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SOCIAL DISTANCING

Florence Andoka

Enlacée sans réponse
Tu cherches décharge
Entre tes seins s’épanchent
La libérale humeur de ta sueur
Dehors attendront
La poudre et l’escrime
Si la roue tourne
Une bergerie, un sous-sol, un couvent
Qu’importe le lieu
Si ce n’est celui de ta retraite
Volontaire et fortunée
Où seuls les sans yeux te regardent
Les choisis
Les non-humains
Un désert avec des framboises
Où la mort se gère elle-même

Baigne ta tête de lumière blanche,
Tu en as bien besoin
Je le vois à la position de tes pouces
Incapables de caresser l’arrière de la main
L’index à l’orée de l’oreille
Dans cette cave tu blanchis

Ecoute, relève,
Breath, deep breath

Et le temps a passé
Je me suis fait de nouvelles amies
Pour la veille et le désir
Pas moins réelles que la précédente
Plus loin juste
Dans l’espace et le temps
Et le visage pixel
Et notre lien
Tout entier sous mon scalp
Ruisselle
Le goût de la liqueur
De figue
Des grandes occasions

Entre toutes
Noire sur fond orange
Kelly
Je te regarde changer de robe
Encore et encore
Try on
Tirer les manches et étaler la crème
Courir des villes similaires
Et caresser ta cellulite
M’épuise et me ravis
Je lis ta langue sur tes lèvres
M’assoupis
Reviens au petit grain de la joue droite
Il est trop tard pour continuer
Déjà l’éclairage public s’amenuise
Et chante ce coq urbain où personne ne se lève
Je lèche tes larmes
Au goût des miennes
Le désir aux quatre coins de la motte
Déterre le poison ma sœur
Et crachons-le dans d’autres bouches 
Siffle, court, estime
Ce qu’un jet de pierre déroule
Nos langues le peuvent aussi

Monte le genou en direction du coude
A cadence fixe
La boule de ton crâne
Se forme au milieu
De ton ventre
Entre les murs de la chambre
Au plafond lézardé
Va et vient
Court l’air colère
Au-dessus de la lèvre
Humide
Le duvet follet
Gonfle
Les mains cherchent à repousser les murs
Mains croisées
Index joints et étendus
Kali tourne
En mouvements centrifuges
Brise, coupe, scintille

Breath
Deep deep breath
Full Expire

Jasmine boude
Big bingo
Trépigne
Binge Eating
A toute heure du jour et de la nuit
Je la regarde qui avale
Parasite et querelles vertes
Les copines
Et le reste
La peinture
Et le reste
Admirer sans comprendre
Ta présence heureuse
Couper des poireaux et des algues
Et caresser de l’œil ta bouche d’emprunt
Ton pinceau d’emprunt
Tes abdos saillants
Et ta langue hésitante
Il y a du mépris dans cet amour
De la réparation en attente
Et du cœur à l’ouvrage
La mousse synthétique enfle
A ton chevet je guette
Veille au grain
De tes exhalaisons
Ta chevelure a quitté le bleu pour le vert
Et tes épaules se couvrent de petites fleurs
Tatouées papier peint
Tu changes et tu danses
Et je te regarde rompre
Avec le mascara et les sourcils trop forts
Tes parents et le numérique
Tu aimes les couleurs fluo
La tendance glissante du porno tacite
Les perruques qui ne frémissent jamais
Bien sûr tu te filmes pour me faire taire
Et laisser filer le printemps

A toi qui ne digères rien de la menace
Pousse ton corps pour l’épargner
Dans le bain cosmique
Et numérique
Te voici intouchable
Ready to love
Distancing love
Sublime et sans contact
Tire sur tes globes oculaires
Bascule dans la ouate guidée
Il y a la voie
La suffocation fugace
L’énigmatique rire qui traverse le haut de l’abdomen
Et gigote entre les côtes

Deep breath
Side out

Hitomi mon amour
Je n’ai pas le temps d’attendre ta prochaine vidéo
Je poste mon pouce à l’entrée de mon vagin
C’est toi maintenant qui occupe
La figure des ondes de nuit
Le halo jaune
Et la main élastique
Tu manges des nouilles
Et te lèves à heures fixes
Tu respires
Ecartes
Etends
Les genoux au-dessus de la tête
Pour l’hydre aux mille visages
Qui achète les déodorants que tu recommandes
Pour partager ta joie
Du Penjab au Vénézuela
Souple langue
Aspirateur aux interstices
Et si amour n’était
Que repli d’angles
Et trouble origami
Hitomi is a sexworker
And I love her booty
Aux heures fluides
Dans ma chambre je m’exile
Rêve de l’œuf que tu t’introduis

La chaleur n’arrange rien à l’affaire
Il faudra bientôt quitter le pyjama
Faire respirer la viande

Est-il seulement possible de rester là
Et la grue qui ne soulève plus rien
Que faire pousser ici
Si ton ventre ne se frotte plus à d’autres
Si personne ne fait couler tes larmes quand tu jouis
Coupe un peu tes ongles quand tu sors
La brique est sous le dos
Et le ventre détendu
Sens-tu l’ampleur
Du dehors qui devance
Tes pieds qui battent l’eau
Et ne renoncent à rien

Florence Andoka est née en 1988, vit à Besançon, a publié des textes aux éditions Derrière la salle de bain, Littérature mineure, Vanloo, Médiapop, Zouhh.