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Idiot cherche village, Thomas Ferrand

Entretien avec Thomas Ferrand, à propos de la pièce Idiot cherche village.
Une œuvre stridente, tendue et troublante. A la base de cette pièce, un livre (Le Réel, traité de l’idiotie, de Clément Rosset) et une série d’entretiens menés avec le philosophe Bernard Stiegler.

L’époque est à l’ordinaire. Un ordinaire sans étrangeté. Sûrement parce que l’étranger est ce dont l’époque voudrait plus que tout sa fin. Voulant sa fin, c’est la fin de tout ce qui pourrait l’inquiéter qu’elle exige. Et c’est ce qui lui est concédé le plus facilement, au quotidien.

Cette pièce est la salle d’attente décrite par Paul Virillio. Là, l’horizon fait défaut où plutôt l’horizon d’attente est l’attente elle-même. Alors reste la catastrophe. Il y en a beaucoup pour la désirer, d’ailleurs il y en a qui la vendent. Les corps sont pris dans un devenir inéluctable, sans volonté chacun va vers sa fin, sans conscience ni désir. La catastrophe ne vient pas.

Dans un univers du contrôle des signes, du story-telling l’autre devient tout simplement le mur qui empêche la destination, qui interrompt le flux effréné. L’autre ou un porc, tout devient indifférencié et informe. Dans cette suspension du temps le sens s’affole et il n’y a plus de foyer pour qu’une voix porte une histoire. Pourtant, il ne s’agit pas de boucler le sens, de lui donner un sens unique, mais d’opérer pour chacun une reterritorialisation, afin d’accueillir un à venir pour que l’histoire soit de nouveau possible.

« On ne peut pas administrer la preuve de l’existence de la singularité. Si vous voulez prouvez quelque chose, vous êtes obliger d’établir un raisonnement, une démonstration et pour pouvoir raisonner démonstrativement vous êtes obligez d’opérer des comparaisons, donc le singulier ne peut pas être l’objet d’un jugement démonstratif. Le singulier on ne le rencontre que dans l’expérience d’une monstration et non pas d’une démonstration. Cette monstration est monstrueuse. Le singulier se présente monstrueusement, c’est à dire qu’il est saillant, incomparable, incalculable, débordant ». B. Stiegler


Entretien Thomas Ferrand.mp3