soulever ou mourir totalement. Réagir n’est plus un choix quand la vie est directement menacée ou quand elle est rendue si invivable qu’elle se résume à la survie, à n’être que des morts vivants.
La résistance sur la ZAD ne se résume pas seulement à l’affrontement avec les forces de l’ordre pour survivre, mais en amont les ZAD relèvent de l’autodéfense politique qui vise aussi la guerre idéologique dans laquelle nous sommes. Cet entêtement à reconstruire, replanter, revenir et converger vers la zone est d’abord une lutte visant à redonner du sens. Qu’est-ce qu’une vie bonne ? Et un droit à la terre ? un droit à la ville, à la communauté, au commun, un droit à l’air, à l’eau, à la nourriture … Un droit ? ou plutôt qu’est-ce qu’une pratique vivable de vie ? Que signifie inventer ses propres conditions de vie ? C’est une façon de lutter pour ne pas être bousillé par ce discours de l’Etat de droit qui colonise les imaginaires et qui ramène ces formes d’autodéfense à des formes de marginalité, d’illégalité, d’atteintes à la propriété privée, etc. C’est donc une manière de sauver le monde pour qu’il soit vivable, face à un dispositif répressif qui a pour objectif que rien ni personne n’entrave le capitalisme néo-libéral dans la logique qui est la sienne : rendre le monde inhabitable, et face à celles et ceux qui l’ont trop compris, rendre leurs vies tuables.
A la résistance des Zadiste doit faire écho une pensée critique à la hauteur notre état urgence :
Aucune vie n’est aujourd’hui épargnée par le néolibéralisme dont l’Etat sécuritaire est juste le capo ou le manager. Résister équivaut aujourd’hui à cette myriade de pratiques vitales où la « vie » doit être entendue dans ce qu’elle a de plus prosaïque. Résister signifie rester en vie.
Aucune vie « protégée » par un régime démocratique, « défendue » par un Etat de droit, n’est en réalité épargnée. La destruction des écosystèmes et le saccage de la biodiversité par les pesticides et l’agriculture intensive, les industries pétrochimiques et les concentrations mégapolistiques, l’empoisonnement engendré par un mode d’alimentation dépendant de l’industrie agro-alimentaire comme la normalisation de « l’état de santé » telle qu’orchestrée par la toute-puissance des lobbys pharmaceutiques, la monopolitisation indécente des richesses par l’élite du capitalisme financier, la privatisation à marche forcée des biens communs et l’épuisement sans limite des corps productifs humains ou non, comme des ressources, ou la gestion pénale de ces corps devenus improductifs, indésirables et proprement agonisants, le règne de la sur-consommation et de l’économie du déchet etc. tout cela n’est pas une simple litanie catastrophiste.
Il faut urgemment s’atteler à comprendre comment une telle exposition généralisée aux risques de mort est possible par un type de nécropolitique – de politique de mort – ou plutôt de nécrolibéralisme ; et, surtout, quelle technique de pouvoir permet qu’elle soit à ce point consentie par la majorité sans que cette même majorité ne se rende compte qu’elle est en train de crever en respirant de la merde en bouffant de la merde et tout cela en regardant de la merde sur des écrans…
Or, du point de vue de ces vies que l’on dit « bonnes », que l’on nous promet désirables, qui sont réputées l’être et se vivent comme telles, « en sécurité », « épargnées », … il y a comme une forme d’aveuglement terrifiant : « jusqu’ici tout va bien » (ou « il y a pire ailleurs », ou « je ne suis pas encore touchée », ou « ça ne me concerne pas » …). A l’abri sur la berge, lorsque sombre un navire au loin dans la mer déchaînée ; au chaud chez soi, lorsque s’éteignent de froid d’autres sous ses fenêtres, lorsque des insurgés sont asphyxiés par des gaz de guerre chimique alors qu’elles et ils défendent un bout de terre à cultiver, des cabanes où vivre et des bibliothèques dans les champs, des routes sans voiture, des vies réparées, ou même des agoras où on s’engueulent… et que la « majorité » laisse faire en disant « c’est tant mieux pour ces petits cons… »
On pourra disserter longtemps sur ce sadisme du privilège qui consiste à penser que quand même on est bien chez soi pendant que d’autres se font massacrer la gueule. Il faudrait de toute évidence aller beaucoup plus loin et reprendre de façon méthodique l’histoire de ce gouvernement invisible que sont devenues les démocraties néo-libérales pendant qu’on nous fait la grande messe du vote. Un gouvernement invisible de l’opinion, qui permet depuis les années vingt aux Etats-Unis comme en Europe, via l’application de techniques publicitaires, des disciplines des sciences sociales comme la psychologie sociale et de quelques génies de la propagande, de renouveler les mécanismes même de l’idéologie et ce, en vue de la fabrique du consentement. Pour le dire simplement : comment convaincre les masses d’adhérer, de relayer et de collaborer dans le sens des intérêts d’une élite, d’une classe dominante, et ce, au prix de leur propre vie ? Leur consentement sert à leur faire croire qu’ils vivent encore à l’abri, qu’ils vivent encore tout court.
La fabrique du consentement c’est accepter d’être empoissonné sans broncher par Nestlé, Danone, Total, Bayer, Mosanto, Philipp Morris, h&m, Amazon et Google …mais recycler consciencieusement ses déchets ménagers. C’est être tué à petit feu en se réjouissant de la rénovation de Noailles et de la Plaine, du nouveau centre commercial aux Docks, des parkings à étages à la place du peu d’arbres du parc Lonchamp, …
A la ZAD de NDDL, à toutes les autres ZAD, aux cortèges de tête, aux occupant.e.s des facs, aux exilé.e.s, aux naufragé.e.s, aux employé.e.s des EHPAD et de la psychiatrie, aux postier.è.r.e.s, aux salarié.e.s en grève de la SNCF cheminot.e.s ou agent.e.s d’entretien, aux Black Blocs, aux luttes des quartiers populaires pour la justice, aux squatteuses du Guêpier expulsées ce même printemps à quelques rues d’ici … A nos vies qui se défendent parce qu’elles ont bien compris qu’elles étaient toutes déjà en train de sombrer. Autodéfense, autodéfense, autodéfense.
Elsa Dorlin, Marseille, la plaine, 20 juin 2018,
soirée de soutien à la ZAD de Notre Dame des Landes.
Ce texte est aussi une version concentrée
d’un des chapitres d’un long texte écrit ce printemps pour la Revue Jef klak
//////////// Autres documents
Impossessions primitives (extrait)
par Amandine André
Ce texte a été donné à lire en soutien à la ZAD de Notre Dame des Landes, le Mercredi 20 juin 2018, à Marseille. Impossessions primitives est à paraître chez Pariah éditions.
Elsa Dorlin, se défendre. Une philosophie de la violence
Se défendre. Une philosophie de la violence, d’Elsa Dorlin est à la fois la généalogie d’un dispositif de pouvoir qui légitime la défense pour certain-e-s et l’interdit pour d’autres et une histoire des tactiques défensives des corps tenus dans la violence.
Entretien radiophonique
La Horde d’or (Italie 1968-1977)
La parution en février 2017 de la première traduction française de la Horde d’or – livre en constante réimpression depuis sa première édition en Italie, en 1988 – est un événement considérable, et cela à tout point de vue : politique, existentiel, théorique, textuel, narratif, documentaire, stratégique, etc.
notes de lecture par Stéphanie Eligert
Alain Badiou, révoltes logiques. Entretien
Nous avons voulu revenir avec le philosophe sur le rapport qu’entretien la philosophie à la politique. Puis, dans un second temps, cartographier le bloc des subjectivités conservatrices et fascistes, produit du capitalisme contemporain et enfin sur quelques éléments qu’il considère indispensable, pour un mouvement politique révolutionnaire.
A la ZAD de NDDL, à toutes les autres ZAD, aux cortèges de tête,…
Après l’annonce du gouvernement de l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le 12 janvier 2018, Le Monde a publié un article sur le dispositif de maintien de l’ordre mis en place autour de la ZAD. Un ancien membre de l’État-major français y explique qu’il s’agit d’un dispositif (humain, matériel, stratégique) ‘‘sans précédent en métropole’’, avant de reconnaître qu’il pourrait y avoir des blessés et même des morts. Les mots ne sont pas anodins. Par ‘‘sans précédent en métropole’’, il faut comprendre que l’État a déjà eu recours à un tel dispositif dans les départements et territoires d’outre-mer. Mai 68 – Mè 67…
Notre-Dame-Des-Landes est en quelque sorte la démonstration de force à la fois monstrueuse, brutale et grotesque, d’un dispositif testé depuis longtemps ailleurs sur les classes populaires et les militants descendants d’esclaves ou de la colonisation. Un dispositif dont on a pu voir en 2005 l’intensité ; un dispositif qui, au fond, fait tâche d’huile et devient une modalité ordinaire, assumée, légitimée de gestion du maintien de l’ordre depuis les mobilisations contre la loi travail.
La logique tend ainsi à se déployer aujourd’hui sur l’ensemble du territoire et à l’ensemble des luttes et mouvements sociaux. Pour la première fois, à Notre-Dame-des-Landes, à ce degré d’intensité, sur un laps de temps aussi long, avec cette désinformation systématique, ce sont principalement des jeunes issus de la classe moyenne, majoritairement blanche, qui y sont confrontés. Au vu de la répression ouvertement brutalisante qui frappe celles et ceux qui ne rentrent pas dans le rang, force est de constater que la France s’appuie sur son passé, son passif impérial et s’aligne ainsi progressivement sur ce qui se pratiquait autrefois dans ses colonies, sur ce qui s’y déploie encore à l’ombre de la « métropole » : elle importe donc la « colonie » sur le territoire « républicain ». Si aujourd’hui les ZAD, mais aussi et plus largement tous les mouvements d’occupation connaissent ce « sort », je crois que ce qu’il faut comprendre c’est bien cela : ces territoires de luttes sont perçus comme un enjeu suffisamment crucial pour que l’Etat n’hésite pas à déclencher une guerre coloniale.
Alors, de toute évidence on peut voir une fonction très efficace à cela : faire passer l’envie de lutter, transformer la puissance d’agir, la rage de mobilisation en impuissance, en mélancolie de perdre, en épuisement de nos corps, de nos forces – parce que l’aveuglement, la surdité sont tels que crier, danser, défiler ne suffit plus ; mais aussi parce que la violence mutilante de l’Etat de droit est désormais sans limite. On nous use, on nous ruine, on nous blesse, mais plus encore on nous épuise et avec nous on raye de l’horizon ce que gagner une lutte signifie. Alors, la prochaine fois, on compte bien sur le fait que nous serons de moins en moins à nous soulever, que nous serons de moins en moins à rejoindre les foyers de mobilisation : parce qu’on a tout simplement peur de perdre une main, un œil ou la vie… Cela s’appelle l’exposition au risque de mort, de mort tout court, de mort sociale, de mort politique.
Comment se défendre face à un dispositif exposant des vies au risque de mort ? C’est toute la question de l’autodéfense, celle-ci peut prendre des formes bien différentes mais au fond il s’agit toujours de tactiques pour se maintenir en vie, faire face à une menace immédiate s’exerçant avec une violence sans limite. C’est à ça que fait référence Frantz Fanon dans Les Damnés de la terre. À ce moment où n’existe plus qu’une seule alternative : se soulever ou mourir totalement. Réagir n’est plus un choix quand la vie est directement menacée ou quand elle est rendue si invivable qu’elle se résume à la survie, à n’être que des morts vivants.
La résistance sur la ZAD ne se résume pas seulement à l’affrontement avec les forces de l’ordre pour survivre, mais en amont les ZAD relèvent de l’autodéfense politique qui vise aussi la guerre idéologique dans laquelle nous sommes. Cet entêtement à reconstruire, replanter, revenir et converger vers la zone est d’abord une lutte visant à redonner du sens. Qu’est-ce qu’une vie bonne ? Et un droit à la terre ? un droit à la ville, à la communauté, au commun, un droit à l’air, à l’eau, à la nourriture … Un droit ? ou plutôt qu’est-ce qu’une pratique vivable de vie ? Que signifie inventer ses propres conditions de vie ? C’est une façon de lutter pour ne pas être bousillé par ce discours de l’Etat de droit qui colonise les imaginaires et qui ramène ces formes d’autodéfense à des formes de marginalité, d’illégalité, d’atteintes à la propriété privée, etc. C’est donc une manière de sauver le monde pour qu’il soit vivable, face à un dispositif répressif qui a pour objectif que rien ni personne n’entrave le capitalisme néo-libéral dans la logique qui est la sienne : rendre le monde inhabitable, et face à celles et ceux qui l’ont trop compris, rendre leurs vies tuables.
A la résistance des Zadiste doit faire écho une pensée critique à la hauteur notre état urgence :
Aucune vie n’est aujourd’hui épargnée par le néolibéralisme dont l’Etat sécuritaire est juste le capo ou le manager. Résister équivaut aujourd’hui à cette myriade de pratiques vitales où la « vie » doit être entendue dans ce qu’elle a de plus prosaïque. Résister signifie rester en vie.
Aucune vie « protégée » par un régime démocratique, « défendue » par un Etat de droit, n’est en réalité épargnée. La destruction des écosystèmes et le saccage de la biodiversité par les pesticides et l’agriculture intensive, les industries pétrochimiques et les concentrations mégapolistiques, l’empoisonnement engendré par un mode d’alimentation dépendant de l’industrie agro-alimentaire comme la normalisation de « l’état de santé » telle qu’orchestrée par la toute-puissance des lobbys pharmaceutiques, la monopolitisation indécente des richesses par l’élite du capitalisme financier, la privatisation à marche forcée des biens communs et l’épuisement sans limite des corps productifs humains ou non, comme des ressources, ou la gestion pénale de ces corps devenus improductifs, indésirables et proprement agonisants, le règne de la sur-consommation et de l’économie du déchet etc. tout cela n’est pas une simple litanie catastrophiste.
Il faut urgemment s’atteler à comprendre comment une telle exposition généralisée aux risques de mort est possible par un type de nécropolitique – de politique de mort – ou plutôt de nécrolibéralisme ; et, surtout, quelle technique de pouvoir permet qu’elle soit à ce point consentie par la majorité sans que cette même majorité ne se rende compte qu’elle est en train de crever en respirant de la merde en bouffant de la merde et tout cela en regardant de la merde sur des écrans…
Or, du point de vue de ces vies que l’on dit « bonnes », que l’on nous promet désirables, qui sont réputées l’être et se vivent comme telles, « en sécurité », « épargnées », … il y a comme une forme d’aveuglement terrifiant : « jusqu’ici tout va bien » (ou « il y a pire ailleurs », ou « je ne suis pas encore touchée », ou « ça ne me concerne pas » …). A l’abri sur la berge, lorsque sombre un navire au loin dans la mer déchaînée ; au chaud chez soi, lorsque s’éteignent de froid d’autres sous ses fenêtres, lorsque des insurgés sont asphyxiés par des gaz de guerre chimique alors qu’elles et ils défendent un bout de terre à cultiver, des cabanes où vivre et des bibliothèques dans les champs, des routes sans voiture, des vies réparées, ou même des agoras où on s’engueulent… et que la « majorité » laisse faire en disant « c’est tant mieux pour ces petits cons… »
On pourra disserter longtemps sur ce sadisme du privilège qui consiste à penser que quand même on est bien chez soi pendant que d’autres se font massacrer la gueule. Il faudrait de toute évidence aller beaucoup plus loin et reprendre de façon méthodique l’histoire de ce gouvernement invisible que sont devenues les démocraties néo-libérales pendant qu’on nous fait la grande messe du vote. Un gouvernement invisible de l’opinion, qui permet depuis les années vingt aux Etats-Unis comme en Europe, via l’application de techniques publicitaires, des disciplines des sciences sociales comme la psychologie sociale et de quelques génies de la propagande, de renouveler les mécanismes même de l’idéologie et ce, en vue de la fabrique du consentement. Pour le dire simplement : comment convaincre les masses d’adhérer, de relayer et de collaborer dans le sens des intérêts d’une élite, d’une classe dominante, et ce, au prix de leur propre vie ? Leur consentement sert à leur faire croire qu’ils vivent encore à l’abri, qu’ils vivent encore tout court.
La fabrique du consentement c’est accepter d’être empoissonné sans broncher par Nestlé, Danone, Total, Bayer, Mosanto, Philipp Morris, h&m, Amazon et Google …mais recycler consciencieusement ses déchets ménagers. C’est être tué à petit feu en se réjouissant de la rénovation de Noailles et de la Plaine, du nouveau centre commercial aux Docks, des parkings à étages à la place du peu d’arbres du parc Lonchamp, …
A la ZAD de NDDL, à toutes les autres ZAD, aux cortèges de tête, aux occupant.e.s des facs, aux exilé.e.s, aux naufragé.e.s, aux employé.e.s des EHPAD et de la psychiatrie, aux postier.è.r.e.s, aux salarié.e.s en grève de la SNCF cheminot.e.s ou agent.e.s d’entretien, aux Black Blocs, aux luttes des quartiers populaires pour la justice, aux squatteuses du Guêpier expulsées ce même printemps à quelques rues d’ici … A nos vies qui se défendent parce qu’elles ont bien compris qu’elles étaient toutes déjà en train de sombrer. Autodéfense, autodéfense, autodéfense.
Elsa Dorlin, Marseille, la plaine, 20 juin 2018,
soirée de soutien à la ZAD de Notre Dame des Landes.
Ce texte est aussi une version concentrée
d’un des chapitres d’un long texte écrit ce printemps pour la Revue Jef klak
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par Amandine André
Ce texte a été donné à lire en soutien à la ZAD de Notre Dame des Landes, le Mercredi 20 juin 2018, à Marseille. Impossessions primitives est à paraître chez Pariah éditions.
Elsa Dorlin, se défendre. Une philosophie de la violence
Se défendre. Une philosophie de la violence, d’Elsa Dorlin est à la fois la généalogie d’un dispositif de pouvoir qui légitime la défense pour certain-e-s et l’interdit pour d’autres et une histoire des tactiques défensives des corps tenus dans la violence.
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