Image > Clémentine Delahaut

Marnie

Connie Scozzaro
Trad. Marie de Quatrebarbes
Image. Clémentine Delahaut

Quand j’étais une petite coupure
je croyais que je voulais m’annuler
lotion, sirop, Percocet
pour éteindre ma piqûre

Je croyais que je voulais du feu
pour brûler ma vilaine forme
ou des mains scientifiques
pour m’étouffer sur place

Mais en faisant mon chemin
dans la souffrance et la douleur
mon cœur a changé de direction
en lieu de haine soi s’aime

Maintenant je suis un mal heureux
De joyeux ciseaux glissant
Je pousse la porte pour diffuser le gaz
Je leur demande leurs papiers

Je coupe leurs jambes de papier
Alors qu’ils avancent en rang
Je lacère leur chemin d’entrée
en provenance de Mexico

PEINE EST MIENNE ET MIENNE EST COUPE
ET COUPE EST PLEUR ET PLEUR EST CUL
ET CUL EST MAL ET MAL EST CUL
LES LARMES RIENT LE LONG DE MA JOUE

JOUE EST MIENNE ET PEINE EST MIENNE
ET COUPE EST MIENNE ET MIENNE EST PLEUR
ET MAL EST MIEN ET MIEN EST CUL
LES LARMES BAISENT LE LONG DE MA JOUE

Des années plus tôt
Un
vibrant

gargouillis
du premier mouvement
fossile congelée
sève saisie
la vie est soudaine
en un clignement d’étoile
alors
pétrifiée sur place
à travers le Paléolithique
âge des ténèbres
1668
la naissance du cinéma
Auschwitz
New Labor
Chemsex

Marnie bercée
par le coup de cœur de l’univers
potentiels à bloc
exacts et en attente

ou, Marnie, à Heliodrom
flexion inhibée1992
à 1994 mon petit moteur
assoiffée et chancelante

Yeux ouverts
las et vieux et bleus
distribuent des mots comme de la neige tremblée
palindromes où tremble alors
ses dés en plastique, logos grogne areuh areuh
fait du bordel illicite de maintenant
ou jamais plus nous n’irons à cet endroit, mais

Elle est orpheline c’est important
à personne elle ne défie le divan et
supplie pour ces coercitions clairement articulées
Médecin en août pas nager
seulement dans la Méditerranée l’Atlantique la Mer Morte
nage aussi dans
les flots de xanax les ruisseaux de cuir
les lacs de sperme après minuit débordent de suceurs
de bites qui boivent l’infini dans ce
lac de zob nommé douleur

caresse leur tête
marquées pour la mort
soumets-les
à des questions osées

essuie l’essence à briquet
de leurs yeux embrasse-les
comme une sœur française
sens leurs entrailles
comme une main dans le noir
comme le terrorisme

À des lieues de
l’odeur poisson du club et du soufre
de la nuit inextricable
année zéro
un rêve luxuriant
lever du jour sur jaune citron à plumes
et mousse ondoyante
et l’eau claire
mais quelque chose qui va pas
pas réel ni
irréel, une catastrophe plus réelle
pas belle mais quelque chose
de si beau
c’est devenu tout ce que je pouvais penser :

Une explosion de flore, tous les noms anglais
une masse allergique chatouilleuse
un ouragan de fleurs vivantes
avec des personnalités espiègles
iris et roses chrysanthèmes et digitales
et coucous et pensées et primevères qui flirtent
églantier et gui et œillet content-de-te-voir
houx gloussant et myrte te-chatouille
bosquets te-touche et thym baiser-forcé
parnassie des marais en bouquet frissonnant et jonquilles avec
des bouches en trompette gémissant dans la brise poivrée
doux geôlier ceinturé tout autour des amaryllis cousues en lasso
marge sauvage des cités-jardins expérience
indiscipline verte embroussaillée derrière
Angleterre de plain-pied mitoyenne
places radieuses et fontaines volubiles
et larges routes et écoles identiques
pour le Nouveau Peuple
de New Harlow
et leurs Nouveaux Attachements Sécure entretenus

par l’aimable esprit de conciergerie de
M. Bowlby passant
ses mains ankylosées d’arthrite par
les petites fenêtres aux cadrans ramassés
juste un coup de pouce de la porte et
le lino et les stores rectangulaires le tapis des WC rencontre
un chaos végétal vert vif concerto

Doux Essex !
Herbes populeuses !
agitant loquace le ref’rendum fièv’reux

qu’en une chaude nuit d’été élu sommairement
le meurtre sacrificiel de
Arkadiusz Jozwik
après que le pays ait voté pour

VOUS FAIRE
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DU PROPRIÉTAIRE


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