Francis Bacon, Autoportrait

rassembler/ressembler

quelque chose s’est détaché ici. quelque chose maintenant. les pièces les morceaux. les bribes. quelque chose s’est détaché dans l’effondrement généralisé. ici. quelque chose ici. dans l’ici irrespirable. l’ici irrespiré. dans la nuit et le silence maintenant. dans : quelque chose de l’attente et du poumon. s’est : détaché. quelque chose maintenant. il y a quelque chose du silence et de l’oubli maintenant. la nuit maintenant et l’os. le silence. l’oubli. ici maintenant quelque chose. et comme un désastre un fracas et quelque chose : de détaché. quelque chose du corps maintenant. de la peau et de l’idée qu’on se fait du corps détaché du corps. et de la plaie aussi. quelque chose de l’idée qui ne va plus dans l’idée. de l’idée dans l’os. de l’idée dans le silence qui voudrait se trouer. se creuser. s’évider pour quelque chose détacher/déranger. pour quelque chose respirer pour quelque chose détacher parler/trouer. maintenant. ici. quelque chose ne va plus ne veut plus. là où tout s’effondre maintenant les maçonneries. l’entassement. l’amas du corps ou. l’idée que l’on s’en fait l’idée du détachement : entre l’angoisse et le souffle. entre le mot et la chair. entre le dehors et le dedans. entre soi et soi-même maintenant ou l’idée de tout cela. l’idée du détachement entre soi ou soi-même. quelque chose s’est détaché d’un geste et avec le fracas de la pourriture. il faudrait comprendre cela sortir de soi. sortir de tout cela comprendre tout cela enfin. sortir et creuser. creuser. et creuser encore entre l’os et le sol maintenant sortir de soi. ne plus être détaché face au désastre ne plus être sortir. entre l’os et le sol toujours. maintenant.

quelque part dans l’os : ça parle :

là où d’autres trous se creusent maintenant d’autres ornières d’autres langues poussent. ça se creuse. ça puise. ça trébuche. d’autres langues ça s’épuise là où plus rien sinon l’angoisse. plus rien qui suis-je maintenant pour vous et que voyez-vous qui suis-je plus rien. ce gouffre lorsque mes yeux se sont tournés vers l’intérieur lorsque le mot est devenu pourriture : déchet : détachement : entre soi et soi-même. ça parle toujours que voyez-vous de moi lorsque je ne vois plus. lorsque le regard est gelée griffure entaille une syntaxe défaite. lorsque quelque chose s’est détaché du corps avec le poids du silence et des siècles. que les trous engendrent d’autres trous et se déplacent et jusqu’à la nausée même. lorsque ma langue devient mon visage. ma langue où comment c’est parler là où ce n’est plus possible. parler le détachement. comment c’est parler là où trop de choses se sont détachées comme les pierres dans la nuit. ou bien les dents et les stèles. comment c’est parler la racine puis l’ongle et l’épuisement. parler malangue quelque chose maintenant malangue. et creuser toujours la plaie. creuser quelque chose détaché se flexibilise à l’os maintenant. creuser jusqu’à la fin. creuser quelque chose de la fin qui ne fait que commencer. se flexibilise : dans une béance. creuser. creuser encore. creuser toujours

le sol maintenant ça parle encore :

kalavi
kalavi et si aka
ka la vi et si ut
na leki na uaka
ut
tsé mala sendr suma
ut
undr mana lo tsi é
mana ut
no si é mama si
kalavi kalavi et si aka
ut

(ma langue a quelque chose qui ne tient pas en place ma langue a quelque chose de la blessure ou de la plaie malangue)

ut si maya tchula
ut ni sema lissé
ut mo si é
ut mana ut
poss ni kama si
ut

(maintenant sortir de moi sortir de ma langue sortir maintenant ma tête devenue visage se creuse ne pense plus)

(un visage qui)

ut cala no tsi é

(lentement se déplace)

(lentement)

ut maya sé ut

(pour ne plus penser)

(maintenant sortir)

ça reprend :

il faut écrire contre. dans ce silence de la chair. et les plaies. et les siècles. ne pas s’arrêter toujours écrire contre. dans ce silence où une révolte devrait s’inventer. pourrait s’inventer. une révolte de la pierre contre la pierre. du couteau contre le cou-teau. une révolte de la langue contre la langue. dans ce silence. une révolte du corps contre le corps. de la souffrance : contre la souffrance maintenant. dans ce silence. il faut inventer cette révolte : celle de la bouche contre les yeux. du trou contre la langue et dans la langue. maintenant des joues se creusent comme des tranchées. des obus. des nuits interminables. maintenant le visage parle. il se devine. il sait. il est une révolte du corps contre le corps. il sait. il est une révolte et sa langue celle de ce(ux) qui nous tue(nt). le visage est une guerre maintenant. une guerre lorsque les mots ne sont pas encore des armes.

il faut inventer cette révolte.

(écrire contre.)

il faut inventer cette guerre entre soi et soi-même. maintenant. inventer.

quelque chose de cette géographie du vivant. de ces identités qui ne tiennent plus quis s’effondrent. quelque chose du mouvement et de ce qui est mouvant dans le mouvement. quelque chose hors des cadres qui font du corps l’image d’une l’image. il faudrait repenser cela. repenser et sentir le poids des dents au fond de la bouche. sentir la déviation de la peau contre l’os. continuer et repenser et sentir la respiration qui emprunte d’autres chemins. quelque chose de ce cadastre de peau de chair de tendons de calcites de silex de terre. et la solitude qu’il y a derrière tout cela. il faudrait inventer cette guerre du vivant. inventer la solitude inventer cette guerre et cette géographie du doute. inventer et ne jamais s’arrêter d’inventer. le corps a un visage incertain. c’est une nécessité.

tu parles et maintenant ça : dévie ça : dévide maintenant. Tu parles et ça perce. tu parles dans ça perce maintenant. tu : lumière caillasse tu ne sais maintenant. ça perce tu parles et ça. hache-brise. lisse-plisse. temps-tempes. maitenant et. la langue-déchirure longue ça : lagune quand tu parles : maitenant. ça longe ça berge le palais les dents. s’octobre sous ta peau et le menton ça : dévie. le parler-taire. la : désagrégagtion. de tout corps social. ça dévie ça : dévivre-dérive maintenant. tu parles et ça se tait. maintenant. ça se tait. ça plisse.

à gauche. puis à droite. quelque chose de détaché ça oscille. gauche : puis droite. la tête a quelque chose du balancier. du mouvement de l’indécision. quelque chose. droite : gauche. avancer maintenant le visage de la langue qui. avancer maintenant la langue qui.

si mama issé
ne si mana itsé
kama ut

la langue. gauche. droite. la langue ça

ut si maka ça

gauche. droite.

oscille. ton visage et des siècles. des siècles. ça oscille ça : s’indéfinit. dans la fraction du désastre. ça : s’octobrise.

mana tsi ut

plus loin encore :

maintenant le visage se creuse avec tes paroles. maintenant des trous. des tranchées. maintenant ça se détache s’éparpille. maintenant tu rassembles la fraction du désespoir. maintenant tu ressembles. d’autres langues persistent toujours. d’autres langues et quelque chose de la peau de l’os d’autres langues. les ressemblances et les plaies sont toujours là. depuis des siècles : et des stèles. depuis maintenant le silence. ton visage est une phrase sans fin à rassembler/ressembler.

Yannick Torlini

 

////////////////////////////////// Autres documents

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par Yannick Torlini
comment c’est rassembler toutes les pièces qui ne tiennent plus ensemble comment c’est s’évertuer à construire d’autres idées de l’individu ici et là dans cette pièce comment c’est s’enfermer pour ne plus assister à ce lent glissement vers l’obscurantisme comment c’est dans tu es là maintenant à vaciller comme toute lumière

 

durasNuit du 17 août

par Hélène Bordes
Je mourrais de boire ou de cette envie de boire, j’en mourrai, je pense. De ces liquides et de ces nuits à boire et au matin bus. Je bois je le sais, depuis longtemps. Quelque chose de l’alcool m’a raflé une jeunesse promise. Peut-être. Ce que je sais c’est que je bois jeune encore. Le visage que je peux voir en subit encore une transformation secrète. Je suis seule à assister à cette métamorphose non achevée. Bientôt il sera défait, définitivement.