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Cercle des chiens. Exercice III

par Amandine André

Texte à paraître dans la revue Attaques #1, éditions Al Dante

 

Cercle des chiens

Chiens. Chiens dans la tête. Chiens dehors. Chiens. Dans la bouche dévorent chair. Chiens. Dans la tête tournent et hurlent. Chiens. Dans la tête ne reposent pas la tête. Chiens. Tournent et chiens fouillent et chiens gardent. Chiens dans la tête bouffent. Plus de silence. Chiens hurlent. Chiens grognent. Chiens menacent. Rognent. La tête dans les gueules. Pressent la tête lâchent la tête pressent la tête ne relâchent pas la tête. Gueules. Chiens respirent. Toute respiration. Respiration de chiens. Chiens cherchent l’attaque et offrent la côte au flanc qui s’affaisse. Du flanc qui s’affaisse chien sort. Chien et chiens. Chien garde chiens. Chiens de chien tournent et guettent. Tête. Cherche silence mais chiens en vain. Dans la tête. Chien ne sort pas de tête. Rien d’autre que chien et chiens. Dans la tête plus que gueules ouvertes et affamées. Que chiens. Tout de tête est fourni aux chiens et chiens exigent que tête fournisse. Tout. Tout de tête doit accroître chien et chiens. Chiens demeurent. Chiens mangent tête mangent mots fournis par tête. Les mots dans leur ventre. Ventres de chiens insatiables. Meute. Chien garde. Chien mange. Chien suspend la faim. Chien garde chiens et tête gardée par chien et chiens. N’a plus faim. Chiens de chien ont faim et mangent ce que chien n’a pas voulu. Chien dort pendant que chiens mangent ce que chien n’a pas voulu. Chiens mangent les mots que chien n’a pas voulu. Tête donne les mots aux chiens, tête expire des mots pour ventres velus et noirs des chiens. Aucun ventre repu. Aucune gueule repue. La faim ne s’arrête jamais. La tête ne s’arrête jamais. La tête ne dort plus pour engraisser chiens. Mots gras. Tête a peur de chien. Tête ne dors plus parce qu’elle a peur de chien. Parce qu’elle a peur de chien elle nourrit chien et chiens. Tête ne dors plus et enregistre des mots à chair. Faire pâtée. Tête travaille parce qu’elle craint famine et dévoration par chiens. Quand mots pauvres tête prend cadavre de mots et mélange les mots aux mots. Soupe améliorée. Pâtée rallongée. Quand plus de mots. Tête ramasse merde de chien et chiens et mange merde de chien et chiens et exècre mots pour ventre de chien et chiens.
Quand chien ne dort pas quand chien ne mange pas chien ordonne à tête. Chien ne dort pas seulement chien ne mange pas seulement chien ordonne aussi. Chien et chiens commandent à la tête. Si tête ne répond pas chien et chiens cognent tête se jettent sur tête mordent tête jusqu’à ce que tête obéisse que tête se courbe que tête penche pour meute. Chien ordonne à tête des mots en conséquence de sa puissance sur tête et de sa puissance tout court. Des mots puissants. Propres à détruire tous mots qui s’opposent au mot qui s’opposent à sa puissance. Chien doit se tenir seul. Chiens de chien s’assurent de la seule tenue.
Chien n’ordonne pas seulement à tête que tête soumette les mots aux ventres velus. Chien demande à s’excéder par la tête. Que tête se mette nue. Que tête se baisse et se mette à quatre pattes. Que tête serve aussi à ce qu’il y a de sexe en chien et que tête réponde au sexe du chien qui sort. Sexe de chien cherche à excéder plus que chien. Tête sert aussi de lieu pour sexe excédant chien. Chien pénètre la tête. Chien encule aussi bien qu’il enconne. Chien ignore la différence entre sodomie fellation et enconnement. Chien l’ignore. Ce que chien fait est fait pour sexe chien. Chien sort du sexe seulement. S’accouple avec chien en lui quand tête nue à quatre pattes. Tête prend ce qu’elle reçoit. Tête sent les orifices bouchés les orifices ouverts. Tête sent que les orifices n’ont pas la même matière. Tête découvre tête en tremblant. Tête est trouée de toute part. Tête utilise les trouées par lesquelles faire circuler les mots. Tête sent les couilles de chien se cogner sur elle. Tête retient ce qu’elle sent du va et vient des couilles de chien sur sa partie. Tête sait qu’ici elle trouvera mot à chien et chiens. Quand chien se retire sexe suit. Chien veut dormir. Chiens de chien exigent de tête qu’elle s’ordonne à tous sexes de chiens. Tête obéit et travaille. Tête incorpore non seulement merde de chiens poils de chiens mais aussi ce qu’il y a de couillu en chiens. Tête mâche et fournit.
Chien demande obédience à tête. Chien et chiens veulent plus. Chiens veulent que chien soumette plus. Chiens provoquent chien. Chien manque au chien en lui. Chien en se limitant n’est plus chien. Chiens ne veulent plus de chien se tenant avant la limite. Chiens veulent chien sans limite. Chiens veulent que chien détruise chien en lui qui manque au chien. Chiens rebiffent babines et digèrent les mots puissants. Chiens ordonnent la destruction du chien si chien n’obéit pas. Chien obéit à chiens.
Tête reçoit mots du dehors et chiens hurlent et chiens grognent et chien juge impropre à la nourriture. Impropre tout ce qui n’est pas mots de tête. Impropre tout ce qui n’est pas fait par tête. Impropre tout ce qui n’est pas donné par tête mangé par tête mangeant merde de chien et chiens. Impropre. Impropre le verbe du dehors. Impropre ce qui viendrait renommer chien et chiens. Impropre. Impropres toutes suites de mots à prendre en plusieurs bouchées. Impropre tout sens non aligné à chien. Impropre. Impropre ce qui vient détourner ce que font chien et chiens. Impropre. Impropre à nourrir ventres velus et noirs sous peine de faire disparaître ventres velus et noirs par excès ou soustraction. Chien doit tenir. Chien doit tenir seul. Impropre tout ce qui menace sa puissance. Impropre la métaphore. Impropre la comparaison qui relie chien et chiens à autre que chien et chiens et fait que chien et chiens se tiennent avec autre que chien et chiens et fait que chien et chiens sortent de la tête. Impropres toutes suites de mots excluant chiens. Impropre ce qui dédouble chiens de chiens et trompe chiens. Mots à faux chiens impropres. Impropre ce qui fait tort à la loi des chiens. Chien et chiens ne peuvent comparaître. Toute comparution détruit le cercle de chien. Impropre tout ceci. Est impropre et tête ne peut y déroger. Est propre tout ce qui est fait par chien et chiens. Propre le mot de tête mêlé aux poils de chiens fait par chiens. Propre le verbe de tête issu de salive et de merde de chien et chiens. Propre fornication de mots entre mots de chien et chiens car impropre tout mot venu d’ailleurs. Propre est le sens dans lequel chiens font tourner les mots. Impropre tout ce qui invagine le sens. Propre est l’unicité du mot adhérent à chien et chiens. Propre est alignement de mots figurant chien de chiens. Propre ce qui n’inverse pas le rapport chien et chiens. Propre ce qui ne renverse pas la puissance de chien. Tête se soumettra à ce qui est propre. Chiens de chien se soumettront à ce qui est propre. Tout chien dérogeant à ce qui est tenu pour propre pour l’impropre sera tenu pour impropre et sortira du cercle de chiens de chien. Il sera tenu de se tenir à l’intérieur du cercle de chiens pendant six jours. Tête est à l’intérieur du cercle. Tête est inféodée au cercle. Chien impropre est inféodé au cercle et perd de sa puissance sur tête. Chien impropre équivaut à tête soumise. Après le sixième jour chien impropre regagne ce qui est propre en lui et se rallie au cercle. Tout chien consommant par concupiscence mot autre que mot de chien et chiens fait et donné et transmis par tête expira par un jeûne de six jours. Au septième jour chien pourra remanger ce qui est tenu pour propre sans corrompre les mots de chien et chiens. Est corrompu tout chien chiant métaphore. Est corrompu tout chien servant les plaisirs de tête. Est corrompu tout chien se refusant à la ligne claire maintenant la forme du cercle. Tout chien corrompu sera dévoré par chien et chiens. Tête ne prendra pas cadavre de chien dévoré pour rallonger la soupe des mots propres à servir de nourriture à chien et chiens. Tête n’y touchera pas. Cadavre de félon proscrit à la remâche. Si tête touche tête subira la puissance de chien.
Chien cèle ce qui est impropre et propre en excédant chien en lui. Le cercle de chiens de chien tourne pendant que sexe de chien domine chien. Chiens de chien n’ont plus de nourriture car tête est soustraite au service par sexe de chien. Les ventres noirs et velus déclarent la faim. Cercle de chiens se divise. Chien retiré de tête ne parvient pas à réordonner le cercle. Tête trouve cercle de chiens de chien et cercle de contre-chiens. Tête est sans lieu. Tête donne ce qu’elle peut. Rien de ce que donne tête n’est pris. Chiens et contre-chiens s’affrontent. Contre-chiens dévorent chien et chien de contre-chiens réordonne le cercle. Contre-chiens et ancien cercle de chien se couchent devant chien nouveau. Tête reprend le service. Chien nouveau appelle mots nouveaux pour puissance nouvelle. Chien remâche l’ancienne prescription. Chien garantit la reddition de la prescription ancienne. Chien ordonne la rémission de la métaphore. Chien est absolument chien. Chien se tient au-delà du cercle. Chien a définitivement pour lieu le lieu chien. Le lieu chien ne se mêle plus à cercle de chiens. Chiens maintenus devant le lieu chien. Séparés. Chiens devront garantir la séparation de chien et chiens. Chiens prendront mots de tête et ordonneront mots à la séparation. Chien lie le tout autre à lui et le tout autre se lie à lui. Chien puissant et puissance de chien partout. La puissance de chien excelle et succombe. Plus que puissance. Chiens de chien dans la puissance unis à chien. Temps de division réitéré. Cercles de contre-chien se multiplient. Chaque chien ordonne sa puissance à sa puissance. Toute puissance est désormais celle de tout chien. Tout chien menace la puissance de chien. Chien disparaît dans la puissance.
Fin du cercle.
Chien dehors. Quitte le pied. Chien dehors maître hurle. Chien cogné. Dehors maître a peur que chien parte. Maître a peur d’être chien de chien. Dehors. Chien fuit maître. Se poste à tête. Chien du dehors demande ouverture de tête. Cercle de chiens se refonde. Chien du dehors assure de son allégeance à chiens du dedans. Tête ne sait si elle doit ouvrir tête à chien du dehors. Chien du dehors promet allégeance à cercle du dedans. Chiens refusent à chien du dehors. Chien du dehors corrompu par dehors et par vie de chien auprès de maître non chien. Chiens se méfient. Chien du dehors a fait défaut au règne du maître non chien. Fera défaut à tout règne. Chien du dehors est chien défaut. Chien du dehors refusé. Chien du dehors périt sous les coups du maître non chien. Plus de chien du dehors. Le cercle ne tient pas sans dehors.
Fin du cercle.
Chiens et chiens dans la tête. Que chiens. Hurlent et grognent reniflent et mangent. Suite de mots qui s’enfile de tête à chiens. Suite de mots pour chiens. Que mots. Que chiens. Que tête à faire. Que tête à faire passer mots pour chiens dans trouées de tête et que tête à faire passer mots de chiens dans tête et de tête à chiens.
Tête est le milieu de chiens. Au centre et autour. Tête est dedans chiens et chiens dans tête circulent autour et dedans. Première suite de mots est dedans du dedans et dehors du dedans. Première suite tourne dans tête. Première suite faite digérée reprise déféquée reprise. Tête cherche une suite à suite. Tête prend chien. Tête demande à chien de s’excéder. Chien obéit. Chien troue tête comme tête le veut. Dehors de dehors touche dedans. Maintenant ouvert.
Dehors. Chiens dehors. Chiens encerclent tête et chiens dans tête. Chiens dehors hurlent grognent attaquent. Première attaque de chiens du dehors. Cercle de chiens et chiens ne se refondent pas. Chiens et chiens laissent chiens du dehors envahir. Hors-chiens prennent la tête. Hors-chiens circulent entre en-chiens. Chiens et contre-chiens vaincus. En-chiens vaincus offrent à hors-chiens suite de mots. Hors-chiens défèquent dans tête nouveaux mots. Hors-chiens ne demandent pas à tête le service pour suite. Hors-chiens se déploient dans tête. Hors-chiens établissent règne hors-chiens. Tête est sans milieu. Tête est dedans du dehors de hors-chiens et en-dedans. Hors-chiens divisent. Hors-chiens encerclent en-chiens et encerclent tête. Premier cercle tourne dans un sens. Deuxième cercle tourne dans l’autre. Temps immobile pour tête. Temps sans suite autre que celle de hors-chiens. Hors-chiens dressent tête. Tête dressée servira hors-chiens. Hors-chiens ruinent la suite pour en-chiens. Hors-chiens recomposent incorporent recrachent. Organes de hors-chiens refondent tête et mots. Puissance. Puissance. Puissance de hors-chiens. En-chiens recomposent incorporent recrachent. Grande défécation. Tête reprend le service. Tête sert tout ce qu’elle peut. Tête peut. Tête dressée se dresse en silence. Tête appelle hors-chiens à s’excéder. Hors-chiens cèdent à tête. Tête trouée par sexes de toutes parts. Tête appelle tous sexes qui appellent le lieu de leur sortie. Premier cercle rompt. Deuxième cercle rompt. Premier sens rompt. Deuxième sens rompt. Suite de non-sens. Hors-chiens du dehors assaillent hors-et-en-chiens. Hors-chiens au règne nouveau remettent puissance. Hors-chiens parmi en-chiens. Hors-chiens maintenant en-chiens et en-chiens pour nouveaux hors-chiens. Tête soumet encore tête. Tête dresse tête à soumettre tête. Tête dit à hors-chiens nouveaux comment soumettre tête. Tête sert à hors-chiens les mots du dressage. Hors-chiens obéissent à tête et exécutent les mots. Hors-chiens soumettent tête avec les mots de tête propre au dressage. Tête trouve la puissance de soumission. Tête est le milieu et hors-chiens tournent parmi en-chiens et tête tourne avec hors-chiens et en-chiens. Tête tourne et sort de l’en-chiens et de l’hors-chiens. Tête excède à tête. Tête est excessivement hors tête. Hors-tête cogne à tête-autre. Tête-autre prend hors-tête. Tête-autre fourre hors-tête de chiens. Tête-autre ne lâche pas hors-tête. Hors-tête devient en-tête. En-tête sent dans ses orifices tête-autre la pénétrer de ses en-chiens. L’hors-et-le-en-chiens de tête-autre est la langue vissée à tête. La langue de tête-autre fournit en chiens. Grande saillie de tête à tête et de chiens à chiens et de chiens à tête. Indifféremment ce qui sort de tête et de chiens forniquent avec tête et chiens. Puissance de la grande saillie fait sauter point pour le souffle. Grande saillie hors et dans les têtes cherche à faire venir les mots. Puissance de la grande saillie soufflée par les mots. Horreur de l’engendrement et copulation avec. Saillie du cercle ancien avec désordre. Saillie de cadavres remâchés avec mots accouchés. Grande saillie recrache mots puissants, incorpore mots puissants, digère mots puissants. Puissance du mot sur la saillie. Tête et chiens se couchent, tête et chiens se soumettent. Toutes têtes tous chiens. Vaincus.

Tête dans le mot. Ne dort plus. Tête sert le mot. Tête ne peut plus. Tête dans la gueule du mot. A même le mot. Inscrite.

Amandine André, 7 novembre 2011

 

 Attaques, revue des éditions Al Dante, réinventent des outils de pensée (qu’ils soient philosophiques, poétiques, artistiques, poétiques, politiques…) pour mieux se poser la question du Que faire…

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