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les lettres de la plaine

Depuis le 11 octobre, le quartier de la plaine à Marseille est engagé dans une séquence décisive de sa bataille pour un quartier vivant et populaire. Une bataille contre la soleam (société locale d’équipement et d’aménagement de l’aire métropolitaine) qui veut s’approprier la place. La plus grande place de la ville. Dans le projet de la soleam la place sera tissée de caméras de vidéosurveillance et de commerces pour une autre population que celle du quartier. C’est que la soleam rêve d’une autre ville avec d’autres habitants. Déjà des immeubles ont été rachetés en vue de la nouvelle place. A Marseille, la soleam est la machine par laquelle se réalise la dépossession des vies et l’accumulation du capital. Elle est ce par quoi le capitalisme se relance. À Marseille un capitalisme du tourisme, un copié-collé de Barcelone. La requalification de cette place s’inscrit dans la reconquête du centre ville voulue par la mairie à coup de millions d’euros et en coordination avec Euroméditerranée qui à déjà démontré sa capacité à s’approprier des quartiers entiers. Déjà la plaine a perdu son marché, le plus grand marché de la ville, qui faisait venir au quartier une population des quatre coins de la ville. Déjà la plaine a perdu des arbres. Certains abattus par erreur, tous abattus par bêtise. Pour être remplacés. De même que les gens. Abattus alors que sains ou malades. Mais là, existants. Existants avant le projet, n’entrant pas dans la dite requalification de la place. Existant bien plus que la maquette d’une place nouvelle et en cela certainement, intolérables pour les Jean-Louis (Knidel) et les Gérard (Chenoz). Intolérables pour tout ceux qui refusent de voir ce qui est, ne veulent voir que ce qu’ils planifient. Et broient et détruisent selon leur volonté.

Débordée par la résistance au chantier, la soléam aidée de CRS installent le 30 octobre un mur de Béton de 2m50 de haut tout autour de la place. Le mur du Mépris. Mais ce faisant, elle ne fait que démontrer sa défense des intérêts financiers de quelques uns, elle rapproche la ville de Marseille des régimes autoritaires, et elle entraînera dans sa chute bien plus qu’elle même. Car il faut le redire encore, ce chantier est impossible. Des soutiens, chaque jour plus nombreux et multiples se manifestent y compris de la part d’urbanistes et d’architectes qui rejettent cette manière autoritaire de faire la ville. Et ailleurs dans d’autres villes, d’autres soleam sont confrontées au même refus. Le refus du couple aménageur-promoteur qui privatise les villes, et chasse les plus pauvres.

L’enjeu de cette bataille de la Plaine est double : l’arrêt définitif des travaux voulus par la soleam et la mise en place d’un processus réellement collectif avec tou·te·s celles·eux qui vivent cette place, pour imaginer une autre rénovation. Le message adressé par la bataille de la plaine contre la soleam peut se dire ainsi : désormais chaque mètre carré sera défendu ici comme ailleurs.

Au jour le jour de la bataille, des lettres s’écrivent, à destination des Jean-louis, des Gérard, des Jean-Claude, des Christophe – ceux qui s’entêtent à vouloir imposer par la force leurs dessins. Elles trament en creux un récit du mouvement.

 

 

Lettres à la plaine, messages de soutiens
 

Trois séries de lettres ont précédemment été publiées dans lundimatin

Éteins ta radio, allume la plaine !

Mercredi 31 novembre, un flux radio de presque 5h a été ouvert avec des sons de Radio Galère, Radio Grenouille, Zibeline Radio et des sons d’ami-e-s récoltés ces dernières semaines et des messages de soutiens. Ce flux radio pour la plaine a été diffusé en direct sur les ondes de Radio Cause Commune à Paris sur le 93.1 FM

 

 

site web de l’assemblée de la plaine > la plaine noblog 

 

Texte écrit le 22 juillet 2018, par Emmanuel Moreira

Il est paysagiste. Il a pour prénom Jean-Louis et pour nom Knidel. Il travaille pour l’agence A.p.s. Il a pour projet de déraciner 87 arbres. C’est sa manière à lui d’aimer les arbres. Il est paysagiste. Il s’appelle Jean-Louis Knidel, il ne dit pas déraciner mais transplanter. Il est paysagiste-conseil de l’État. Il a pour projet de déraciner 87 arbres de la place Jean-Jaurès à Marseille. Il est fier de son projet. Il est membre de la Maison de l’Architecture de la Drôme. Il dit « contextuelle, poétique et sensible ». Il dit « Notre souci est de situer les projets dans leur géographie pour en révéler les potentialités et la mémoire des lieux, et de rendre compte des qualités d’usage et des pratiques sociales. » Il s’appelle Jean-Louis Knidel. Il est né le 9 juillet 1960. Il est gérant de l’entreprise Agence A.p.s. Aménagement des Paysages et des Sites Paysagistes. Il veut déraciner 87 arbres de la place Jean-Jaurès. Il veut la place pour faire son paysage. Il a son idée. Son paysage est dans sa tête. Les arbres de la place ne sont pas dans sa tête. Il dit « Notre souci est de situer les projets dans leur géographie ». Il s’appelle Jean-Louis Knidel. Il a 58 ans. Il aime les gros projets. Il en est fier. 87 arbres. Il en est fier. Il gagne de l’argent en déracinant 87 arbres. C’est son gagne-pain. Il gagne son pain à Marseille en déracinant 87 arbres. Il a son paysage dans sa tête. Il veut son paysage. Les arbres de la place ne sont pas dans sa tête. Il s’appelle Jean-Louis Knidel, il est membre de la Maison de l’Architecture de la Drôme et dans sa tête il n’y a pas sur la place Jean Jaurès 87 arbres plantés en 1981-1982, en bonne santé. Il s’appelle Jean-Louis Knidel, il est paysagiste-conseil de l’État et dans sa tête il a un paysage et dans son paysage il n’y a pas les arbres de la place Jean-Jaurès. Il s’appelle Jean-Louis Knidel et dans sa tête il n’y a pas de paysage. Dans sa tête il y a une idée et son idée a besoin de place a besoin de la place a besoin de déraciner 87 arbres. Il s’appelle Jean-Louis Knidel, il a 58 ans et il prend de la place. Il est paysagiste et il ne trouve pas les arbres de la place majestueux et suffisamment développés. Il est paysagiste et il veut planter ses arbres à lui. Il est paysagiste et il veut remplacer les arbres avec ses arbres à lui. Il est paysagiste et il veut remplacer une population qu’il trouve insuffisamment développée. Il est paysagiste et il veut une population développée. Il s’appelle Jean-Louis Knidel. Son nom est une machine qui déracine 87 arbres à Marseille sur la place Jean Jaurès. Son agence est le moyen par lequel il tire profit de sa machine. Elle est située au 31 grande rue 26000 valence. Elle a pour numéro de téléphone 04 75 78 53 53.