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Instructions pour une prise d’âmes, Frédéric Neyrat

«Le monde de la terre actuelle est mené par des séries d’envoûtements concertés et calculés» nous dit Artaud. Quelle signification autre que délirante accorder à une telle déclaration ?
La folie d’Artaud serait entrée en conjonction – en résonance – avec le déni occidental. Elle s’exprime là où l’«Occident» a toujours refusé de s’exprimer sur lui-même – à moins qu’il n’en ait jamais été capable.

L’envoûtement est un nom qui vient à la place de l’impensé occidental. L’impensé colonial.
L’impensé du rapport entre Dieu, la techno-science et le capitalisme. L’impensé qui empêche de vivre et donne faim. L’impensé du corps auquel on fabrique une âme. On dira pourtant que l’on sait pertinemment aujourd’hui ce que sont le colonialisme et le post-colonialisme, le monothéisme, la Big Science et le capitalisme.
Mais si l’on sait, nous dit Artaud, alors c’est pire. C’est qu’on ne veut vraiment rien changer et qu’on se veut du mal. L’impensé serait-il ce que nous savons le plus ? Il y a de quoi parler… d’envoûtement.

Il s’agirait de « crever la Croix », pour élaborer de nouveaux croisements. La tâche est éminemment bio-cosmo-politique.
Faire l’immanence… consisterait à inventer des assemblées composites qui ne se résignent ni à la pulvérisation postmoderne, ni à la solution du « retour » au Grand Un : des « collectifs asymétriques de la Terre » qui n’indemniseraient plus une région intouchable de l’être.

Rencontre avec Frédéric Neyrat sous la pluie et les cygnes sauvages à propos des ouvrages Instructions pour une prise d’âmes (ed La phocide) et L’indemne – Heidegger et la destruction du monde (Sens & Tonka éditeurs, coll. Collège International de Philosophie)


Intercession, Neyrat.mp3
Entretien et réalisation : Nicolas Zurstrassen
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