© 2018 la vie manifeste. All rights reserved.

Impossessions primitives (extrait)

Ce texte d’Amandine André a été donné à lire en soutien à la ZAD de Notre Dame des Landes, le Mercredi 20 juin 2018, à Marseille. Impossessions primitives est à paraître chez Pariah éditions.

——

 

je suis un texte en mouvement(s) inachevé je ne cesse de parler je ne cesse de croître je suis sans fin inachevé et infini je continue je persévère je suis un texte obstiné je n’ai pas de fin je commence encore j’ai déjà commencé je suis nombreux je ne possède pas les mots ils vivent en moi nous sommes plusieurs nous nous disséminons nous nous dispersons nous activons des affectes que certains veulent neutraliser je brûle…& j’assoiffe je souffle…& je me noie j’ai une grande patience j’ai plein de formes elles se multiplient j’ai plein de formes elles se divisent c’est atomique j’ai l’âge d’une trajectoire qu’on mesure et date par vitesse et expansion je reviens je ne vais pas finir car je suis affamé je reviens je ne vais pas finir je dois vêtir le poème nain l’hiver approche il est sans maison je reviens pour venger ma fiction c’est infini je prends le cosmos à témoin je reviens du futur nous parlons encore c’est sans fin nous ne sommes pas vaincus j’ai été appelé je vais répondre au présent affamé nous sommes une trajectoire stellaire et historique je dois vêtir le poème nain je reviens du futur nous ne sommes pas vaincus

 

 

Quand l’ours polaire et moi se noyant de fatigue sans banquise pour sol lui innocent comme notre forme de vie petite exterminée par le néolithique et l’ontologie naturaliste qui n’est pas nous ne nous ressemble pas mais entre dans nos corps avale nos tête et crache nos organes et cela fait de notre corps un lieu invivable

Quand mon souffle et les mots que j’écris et que je dis disparaissent avec oiseaux abeilles et champignons

Quand ce que je dis est dit par le mouvement de l’eau que je bois ce qu’elle me dit je le souffle sous forme de signes

Quand elle entre en moi et nourrit de paroles anciennes et hydrate les cellules ont un échange avec celui qui a pleuré celui qui a sué celui qui a uriné celui qui a parlé

Ce que je te dis écris-le, la nuit dans mon sommeil une musique me réveille, c’est un son très anciens que produisent mes cellules

Ce que je te dis écris-le, la nuit dans mon sommeil mes cellules font de la musique elles écrivent le poème qui poursuit nos naissances

Ce que je te dis écris-le, maintenant tu sais je respire et tu passes en moi et m’habites où que tu sois mes cellules poursuivent un bruit c’est une musique qu’elles font avec tes cellules et tu as besoin que je parle pour que tu entendes le silence car le silence à besoin de nous

Ce que je dis qui a été dis écris-le car le silence a besoin de nous et nous parlons pour le faire exister et nos cellules ont besoin de notre silence pour que le son c’est une musique vienne à nous nous rappelle rien

Ce que je dis qui a été écrit inscris-le, le soleil ne parle pas il n’a pas de bouche le soleil parle je suis l’image réfléchi de sa bouche, je suis le rêve du soleil et il me fait bouger

Je suis le rêve du soleil, écris-le car il m’écrit, il me lève et m’endort, je suis un rêve qui me précède, il joue en moi sa musique mes cellules quand je dors font un bruit qui me réveille c’est très ancien c’est une musique un son dans l’espace qui poursuit le poème

Je suis le rêve du soleil et ce que je dis et qui a déjà été dit écris-le car je suis ce qui sors de la bouche et cette bouche est le reflet du rêve du soleil, je sors de moi par la parole et cela choisit de devenir dans le monde, nous sortons de nous par la parole et j’entre dans ce moi que j’ignore par l’écrit que tu traces est un rêve du soleil

C’est une musique que tu parles en moi j’entre dans ce moi que j’ignore et le poème va vers ce qui ne lui rappelle rien un son ancien que les cellules émettent la lumière et l’air l’instrument qui ne se possède pas

Nous sortons de nous par la parole et je reviens vers ce moi qui ne me rappelle rien par ce que tu m’écris écrivant ce que je te dis écris-le encore c’est une musique que font les cellules elles me réveillent la nuit elles sont le rêve d’un astre qui me projette dans le monde qu’il éclaire

Je suis le rêve d’un astre qui me projette dans un monde qui éclaire c’est une musique le prolongement d’un poème la nuit je ne suis pas ici je suis quelque part dans ce qui me suit un avant dont je déchiffre les signes

C’est un bruit qui me réveille la nuit c’est une musique que les atomes les cellules et l’oxygène font c’est une chose que je ne possède pas car l’instrument de leur musique ne mène à rien ne mène nulle part

C’est une chose que j’ai dit qui a déjà été écrite que je déchiffre et traduis c’est une chose que je ne possède pas qui ne va nulle part c’est pourtant une chose qu’ils se sont mis à prendre et à posséder et dont la possession est faite pour engendrer le malheur

Ils vivront dans le malheur que toutes possessions engendrent, nos naissances le savent, elle vivra dans le malheur, nous ne l’ignorons pas

C’est une chose que j’ai dit qui a déjà été écrite que je déchiffre et traduis c’est une chose que je ne possède pas mais qui me possède car l’instrument de leur musique ne mène nulle part là où le passé ouvre le futur là où le futur vient ouvrir le présent

C’est une chose que j’ai dit qui s’écrit qui ne mène nulle part et ne se possède pas c’est une musique un objet céleste une planète naine un ensemble de pixels dans lesquels on jette des rêves c’est un objet céleste une planète naine la continuité d’un morceau de musique

C’est un bruit qui me réveille la nuit des pixels dans lesquels les cellules projettent le rêve qui me réveille la continuité d’un poème ce qui nous précède et nous suit une chose qui ouvre le présent et qui atterrit

C’est un bruit me réveille la continuité d’une forme mes cellules font de l’azote et de l’oxygène l’instrument qui ne peut être possédé c’est une musique un bruit qui ne rappelle rien la transformation des particules fines que le jour a absorbées c’est une musique une ventoline biologique

C’est une musique une ventoline cosmique que les cellules font avec l’oxygène et les globules rouges c’est cosmique c’est un air rouge c’est une musique martienne c’est un poème nain une continuité de l’atome dedans du delà des globules rouges c’est microscopique dedans est le son d’avant qui s’écrit et ne mène nulle part c’est plaisant nous continuons dedans une fluctuation de température

Un objet céleste que je déchiffre et traduis nos naissances le savent et le continuent les cellules se divisent et se multiplient c’est organique un bruit me réveille c’est un son une variation de température sa fluctuation cela se propage la nuit dans les cellules organiques me réveillent cela se propage dans le plasma chaud c’est inscrit et cela écris-le ce que je déchiffre et traduis

Un objet céleste non identifié qui ne se possède pas et cela écris-le je te le dis c’est un poème nain une musique martienne une variation de température qu’un rayonnement fossile porte c’est un bruit ancien une musique fossile qui ne vole pas les larmes ni ne mange les mots et cela me réveille la nuit écris-le car tu es le reflet de la bouche du soleil et il te lève quand je me couche

Les corps célestes n’ont pas de bouche ne parlent pas font un silence dont a besoin le rayonnement fossile c’est un bruit ancien une musique cosmique que continue le poème nain un poème contributif une forme avec des hamsters chinois

Les corps terrestres ont la bouche des corps célestes c’est un prêt ce n’est pas une possession cela ne nous impeuve pas nos naissances le savent elles sont ouvertes c’est une biothérapie une fluctuation de la température dans un plasma chaud et des cellules d’ovaires d’hamster chinois

Nous sortons de nous par la parole et l’univers entre en nous par un rayonnement fossile et j’entre lui quand tu l’écris car tu ne crois pas à ce qui impeut le tonnerre déchire le visage que tu inscris c’est une fluctuation un rayonnement fossile des signes dispersés qui se propagent que tu déchiffres

C’est un poème nain la continuation de la musique fossile les poètes ont ri et ont fait un jeté de poème nain ils ont ri cela les faisait rire de le jeter c’est un jeu cela les faisait rire de voir tomber un corps céleste ils lui ont ôté ses habits et ils ont remercié le maître et la loi pour leur nouvelle possession et ils ont alors récité le grand poème fait des étoffes du poème nain

Ce que je te dis qui a déjà été dis écris-le car je déchiffre et traduis l’hiver approche il est sans maison nous devons le vêtir et mes mains sont prises elles tiennent une seringue mes yeux sont pris ils calculent l’angle de l’injection mon corps est pris il garde la pharmacie l’hiver approche ce que je te dis écris-le mon squelette est de moins en moins n’a plus de hutte les immobiles du coeur détruisent les castors la nuit me réveille je crache des particules fines un poème cardiaque qui s’accélère

Ce que je te dis écris-le car nous devons vêtir le poème nu l’hiver approche il est sans maison les immobiles du cœur ont absorbé son rayonnement fossile sa fluctuation et nous écrivons l’habit du poème nous étoffons son pronom c’est une biothérapie je lui transplante mes cellules qui font avec l’oxygène l’azote et le carbone un instrument qui ne se possède pas mais imite le plasma chaud dans lequel se propage une fluctuation une onde fossile la continuation d’un poème une forme naine

 

 

Je suis un texte logique J’ai des cibles J’avance Je suis logique J’assiège le centre Je suis logique Je suis un texte stratégique Stratégique et affectif J’avance Je me déploie Je ne sers pas On me jette Je ne sers pas Je n’intéresse pas On me renie On m’humilie J’avance Je cerne les cibles Je suis une cible J’avance Stratégique & affectif Je me déploie Je me disperse Je me condense J’assiège le centre Je travaille ailleurs Je travaille partout Je suis un texte logique et stratégique je me venge je porte la guerre à ceux qui ont voulu me posséder je porte le guerre à ceux qui ont voulu s’approprié une lutte je reviens du futur les possesseurs ne nous ont pas vaincu je reviens du futur nous ne sommes pas vaincus

 

 

Amandine André

 

 

///////////////// Autres documents

Adolorée

par Pierre Chopinaud
Je marchais la nuit pour des soldats ne pas être pris et certains parfois le jour me voyant me faisait une place dans leur paille pour me reposer. Puis mon genou a commencé de me faire souffrir et j’ai du boiter jusqu’à la mer des jours durant en oubliant la souffrance.

Correspondances fantômes

Amandine André invite Liliane Giraudon & Nathanaël
Discussions et lectures, archive décembre 2013, Manifesten, Marseille.
Sommaire de la discussion >> deux écritures peuplées de fantômes – la correspondance – la consolation – la violence de la langue – la différence entre le Français et l’Anglais – le corps de la langue, l’incorporation – que peut la littérature ? – le rapport à la lecture – se faire un corps, le corps étendu des œuvres – le genre dans la langue du Français à l’Anglais, de l’Anglais au Français – la morale sexuelle des surréalistes

Les Mercredis de Montévidéo : Ryoko Sekiguchi + Amandine André

Mercredi 04 Mai, aux Mercredis de Montevideo rencontre de deux écritures. La voix sombre de Ryoko Sekiguchi (Editions P.O.L) et De la destruction d’Amandine André ( Editions Al Dante). Lectures + entretiens.

Sombre

pièce sonore
L’Europe forteresse est celle des cœurs endurcis et sans amour. Elle a pour politique et la guerre et la peur. Reste les habitants de Lampedusa seuls à tendre la main.

 

Renverse (I)

Extrait d’un récit laissé inachvé, Renverse.
par Amandine André