Marseille 26 mai 2016
On dit que c’est inédit ce qui se passe. On dit que c’est plus comparable avec le mouvement contre le CPE. Ni avec Mai 68. On dit que c’est plus comparable du tout.
Toujours plus de monde en tête des manifestations. Plus de détermination. Ça se compacte, ça s’agrège, ça échange. De collégiens à retraités. À Marseille, les lycéens aux avant-postes, la CGT rouge au centre, à l’honneur.
Maintenant, il ne reste plus que ça à faire : déborder. La pétition a débordé, les manifs ont débordé, les nuit debouts ont débordé, les syndicats vont déborder.
Ce matin, un poids-lourds a foncé sur un barrage de manifestants à Vitrolles.
Paris 18 mai
Comment garder la tête froide quand les événements se précipitent, quand les actions s’enchaînent et se déchaînent quand la joie d’être ensemble prime sur le recul, le souffle, l’apaisement.
Foncer.
Contenu dans la nasse qui serre. Ça ne serre pas le cou. C’est plutôt un poids contre poids, un équilibre des masses de plus en plus lourdes qui ne pourront s’apaiser que dans les jets de gaz lacrymogènes. Pouvoir des larmes, vents contraires. Du coup, le cordon de policier lui-même pris en sandwich par les deux rangées de manifestants. Du coup, le cordon s’ouvre pour laisser passer. Les éloigner de la place du rassemblement bleu policier marine. Un autre se reforme, mais la pression des deux côtés étant dissuasive, c’est parti en geyser secoué renommé manif sauvage. Du coup, rue, puis vers le canal Saint Martin. Ça bloque. Embouteillage. Une voiture de deux policiers. Coups sur vitre. Bélier à l’arrière. Du coup, fumigène dégénère.
Entre-deux
Ce cocktail étrange d’espoir et de pessimisme. D’enthousiasme et d’angoisse du lendemain. Cocktail inflammable qui se propage au groupe, qui renforce la détermination : addictif. Cocktail qui est aussi une drogue dure, et les symptômes de manque : on ne peut arrêter un mouvement comme ça.
Entre deux manifs et nuits
Petit à petit, des paroles sortent de l’ego et de la posture la représentation politique. On parle en son nom propre, on ne se replie pas sur l’individu, mais sur le propre. Inversement, des tribuns expérimentés font des flops : un grand barbu commence une longue diatribe contre l’union européenne, attendant les applaudissements en fin de phrase avec tonalité ascendante : des bras moulinent (on connaît la chanson, avance). Il regarde ses pieds, on passe au suivant.
Après les premières nuits debouts
Ce qui a été nommé « on vaut mieux que ça » en dit davantage que son titre. « On veut mieux que ça » c’est d’abord « on dit mieux que ça ». à savoir : nous connaissons mieux les vécus du travail. Nous ne nous réduisons pas à des des émotions de « peur » (de l’avenir, du déclassement) ni à celle de la « colère ». Nos émotions sont multiples et elles se relaient, s’agrègent vers des désirs. De ne pas rentrer d’abord dans ce qu’ils appellent « l’emploi », à savoir justement l’émotion de la résignation, de l’acceptation « faute de mieux », au mal-être de servir une entreprise qui détruit la planète ou asservit les cerveaux. Désolé, nous avons des cerveaux.
C’est cela que l’on entend dans des paroles fortes quoique parfois mal assurées place de la République qui nous changent des revendications faibles des voix très assurées des représentants politiques.
Paris, 2 avril
Fresque à l’église Saint-Eustache. La « nuit des débats » entre Anne Hidalgo et Edwy Plenel ronfle. Le surgissement des nuits deboutistes change la donne et tend les relations. lls sont trempés, désordonnés, épuisés. Obligés d’être à genoux pour tenir le microcravate. Les deux protagonistes restent sur le fauteuil Louis XVI, Anne Hidalgo, les traits plus tirés. Discours de domination ; discours de maîtrise « la démocratie, c’est le débat ». Edwy Plenel ne réussira pas à ne pas lire sans balbutier la longue et habituelle citation historique de fin de débat. Quelqu’un hurle « nous ne voulons pas participer !», les débatteurs reformulent « on a compris ». La preuve que non.
Conjonctions astrales
état d’urgence & merci patron
hé ho la gauche c’est où la manif ?
« ça va mieux » depuis la grève générale
blocage des transports et euro de foot : on tire la loi aux penaltys ?
COP 21 et notre dame des landes
Panama papers ou « krach du discrédit »
Un spectre hante la manifestation : le spectre de l’avant-garde.
JE SUIS BLOCUS
Demain il pleut ?
Stéphane Nowak
Conjonctions astrales
Marseille 26 mai 2016
On dit que c’est inédit ce qui se passe. On dit que c’est plus comparable avec le mouvement contre le CPE. Ni avec Mai 68. On dit que c’est plus comparable du tout.
Toujours plus de monde en tête des manifestations. Plus de détermination. Ça se compacte, ça s’agrège, ça échange. De collégiens à retraités. À Marseille, les lycéens aux avant-postes, la CGT rouge au centre, à l’honneur.
Maintenant, il ne reste plus que ça à faire : déborder. La pétition a débordé, les manifs ont débordé, les nuit debouts ont débordé, les syndicats vont déborder.
Ce matin, un poids-lourds a foncé sur un barrage de manifestants à Vitrolles.
Paris 18 mai
Comment garder la tête froide quand les événements se précipitent, quand les actions s’enchaînent et se déchaînent quand la joie d’être ensemble prime sur le recul, le souffle, l’apaisement.
Foncer.
Contenu dans la nasse qui serre. Ça ne serre pas le cou. C’est plutôt un poids contre poids, un équilibre des masses de plus en plus lourdes qui ne pourront s’apaiser que dans les jets de gaz lacrymogènes. Pouvoir des larmes, vents contraires. Du coup, le cordon de policier lui-même pris en sandwich par les deux rangées de manifestants. Du coup, le cordon s’ouvre pour laisser passer. Les éloigner de la place du rassemblement bleu policier marine. Un autre se reforme, mais la pression des deux côtés étant dissuasive, c’est parti en geyser secoué renommé manif sauvage. Du coup, rue, puis vers le canal Saint Martin. Ça bloque. Embouteillage. Une voiture de deux policiers. Coups sur vitre. Bélier à l’arrière. Du coup, fumigène dégénère.
Entre-deux
Ce cocktail étrange d’espoir et de pessimisme. D’enthousiasme et d’angoisse du lendemain. Cocktail inflammable qui se propage au groupe, qui renforce la détermination : addictif. Cocktail qui est aussi une drogue dure, et les symptômes de manque : on ne peut arrêter un mouvement comme ça.
Entre deux manifs et nuits
Petit à petit, des paroles sortent de l’ego et de la posture la représentation politique. On parle en son nom propre, on ne se replie pas sur l’individu, mais sur le propre. Inversement, des tribuns expérimentés font des flops : un grand barbu commence une longue diatribe contre l’union européenne, attendant les applaudissements en fin de phrase avec tonalité ascendante : des bras moulinent (on connaît la chanson, avance). Il regarde ses pieds, on passe au suivant.
Après les premières nuits debouts
Ce qui a été nommé « on vaut mieux que ça » en dit davantage que son titre. « On veut mieux que ça » c’est d’abord « on dit mieux que ça ». à savoir : nous connaissons mieux les vécus du travail. Nous ne nous réduisons pas à des des émotions de « peur » (de l’avenir, du déclassement) ni à celle de la « colère ». Nos émotions sont multiples et elles se relaient, s’agrègent vers des désirs. De ne pas rentrer d’abord dans ce qu’ils appellent « l’emploi », à savoir justement l’émotion de la résignation, de l’acceptation « faute de mieux », au mal-être de servir une entreprise qui détruit la planète ou asservit les cerveaux. Désolé, nous avons des cerveaux.
C’est cela que l’on entend dans des paroles fortes quoique parfois mal assurées place de la République qui nous changent des revendications faibles des voix très assurées des représentants politiques.
Paris, 2 avril
Fresque à l’église Saint-Eustache. La « nuit des débats » entre Anne Hidalgo et Edwy Plenel ronfle. Le surgissement des nuits deboutistes change la donne et tend les relations. lls sont trempés, désordonnés, épuisés. Obligés d’être à genoux pour tenir le microcravate. Les deux protagonistes restent sur le fauteuil Louis XVI, Anne Hidalgo, les traits plus tirés. Discours de domination ; discours de maîtrise « la démocratie, c’est le débat ». Edwy Plenel ne réussira pas à ne pas lire sans balbutier la longue et habituelle citation historique de fin de débat. Quelqu’un hurle « nous ne voulons pas participer !», les débatteurs reformulent « on a compris ». La preuve que non.
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