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Le feu sur l’océan

Maxime Actis

c’est l’été et de la flotte arrose sans s’arrêter les champs de maïs
l’eau tombe sur le pare-brise
les plantes sèchent, deviennent jaunes et marrons, se cassent
certaines graines tombent au sol
tard dans la nuit insectes sur les bras et les jambes
longue file de voitures revient de la plage et emprunte l’artère principale
c’est étrange ce vocabulaire du corps
nos veines
le ciment battu colle aux pneus, les mains posées sur le bitume crament
ce sont nos veines

une bande de terre qui longe l’océan
on dit une corniche
elle est constituée d’une succession de falaises et de criques
si on marche on y arrive, on arrive là où certains monstres se retrouvent
hôtels particuliers et réunions au sommet
monstres c’est peut-être un mot trop joli pour les désigner
là-bas, il y a un gros casino et une promenade, des magasins de luxe
il y a aussi des rochers sur lesquels les vagues se jettent
il y a une passerelle près de la digue
il y a une vierge plantée au-milieu d’un des rochers, elle n’a rien demandé
au bout de la passerelle, certains jours, on peut voir l’eau bouillir
et se retirer et revenir et se retirer à nouveau

près d’un grand feu au bout du Boulevard Saint-Marcel
on me met un poème dans la poche.
est-ce que tu viens sur la côte basque à la fin de l’été ?
on s’est dit qu’on se retrouverait
juste avant la rentrée
je t’ai fait suivre les infos sur ton lève-toi
ptites plages & rochers tandis que l’Atlantique cogne
on pourra camper aux pieds des gros hôtels
on a déjà repéré des endroits choupis sur google maps
des allées transversales et herbeuses qu’on aperçoit depuis le satellite
une grosse fête
sur le rocher de la Vierge
comme les gens en ballade on nouera nos pulls autour du cou
et comme dans Ponyo, il sortira de l’eau des poissons justiciers
nous serons protégé·e·s
vagues, fumées sur la promenade, désirs,
mondes entiers, sirènes, bidouilles, corps élastiques et collés
corps élastique
et du feu sur l’océan

la transhumance ne dure pas longtemps
aussitôt commencée qu’elle s’arrête nette
rien ne sera bloqué car il n’y a plus rien à bloquer
les motos et les matraques découpent la foule plutôt maigre

rien ne se passe comme prévu et tout le monde court vers le camp
et des fusées montent dans le ciel et redescendent droites et tombent au sol
ça rebondit, ce sont des cailloux embrasés, l’herbe les étouffe parfois
manches contre visages, il y a comme des feux d’artifices
c’est humide à cause de la nuit qui vient
certains glissent et la peur les aide beaucoup
tout ce qui passe par la main peut devenir un projectile

vol d’aigrettes et un pré sombre
taillis qui se penchent sur le chemin
moustiques près des oreilles
les arbres découpent l’horizon et soleil
son cou saigne derrière l’océan baveux

c’est la fin de la charge
échanges de bons procédés et pétards
un petit groupe est poussé vers le littoral, vers le large et
court dans les plantes grasses que mangent les bêtes
l’ennemi est dans le dos
en contrebas il y a l’océan, l’écume et les creux de la terre
les mauvais monstres cognent pour de bon alors ils et elles tombent dans l’eau
des insultes fusent

feu sur l’océan, voilà, je l’écris à mon tour
le groupe flotte dans les vagues
nage, se disperse et se regroupe et s’éloigne
nage, les vagues les éloignent, les repoussent
derniers rayons du soleil dans l’eau, les habits gonflés de flotte
le groupe ne voit plus la bleusaille monstre
on entend des cris, des sirènes, pas les sirènes d’Homère
le courant déporte le groupe hors champ puis il se rapproche des berges
des rochers forment une crique minuscule

tous ces corps-là cherchent place et ces corps grimpent hors de l’eau
il faut se mettre nus, le tissu s’accroche aux muscles, à la chair
rien n’est évident
des flaques aux pieds de chacune et chacun
entre les rochers une cavité et des coquillages collés aux flancs des pierres
ça glisse, c’est presque bientôt la nuit
le bruit des vagues contre la terre, l’eau devient noire
c’est une plage vide
Il y a du bois flotté, crevé, la lune grimpe
elle va devenir énorme

yeux cernés, corps gauches et droits, brillants
l’été, la nuit, maintenant l’eau est noire
des nuages passent devant la très grosse lune
il n’y pas vraiment de visage, il y a des visages
un souffle prolongé de tristesse
une cavité peut-être une grotte, un recoin plus sombre qui a devancé la nuit
il n’y a plus vraiment de bruits
quelques bagnoles

aucune danse
aucun évènement
pas un visage
on s’écorche les pieds contre les rochers, les crevasses
le sang ne se voit pas malgré la lumière jetée de la lune
les poitrines gonflent, la peau colle
il faut rentrer ensemble, on se coupe
dans le pré on sent la rosée contre les mollets
le vent relève les hautes herbes qui se sont écrasées
quelques lumières au loin, du feu, on se serre

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10 vadrouilles

Par Maxime Actis
le douanier regarde nos livres, → Sid, 18.08.2009
stop près des voies ferrées
quelqu’un baisse la vitre et nous jette un paquet de cigarettes rouge
la police arrive et en anglais dit que Belgrade c’est loin
la police dit que c’est pas sûr le stop à cause des gitans
il y a des gens qu’on fout dans le coffre de la bagnole
et qu’on balance dans un ruisseau après les avoir dépouillés, comme ça sans raison