© Image Gaetane Laurent-Darbon.

Le Patient, Jérôme Bertin

La salle d’arts plastique est immense. Des oeuvres de malades, dont certaines rappellent au patient la foudre d’Adolf Wolfli, fleurissent sur les murs Omo. Les fous dessinent comme des enfants, de grands enfants en colère. Les fous sont de grands enfants en colère. Privés de beauté, de douceur, d’amour, ils utilisent le rouge et le noir comme des armes de destruction massive. Des âmes de destructions massives, voilà ce qui a guidé ces mains, songe le patient. Enfants pendus à la lune côtoient ici colombes éventrées et soleils noirs. Cependant, l’infirmière chargée du groupe dessin, une vieille blondasse bouffie engoncée dans des froufrous, a décidée de changer la donne en demandant aux fous de jouer aux petits moutons dociles et édentés pour ne pas mordre. Dans cette ignoble perspective, elle propose des thèmes plus débiles les uns que les autres. Aujourd’hui, c’est l’automne, il faut découper des fruits de saison et les coller sur une boite en carton ! Satan du système ! Elle veut changer les engelures rebelles en bon petits soldats du bon goût bourgeois. Salope ! Infirmière ! Tu pourriras en enfer ! Tous ces esprits doivent être apaisés pense l’infirmière. Apaisés pourquoi ? Pour mieux tomber dans le chiotte de la sacro sainte société libérale ? Connasse ! Voici donc que les malades se mettent à découper des pommes et des poires avec des airs de chiens battus. L’infirmière à même mis un brin de musique mièvre pour apaiser un peu les colères magiques, ainsi Francis Cabrel collabore au pogrom pernicieux des pulsions du voir clair. Le patient découpe deux pommes et trois poires. Puis il se lève, se saisit d’une boite de crayon de couleurs, et il dessine en quelques minutes un paysage de mort totalement asymétrique et malade, brûlé par un gigantesque soleil rouge. L’infirmière tire la gueule. Ça ne rentre pas dans le cercle rose bonbon du thème de merde. Le patient est satisfait. Fier de luire. Fier de luire dans la grande nuit du thème de l’automne de la pensée.

Jérôme Bertin, extrait de Le patient, à paraître le 14 septembre aux éditions Al Dante

 

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