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il fallait qu’elle soit défaite à ce point là.

il fallait qu’elle soit défaite à ce point là. Que rien ne la relève. C’est à ce point là, défaite, que rien ne la relèvera. Au sol ainsi pour que rien ne puisse plus la relever. Au sol aussi. Il fallait que tout et tous lui soit passé dessus pour qu’à ce point là. Tous les chars et ceux de Tian‘anmen. Il fallait aussi sans doute une grande explosion pour la coucher ainsi au sol. Il fallait que son ombre soit resté sur un mur pour que son corps colle ainsi à la terre sous ce soleil. Au sol de cette manière avec ce corps bleu et noir. Il fallait que la plus grande terreur la rencontra pour que ici aux yeux de tous elle se fasse dessus et que plus rien ne redresse son corps de la chute. Le souffle d’une explosion sans doute pour que la tête semble décrochée des épaules. Il fallait que le désastre soit grand pour qu’à la place du visage il n’y ait que la ligne d’un sillon. Il fallait sans doute au monde le monde pour la défaire. Que plus rien ne puisse plus la relever il fallait au monde sa fin pour qu’elle se couche ainsi défaite de toute victoire. Sans jamais rien avoir eu à vouloir opposer, ni bataille ni lutte, pour que cette défaite soit sans victoire. Pour que rien de sa chute ne reste. Il fallait que les plus grands coups lui soit tombés dessus pour que son corps si noir et bleu. Que des mains, des poings, des pieds, des barres, des tables, des pierres, des matraques, des triques, des pavés, des coudes et des genoux. Il fallait tout ça pour que le bleu et le noir du corps soit à ce point là. Que jamais je n’ai vu couleur pareil sur un vivant. Il fallait que du Bach on ait cessé de jouer, que Mozart soit poussé dans la fosse commune et toutes la musique avec pour qu’à ce point défaite. Il faillait que tous aient été privé de sens et que rien ne parla plus à la chair pour que tout l’abatte.
Je ne sais pas. J’invente. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Je suis entrée dans la cour et je l’ai vue étendu là, le corps noir, le corps bleu, avec une puanteur dessus, avec les vêtements si trempés qu’ils collaient la chair. Je n’ai pas tendu la main pour qu’elle se relève, elle était déjà dans la terre sans avoir froid

Texte : Amandine André
Musique : Elizabeth Anka Vajagic, Sleep with dried up tears