Les morts ou les fantômes, que l’on souhaite les chasser, ou bien recueillir leurs paroles, ont toujours fait l’objet d’une passion dévorante. Écoutez ce que nous rapporte Daniel C. Izbitor dans son ouvrage intitulé Povești adevărate din sudul Transilvaniei (« Histoires vraies du sud de la Transylvanie ») :
« Peu après la Révolution transylvaine de 1784, un jeune couple ordinaire habitait le village de Rășinari, à une grande lieue au sud-ouest de Sibiu. Octavian et sa femme Luminita y occupent une maison en bois, à l’orée des forêts environnantes. Le ménage subvient à ses besoins grâce au bûcheronnage du premier, tandis qu’elle, chaque semaine, se rend au marché de la ville pour échanger la vannerie qu’elle fabrique au quotidien. Bien que leur vie rustique fut pénible à maints égards, elle s’écoula paisiblement jusqu’à ce jour de 1788 où Luminita, au dire de quelques paysans témoins de la scène, fut frappée par la foudre alors qu’elle revenait de Sibiu par une chaude après-midi de juillet. La jeune femme, immédiatement secourue, n’en perdit pas la vie pour autant, mais resta muette après ce jour. Octavian, qui était connu pour être follement épris de son épouse, vit dans cet événement la marque du châtiment censé laver un péché inconnu de lui, et même s’il resta l’homme le plus aimant et le plus doux qui soit, les traits de son visage devaient trahir après l’accident la présence d’une terreur sourde. Une terreur qui trouva rapidement sa justification. Les annales de Rășinari indiquent en effet qu’en décembre 1792, le dénommé Octavian Schelet, boquillon de son état, se rendit au bureau des autorités locales pour signaler la disparition de sa femme. Soupçonné d’abord d’être le responsable d’un phénomène aussi étrange, l’enquête diligentée à l’époque dut conclure en définitive à une disparition inexplicable, et l’affaire en resta là. Du moins pour ce qui est de la version officielle. Car la mémoire locale de cet épisode ancien a bénéficié de l’attention rigoureuse des villageois, lesquels se transmettent de génération en génération l’intégralité de l’histoire que voici. Octavian, nous dit-on, fut aperçu de loin à plusieurs reprises, occupé à fouiller le sol à différents endroits de la campagne ou des bois avoisinants. Cet homme, qui demeura inconsolable, adopta la vie la plus discrète qui soit, et personne dès lors ne voulut importuner le malheureux qui vivait dans une solitude quasi totale. Ce n’est que bien des années plus tard, quand notre bucheron vint à mourir, durant l’hiver 1819, que la population découvrit le rituel étrange qui occupa Octavian jusqu’à la fin de ses jours. Nicolae Stafie, le forgeron du village, témoigna qu’il fut à l’époque le tout premier à visiter la maison de notre homme, après que personne ne l’eut vu depuis plus d’une semaine. De nombreux os, de tailles variées, petits ou gros, étaient réunis là, avec des sangles en cuir et de la cire, comme pour former la reproduction d’un squelette humain. Cette création macabre, qui avait tout l’air d’un pantin monstrueux, ne manqua pas de sidérer Nicolae dès qu’il eut franchi le palier de la maison. Il s’avéra, après divers examens, que le bûcheron avait récolté alentour de nombreux ossements d’animaux – tirés de carcasses d’ours, de lynx, de cerfs ou de sangliers – des os qu’il avait précautionneusement nettoyés avant d’accomplir son office. Sur toute la surface de ces os étaient en effet gravées et teintes en noir des milliers de lettres qui ensemble formaient l’ouvrage le plus étonnant. Octavian avait noté ainsi tous les souvenirs, tous les événements qui l’unissaient à sa bien-aimée Luminita, et ce récit se dressait là, inaltéré et sidérant – tout prêt de la table à manger et du mur sur lequel une tapisserie affichait le regard impassible d’un grand cerf – sous la forme d’un pantin comme entièrement tatoué, et tenu debout par un ensemble de tuteurs ou de ficelles attachées à la poutre maîtresse qui traversait le plafond d’un salon parfaitement ordonné. De nombreux épisodes de la vie d’Octavian s’offraient ainsi à la vue du lecteur incrédule, mais aussi plusieurs dialogues, inscrits sur les os les plus gros – une omoplate de cervidé attira tout particulièrement l’attention – des conversations que nos deux amants avaient entretenues par delà l’espace et le temps. L’une de ces pièces, par exemple, portait l’extrait que voici :
– J’entends quelque chose ? Non, pas un son. Rien du tout. – … marchais en rond près de l’évier, rayon de lune. – Dans le doute je prononce ton nom : Luminita ? – la porte est ouverte, un chien aboie près de l’église. – J’ai parcouru les sept citadelles [Siebenbürgen] pour te retrouver. – J’habite là où l’on parle de moi. »
L’écriture demeure à travers les âges un outil performant, et qui sait, peut-être le meilleur pour commercer avec nos chers fantômes. Les anciens égyptiens, qui ne distinguaient pas les mots de la chose ou de l’être auquel ils étaient attachés, pouvaient se débarrasser de l’esprit encombrant d’une vieille tante juste en effaçant du cahier son prénom. Sortez vos gommes les agneaux ! Ou alors rabattez-vous, amourachés impénitents, sur le pouvoir bien commode du papyrus magique. Plus efficace que le neuromarketing, la méthode servait autrefois à exploiter l’âme d’un mort pour soumettre la volonté de l’être aimé(e) au désir du petit malin qui avait enfoui son papier dans la bouche d’un cadavre. En ce temps-là, aucun SAV : on privilégie l’e-ffi-ca-ci-té. Tout ça est vieux comme le monde. L’écriture, et le livre incidemment, forment naturellement parmi toutes les techniques, machines ou chimies employées pour négocier avec la mémoire et l’ « invisible », un système d’enregistrement et de diffusion dont l’Histoire a largement prouvé à ce jour qu’il était des plus utiles et des plus opérants. Pas la peine de rappeler ici les milliers de formules, de magies écrites ou dessinées, en 2D ou en 3D – comme le quechua sculpté de ces villageois de Padcoyo, en Bolivie – et que jamais l’on ne cessa de produire à travers les siècles et les siècles. Le livre, qui fixe le passé, est aussi une nekuia. Rappelez-vous d’Ulysse et de son cinéma. Un jeu d’ombres habilement orchestré. Il s’agit de laisser parler ce qui crève d’envie de lancer son Truc. La technique de l’écriture est justement là pour ça. « Cliché ! » diront certains spectateurs… Et je les en remercie. Car ils ont bien compris que le texte est un enchaînement de clichés ou d’images, et qu’il fait son cinéma. Dans la religion juive, Dibbouk signifie l’acte d’attachement d’un esprit à un corps. Par suite, dibbouk est le nom que l’on donne aussi au fantôme errant qui cherche le repos dans le corps d’un vivant. De nombreux écrivains ne sont en fait que les supports d’un ou plusieurs dibbouks, et les livres qu’ils écrivent, de simples enregistrements de voix. Sur le bouquin transformé en bobine de film – comme on parle de rouleaux de triacétate de cellulose en cinéma – s’impriment les fantômes et leurs paroles, ce qui revient à la même chose. Mais au juste, sont-ils morts tous ces morts auxquels on parle, ou desquels nous parlons ? L’écrivain dibbouké, ou qui dibbouke son livre par une nouvelle forme d’envoûtement qui dès lors s’étend même jusqu’aux objets inanimés, écrit pour entendre parler tous ses morts à travers des phrases que lui-même parfois ne comprend pas. Les dibbouks d’un livre ne sont pas morts car morts-vivants, vivants toujours-déjà morts, chargés de figurer des morts vivant quelque part. Le dibbouk est consubstantiel au livre. Ainsi dans les pages qui suivront sera-t-il impossible et superflu de savoir ce qui est mort-vivant ou vivant-mort, puisqu’il s’agit de présence et de ce qui doit parler, d’où que l’on parle. Un portrait écrit fait revenir le mort comme s’il était vivant, mais le représente vivant en tant qu’il est mort. Ces morts vivent parce qu’ils sont enfin nés à la représentation. C’est tout l’art de provoquer des apparitions, mais aussi de les exorciser.
** répétition
Les morts ou les fantômes, qu’il s’agisse de mes graisses, l’image que j’en avais, (paroles), ont toujours fait l’objet d’un sol à mes pieds. Je ne sais pas, tout âge est resté un outil performant, et les disparitions avec. Sur le coup je me sentais commercer avec nos chers fantômes, c’est-à-dire des fantômes qui coûtent cher. Les choses, le tonnerre, il y a toujours un pas-les-mots-de-la-chose-ou-de-l’être, un bruit qui fait tout valdinguer. Mr B. eut tout loisir de se débarrasser de l’esprit, vers une heure du matin. Tout bonnement son prénom de papier. Il ne restait plus grand monde sur les trottoirs amourachés, impénitents. Une autre astuce vint examiner dans ma tête le nombre d’heure ou de papyrus magique, une astuce bien meilleure que toutes celles qui avaient mal choisi leur moment. Comment employer l’âme d’un mort pour soumettre Il Ne S’est Rien Passé ? Le petit malin qui l’ avait utilisé après avoir coupé ses deux oreilles et le cinéma, Mr B. l’aura poursuivi dans la bouche d’un cadavre. Et mon briquet pendant ce temps ? Il a dû glisser quelque part. Tout ça est déjà vieux quand nous avons pourtant cruellement besoin d’images. Trouver un livre incidemment. Des formes bien sûr. J’abaissai de nouveau le regard vers une chimie employée pour négocier l’image nette. Et pas floue. Lorsqu’elle était nette d’enregistrement et de diffusion, le cercle au milieu duquel un chien s’était couché était alors des plus utiles et des plus opérants, moment où le cabot installé, repu de formules, de magies, écrites ou dessinées grâce aux chaleurs que Miss B. pouvait encore lui prodiguer, semblait comme endormi lui aussi. Dans le dos du livre, qui fixe un passé, est un sang frais qui me fait penser aux photos-cinémas. Un jeu d’ombres élégamment couché sur le sol, comme une anguille, (une idée) qui crève d’envie de lancer son truc. La technologie formait un tableau qui était parfaitement Ça. « Cliché ! » diront certains spectateurs. Mais si justement cela n’avait été qu’un tableau… J’ai bien compris que le texte est un enchaînement libéré des images effrayantes dont je fais mon cinéma. Car le chien s’étant faufilé d’un esprit à un corps… Par suite, dibbouk de sang important s’écoula de Miss fantôme, recherchant le repos sans savoir que bientôt il aurait tout le poil salopé sous le jus de nombreux écrivains qui diffusent leurs tentacules de fumée, leurs dibbouks, et les livres qu’ils écrivent dans le style lémure de Miss B. , sur une surface, Le Livre, transformé en bobine de film à peu près changée en abattoir. Et tandis que le triacétate de cellulose voulait m’encercler, je tentai Ce Qui Revient À La Même Chose. Mais au juste, sont-ils morts tous ces morts à la fermeture du cercle ? Je trouvai in extremis « Parlons ! ». L’écrivain dibbouké, ou qui dibbouke, demeure un inquiétant ballet de créatures d’envoûtement qui dès lors s’étend même pour de bon ; je veux dire : comment écouter parler tous ces morts pour lesquels je ne possède aucune explication ? Je ne comprends pas. Les dibbouks d’un livre, je le jure mordicus, sont n vivants toujours-déjà morts, chargés d’un présent. Je me surprends soudainement, consubstantiel au bouquin. Ainsi, aussi présent. Ce qui pourrait se comprendre. Impossible et superflu de connaître ce qui est, de me tendre un piège en posant là, sur le sol de Présence, le tas d’images qui devra témoigner. Une femme ? Peut-être y a-t-il eut quiproquo au sujet des identités et des rôles de ses morts. Ces morts vivent parce qu’ils prêtent désormais à confusion, définitivement. Il s’agit de provoquer des apparitions et de les entraîner par un chemin perdu/non-perdu, ce qui est un bel exemple d’écriture où la main tache, et entraîne dans l’élan d’unfantôme, tous dibbouks flamboyants occupant nos pénates.
par Laurent Jarfer il va sans dire qu’en ce 14 juillet 2015 nos mains nous servent encore à tenir le drapeau d’une commune dont le rouge est celui d’un soleil qui se lève
La poésie à l’ère des pandémies : une poésie zombie. Ce sont les virus qui lacèrent l’écran et qui empoisonnent le lyrisme. La poésie est une course poursuite effrayante dans le genre de l’horreur. Philippe Maurel
MISS B.
[prologue]
Dibbouk or not ? Dibbouk !
* proposition
Les morts ou les fantômes, que l’on souhaite les chasser, ou bien recueillir leurs paroles, ont toujours fait l’objet d’une passion dévorante. Écoutez ce que nous rapporte Daniel C. Izbitor dans son ouvrage intitulé Povești adevărate din sudul Transilvaniei (« Histoires vraies du sud de la Transylvanie ») :
« Peu après la Révolution transylvaine de 1784, un jeune couple ordinaire habitait le village de Rășinari, à une grande lieue au sud-ouest de Sibiu. Octavian et sa femme Luminita y occupent une maison en bois, à l’orée des forêts environnantes. Le ménage subvient à ses besoins grâce au bûcheronnage du premier, tandis qu’elle, chaque semaine, se rend au marché de la ville pour échanger la vannerie qu’elle fabrique au quotidien. Bien que leur vie rustique fut pénible à maints égards, elle s’écoula paisiblement jusqu’à ce jour de 1788 où Luminita, au dire de quelques paysans témoins de la scène, fut frappée par la foudre alors qu’elle revenait de Sibiu par une chaude après-midi de juillet. La jeune femme, immédiatement secourue, n’en perdit pas la vie pour autant, mais resta muette après ce jour. Octavian, qui était connu pour être follement épris de son épouse, vit dans cet événement la marque du châtiment censé laver un péché inconnu de lui, et même s’il resta l’homme le plus aimant et le plus doux qui soit, les traits de son visage devaient trahir après l’accident la présence d’une terreur sourde. Une terreur qui trouva rapidement sa justification. Les annales de Rășinari indiquent en effet qu’en décembre 1792, le dénommé Octavian Schelet, boquillon de son état, se rendit au bureau des autorités locales pour signaler la disparition de sa femme. Soupçonné d’abord d’être le responsable d’un phénomène aussi étrange, l’enquête diligentée à l’époque dut conclure en définitive à une disparition inexplicable, et l’affaire en resta là. Du moins pour ce qui est de la version officielle. Car la mémoire locale de cet épisode ancien a bénéficié de l’attention rigoureuse des villageois, lesquels se transmettent de génération en génération l’intégralité de l’histoire que voici. Octavian, nous dit-on, fut aperçu de loin à plusieurs reprises, occupé à fouiller le sol à différents endroits de la campagne ou des bois avoisinants. Cet homme, qui demeura inconsolable, adopta la vie la plus discrète qui soit, et personne dès lors ne voulut importuner le malheureux qui vivait dans une solitude quasi totale. Ce n’est que bien des années plus tard, quand notre bucheron vint à mourir, durant l’hiver 1819, que la population découvrit le rituel étrange qui occupa Octavian jusqu’à la fin de ses jours. Nicolae Stafie, le forgeron du village, témoigna qu’il fut à l’époque le tout premier à visiter la maison de notre homme, après que personne ne l’eut vu depuis plus d’une semaine. De nombreux os, de tailles variées, petits ou gros, étaient réunis là, avec des sangles en cuir et de la cire, comme pour former la reproduction d’un squelette humain. Cette création macabre, qui avait tout l’air d’un pantin monstrueux, ne manqua pas de sidérer Nicolae dès qu’il eut franchi le palier de la maison. Il s’avéra, après divers examens, que le bûcheron avait récolté alentour de nombreux ossements d’animaux – tirés de carcasses d’ours, de lynx, de cerfs ou de sangliers – des os qu’il avait précautionneusement nettoyés avant d’accomplir son office. Sur toute la surface de ces os étaient en effet gravées et teintes en noir des milliers de lettres qui ensemble formaient l’ouvrage le plus étonnant. Octavian avait noté ainsi tous les souvenirs, tous les événements qui l’unissaient à sa bien-aimée Luminita, et ce récit se dressait là, inaltéré et sidérant – tout prêt de la table à manger et du mur sur lequel une tapisserie affichait le regard impassible d’un grand cerf – sous la forme d’un pantin comme entièrement tatoué, et tenu debout par un ensemble de tuteurs ou de ficelles attachées à la poutre maîtresse qui traversait le plafond d’un salon parfaitement ordonné. De nombreux épisodes de la vie d’Octavian s’offraient ainsi à la vue du lecteur incrédule, mais aussi plusieurs dialogues, inscrits sur les os les plus gros – une omoplate de cervidé attira tout particulièrement l’attention – des conversations que nos deux amants avaient entretenues par delà l’espace et le temps. L’une de ces pièces, par exemple, portait l’extrait que voici :
– J’entends quelque chose ? Non, pas un son. Rien du tout.
– … marchais en rond près de l’évier, rayon de lune.
– Dans le doute je prononce ton nom : Luminita ?
– la porte est ouverte, un chien aboie près de l’église.
– J’ai parcouru les sept citadelles [Siebenbürgen] pour te retrouver.
– J’habite là où l’on parle de moi. »
L’écriture demeure à travers les âges un outil performant, et qui sait, peut-être le meilleur pour commercer avec nos chers fantômes. Les anciens égyptiens, qui ne distinguaient pas les mots de la chose ou de l’être auquel ils étaient attachés, pouvaient se débarrasser de l’esprit encombrant d’une vieille tante juste en effaçant du cahier son prénom. Sortez vos gommes les agneaux ! Ou alors rabattez-vous, amourachés impénitents, sur le pouvoir bien commode du papyrus magique. Plus efficace que le neuromarketing, la méthode servait autrefois à exploiter l’âme d’un mort pour soumettre la volonté de l’être aimé(e) au désir du petit malin qui avait enfoui son papier dans la bouche d’un cadavre. En ce temps-là, aucun SAV : on privilégie l’e-ffi-ca-ci-té. Tout ça est vieux comme le monde. L’écriture, et le livre incidemment, forment naturellement parmi toutes les techniques, machines ou chimies employées pour négocier avec la mémoire et l’ « invisible », un système d’enregistrement et de diffusion dont l’Histoire a largement prouvé à ce jour qu’il était des plus utiles et des plus opérants. Pas la peine de rappeler ici les milliers de formules, de magies écrites ou dessinées, en 2D ou en 3D – comme le quechua sculpté de ces villageois de Padcoyo, en Bolivie – et que jamais l’on ne cessa de produire à travers les siècles et les siècles. Le livre, qui fixe le passé, est aussi une nekuia. Rappelez-vous d’Ulysse et de son cinéma. Un jeu d’ombres habilement orchestré. Il s’agit de laisser parler ce qui crève d’envie de lancer son Truc. La technique de l’écriture est justement là pour ça. « Cliché ! » diront certains spectateurs… Et je les en remercie. Car ils ont bien compris que le texte est un enchaînement de clichés ou d’images, et qu’il fait son cinéma. Dans la religion juive, Dibbouk signifie l’acte d’attachement d’un esprit à un corps. Par suite, dibbouk est le nom que l’on donne aussi au fantôme errant qui cherche le repos dans le corps d’un vivant. De nombreux écrivains ne sont en fait que les supports d’un ou plusieurs dibbouks, et les livres qu’ils écrivent, de simples enregistrements de voix. Sur le bouquin transformé en bobine de film – comme on parle de rouleaux de triacétate de cellulose en cinéma – s’impriment les fantômes et leurs paroles, ce qui revient à la même chose. Mais au juste, sont-ils morts tous ces morts auxquels on parle, ou desquels nous parlons ? L’écrivain dibbouké, ou qui dibbouke son livre par une nouvelle forme d’envoûtement qui dès lors s’étend même jusqu’aux objets inanimés, écrit pour entendre parler tous ses morts à travers des phrases que lui-même parfois ne comprend pas. Les dibbouks d’un livre ne sont pas morts car morts-vivants, vivants toujours-déjà morts, chargés de figurer des morts vivant quelque part. Le dibbouk est consubstantiel au livre. Ainsi dans les pages qui suivront sera-t-il impossible et superflu de savoir ce qui est mort-vivant ou vivant-mort, puisqu’il s’agit de présence et de ce qui doit parler, d’où que l’on parle. Un portrait écrit fait revenir le mort comme s’il était vivant, mais le représente vivant en tant qu’il est mort. Ces morts vivent parce qu’ils sont enfin nés à la représentation. C’est tout l’art de provoquer des apparitions, mais aussi de les exorciser.
** répétition
Les morts ou les fantômes, qu’il s’agisse de mes graisses, l’image que j’en avais, (paroles), ont toujours fait l’objet d’un sol à mes pieds. Je ne sais pas, tout âge est resté un outil performant, et les disparitions avec. Sur le coup je me sentais commercer avec nos chers fantômes, c’est-à-dire des fantômes qui coûtent cher. Les choses, le tonnerre, il y a toujours un pas-les-mots-de-la-chose-ou-de-l’être, un bruit qui fait tout valdinguer. Mr B. eut tout loisir de se débarrasser de l’esprit, vers une heure du matin. Tout bonnement son prénom de papier. Il ne restait plus grand monde sur les trottoirs amourachés, impénitents. Une autre astuce vint examiner dans ma tête le nombre d’heure ou de papyrus magique, une astuce bien meilleure que toutes celles qui avaient mal choisi leur moment. Comment employer l’âme d’un mort pour soumettre Il Ne S’est Rien Passé ? Le petit malin qui l’ avait utilisé après avoir coupé ses deux oreilles et le cinéma, Mr B. l’aura poursuivi dans la bouche d’un cadavre. Et mon briquet pendant ce temps ? Il a dû glisser quelque part. Tout ça est déjà vieux quand nous avons pourtant cruellement besoin d’images. Trouver un livre incidemment. Des formes bien sûr. J’abaissai de nouveau le regard vers une chimie employée pour négocier l’image nette. Et pas floue. Lorsqu’elle était nette d’enregistrement et de diffusion, le cercle au milieu duquel un chien s’était couché était alors des plus utiles et des plus opérants, moment où le cabot installé, repu de formules, de magies, écrites ou dessinées grâce aux chaleurs que Miss B. pouvait encore lui prodiguer, semblait comme endormi lui aussi. Dans le dos du livre, qui fixe un passé, est un sang frais qui me fait penser aux photos-cinémas. Un jeu d’ombres élégamment couché sur le sol, comme une anguille, (une idée) qui crève d’envie de lancer son truc. La technologie formait un tableau qui était parfaitement Ça. « Cliché ! » diront certains spectateurs. Mais si justement cela n’avait été qu’un tableau… J’ai bien compris que le texte est un enchaînement libéré des images effrayantes dont je fais mon cinéma. Car le chien s’étant faufilé d’un esprit à un corps… Par suite, dibbouk de sang important s’écoula de Miss fantôme, recherchant le repos sans savoir que bientôt il aurait tout le poil salopé sous le jus de nombreux écrivains qui diffusent leurs tentacules de fumée, leurs dibbouks, et les livres qu’ils écrivent dans le style lémure de Miss B. , sur une surface, Le Livre, transformé en bobine de film à peu près changée en abattoir. Et tandis que le triacétate de cellulose voulait m’encercler, je tentai Ce Qui Revient À La Même Chose. Mais au juste, sont-ils morts tous ces morts à la fermeture du cercle ? Je trouvai in extremis « Parlons ! ». L’écrivain dibbouké, ou qui dibbouke, demeure un inquiétant ballet de créatures d’envoûtement qui dès lors s’étend même pour de bon ; je veux dire : comment écouter parler tous ces morts pour lesquels je ne possède aucune explication ? Je ne comprends pas. Les dibbouks d’un livre, je le jure mordicus, sont n vivants toujours-déjà morts, chargés d’un présent. Je me surprends soudainement, consubstantiel au bouquin. Ainsi, aussi présent. Ce qui pourrait se comprendre. Impossible et superflu de connaître ce qui est, de me tendre un piège en posant là, sur le sol de Présence, le tas d’images qui devra témoigner. Une femme ? Peut-être y a-t-il eut quiproquo au sujet des identités et des rôles de ses morts. Ces morts vivent parce qu’ils prêtent désormais à confusion, définitivement. Il s’agit de provoquer des apparitions et de les entraîner par un chemin perdu/non-perdu, ce qui est un bel exemple d’écriture où la main tache, et entraîne dans l’élan d’unfantôme, tous dibbouks flamboyants occupant nos pénates.
*** etc.
Voici ce qui fut rapporté
as from the page of a book
Laurent Jarfer
////////// AUTRES DOCUMENTS
DU VERBE « ALLER », ETC.
par Laurent Jarfer
il va sans dire qu’en ce 14 juillet 2015 nos mains nous servent encore à tenir le drapeau d’une commune dont le rouge est celui d’un soleil qui se lève
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