Poussière d'Amérique. Arnaud Des Pallières

iench

iench est un livre de Béatrice Mauri aux éditions Moires, en librairie à partir du 26 février. Il est accompagné d’une préface d’Edith Azam. La vie manifeste s’associe au livre en y publiant quelques pages.

Il y a du Faulkner dans ce livre ! Du Benjy dans Bundle ! Un livre pour le moins déroutant, déroutant parce qu’il porte une langue nouvelle, faite d’argot, d’inventions, de détournement de langue afin de mettre à jour une réelle tension dont il difficile de parler sans paraître en dessous, mille fois en dessous, de ce qui se trame, se tisse au fil des lignes. Une langue, pour revenir à Faulkner, qui sonne comme brasse-bouillon, crichonnement, chniquer, larmiche ! A froid comme ça, on pense que ça va trop loin, que c’est du pause-moderne et trop perché pour nous. Sauf que non : il y a un arc. Un arc tendu, et puis la flèche.
Le frère, Munch, un grand frère qui fait résonner l’absence paternelle. La mère, La Fierce, nymphomane, qui n’a d’amour qu’elle même. Un personnage que l’on n’entend mais qui manie l’enfer comme personne ! Enfin, Bundle, qui tient le monologue. Une langue barrée, inapte pour être un homme aussi bien qu’un enfant. Bundle qui dénonce le drame, en y participant. L’impotence de la mère, de la ville, de l’époque (l’une aussi bien que l’autre insaisissable)… du sordide, du glauque.
Un comédie humaine désespérée, ou les uns et les autres, s’avilissent, moisissent, parce que ratatinés dans un huis clos mental sans issue… mais il y a la langue, efficace, redoutable, qui de a jusqu’à z nous tient en haleine, nous interroge. Un bouillonnement de langue, tenue, maîtrisée. Et chapeau, chapeau bas, ce livre, il fallait le faire, oser le faire !

Préface Edith Azam

iench (extrait)
Béatrice Mauri

 

dans l’air – ouais – un putain de rancard caché avec le foulard de soie de La fierce Le grand Le frérot dit qu’elle me mène en large travers au pied le clébard en format d’enjoliveuse satinée il sait pas veut pas le savoir ce petit bonheur du matin où je frôle sa poudre de teint je la sens à éternuer tellement ça sent le vrai que j’ai pas pu jamais la sentir sur sa peau je sais pas pourquoi mais bon j’ai pas pu dire alors je comprends toujours pas quand je la vois c’est un putrain d’univers ouvert du lait mur des montagnes – ouais – ici sous le patio je l’attends j’ sens pas autre chose un lait en attente avec Le munchy en bon frère de l’éternel qui me dit toujours que c’est des fadaises tout ça mais quoi pis mince j’y comprends rien à son histoire à lui il me le rabâche depuis que je sais entendre un son même que je peux pas le dire – ben ouais – je suis un putain de bègue ils disent j’ peux me parler dans mon dedans sans accrocs tout seul avec moi-même avec mes pensées à haute voix tu parles bon dieu je peux pas lui dire au Grand mon ras le bol de tout son foutoir sans yoyoter un putain de trouduc sans volonté un trou en pas pouvoir
 
je suis en demeure à elle j’ai beau me dire des chtucs c’est je sais pas une espèce d’insecte bizarre une mante religieuse même s’il me le dit pas Le munch je la sens en prière avec ses crapauds en pleine lune y’a pas de mal à ça pis bon après les crapauds y’a la nuit claire avec lui qui me cause dans ce bastringue alors je sais plus moi j’sais plus moi
 
mais ce que je sais moi c’est que le jardin il suinte ses lieux à elle ses tentations de l’été ses sueurs de bonne femme en privation comme ils disent au café derrière son dos j’y connais rien à ces mots ils me viennent d’eux de ces livres que je lis relis sans cesse un souvenir étonnant je semble petit on me parle d’un chat qui a des grolles absurdes ça le fait fuguer dans les cimes des arbres on me dit que je dois me souvenir – ouais – mais ça résonne pas dans mon cigare – ouais – c’qui me vient comme ils disent ça m’est venu comme ça c’est bizarre c’est venu avec le chat ses grolles – ouais – lui Le père pis j’en fais quoi Du munch il me dit ci et là et puis alors moi j’étais p’tit au moment fatidique je me raconte rien pis tout j’ai peur de pleines de choses – ben ouais – pleines alors j’ sais plus moi que croire dans cette baraque ce patio où je la vois se pomponner se finir avant sa sortie du soir le mien de tous les soirs – ouais – en soirée elle s’installe presque serrée à une des colonnades de la véranda sous le patio s’y flotte s’y colle s’attarde un genoux en avant je peux même voir sa cuisse en reflet tardant avec la lune – ouais – parce quand elle sort La mère la crinoline blanche douce s’y met même que le peu de vent reçoit les flous ceux indéfinis y’a pas ils flottent près de ces marches pis elle attend La donzelle ombre immobile une chaleur sans vent car faut dire il fait drôlement chaud le soir c’est cette chaleur qui fait qu’elle prend l’air sur le patio y’a pas de mal à ça elle y reste comme une statue antique tous les soirs des fois ça roule une voiture marche lentement dans l’allée souvent La mère reste à attendre le bras gauche serré derrière elle comme pendue après un truc de l’interdit La presque reste prise près des colonnades solides du patio – ouais – moi je la regarde malgré Le grand j’oublis pas – ouais – pis après ça ira près des femmes du monde ils le disent tous mais ben moi je choisis La mère – ouais – y’a pas de raison de vivoter si je la vois pas près de la colonnade de droite du patio là où on mettait le salon de jardin l’été pour qu’on se retrouve autour d’entrecôtes bien cuites mais tout ça c’est ailleurs

 
 
 

je veux pas les entendre je la regarde qui habille l’horizon du moindre insecte alentour c’est comme ça on les vit ces flous qui la disent la racontent La mère je le sais je lui remets sa dentelle lui apporte repassée y’a que moi à qui elle laisse ses robes du soir à lisser je m’en souviens même si elle oublie tout le temps installée sous le patio debout tous les soirs elle attend dans l’été celui qui vient c’est jamais le même je le sais quand même guetteur et en falzar pendu à ma cifelle elle sous son chapeau de paille à grand bord regard noir comme l’ébène seule avec sa chevelure rousse rangée qui apparaît de part et d’autre y’ a aussi un silence qui me fait frissonner à chaque fois un grand vent de tempête qui arrive pas un courant chaud éternisé il me nargue sans souffler dans ses choix qui bougent pas elle reste là un genoux en avant un cocon de soie avancé vers le néant y’a son bras gauche toujours serré contre une des colonnades du patio il semble pas être là la tient la tient pas c’est stupide je sais pas quoi faire pis la voiture arrive elle se déplace légèrement ses talons descendent deux marches elle ramasse agitée ses cheveux les rangent derrière elle tente de les fourrer sous son chapeau j’sais pas mais elle s’approche du gonze dedans – ouais – elle s’est approchée pis elle est si belle son pied en avant sa cuisse découverte à peine ils le disent ceux qui reluquent pis les femmes piquent au bon endroit La douce un pas en recul hésitation crinoline pudique qui affronte une de ces comptines récurées en solo distinguo je guette des heures – ouais – je sais jamais son heure là où elle dévale le chemin sec vers la baraque ses talons à la main son chapeau en doublure son regard affolé de je ne sais quoi moi pis Le munch qui la récupère il sort comme ça de nulle part il court la ramasse La teigne la jette sur le fauteuil du patio en gueulant tout ce qu’il a j’comprends que la moitié des chtucs qu’il lui meugle pis je sais que ça rigole pas alors je me planque sous la longue chaise du salon j’attends – ouais – déjà j’peux pas en placer une quand je veux lui causer à elle à lui alors

 
 
 

j’vais pas me faire piétiner par une Jaspine usée de nuits étroites elle fout en l’air mes sourires mon accueil La fierce c’est une drôle de cloche qui sonne pour son bain ses masques de beauté d’argile mes repassages pour ses soirs quotidiens depuis qu’il est parti elle joue à La belle j’y comprends toujours que dalle parce que faut savoir que
 
j’en passe des heures dans ma piaule à attendre je sais pas quoi mais j’attends un jardin de fleurs qui fanent toujours malgré mes soins intensifs répétitifs en répète constantes depuis la mort du Père c’est un drôle de ciné que l’on me joue je sais jamais ce qui se passe vraiment un bordel pis j’essaie mais c’est vrai qu’il fait drôlement froid dans les sueurs de cette été particulière ma porte de chambre reste fermée je suis comme un crouni qui revit à son appel de fausse jeune Donzelle c’est drôle curieux un cinoche des années trente les perles le parfum la coiffure la robe tous les soirs même histoire son verre pas l’oublier un whisky avec un peu d’eau ou sec – ouais – elle me raconte me dit combien cette soirée est importante qu’elle doit La monstrueuse se faire belle se sentir resplendissante elle me dit mais bon ce mot il sonne bien mais après – ouais – c’est là c’est La mère j’adore la reluquer devant la glace alors là c’est le grand jeu ça fait d’elle une fée elle est là assise c’est bizarre elle paraît presque douce elle s’ajuste bien droite se tend vers le miroir pour mieux voir un putain de zoom – ouais – je peux dire qu’elle se détaille La vieille à deux centimètres de son reflet elle s’exerce La fouineuse d’abord le lait naturel tiré de la vache au matin tôt les concombres traditionnels éviter les traces la bibine de la veille pis le coton qui se noie au milieu de ces mélanges sur sa tronche de rombière

 
 
 

assis un tantinet de l’écart sur tabouret marron fadasse en guet pour le cas où elle aurait un nécessaire dans ses heures liquidées une putain de prépa je vous dis pas on croirait ma mère – ben ouais – c’est elle avec ses trucs qu’elle met sur le visage ces peintures en arc hystéro liquo y’a les concombres pis l’histoire de la poudre de teint qu’elle étale de ses doigts en application contour de mirettes avec ce drôle de pinceau plumeau elle le trempe dans son réservoir de poudre cerclé d’argent il brille en mains illuminées lampe en voyeuse coiffée en accoudoir La bougresse s’applique ma toiture se compresse bientôt tous les soirs son verre est vide elle va se retourner avec son sourire D’allumeuse me dire d’aller le remplir pour ce que moi j’appelle la deuxième étape pis j’y vais en ado perpète en précision de son sourire lamento hic un glaçon hurlé pis je reviens avec sa dose arrosée – ouais – je pose le verre toujours au même endroit faut pas déraper c’est sur le guéridon en foutoir près de son lit elle a ses manies La mère elle sait me siffler dans les gencives si j’oublie la dose le glaçon un jour j’ai oublié de ravitailler son gosier mes étiquettes s’en retournent encore partout une goutte de goule rien du côté du bon dieu un dératé balisé à travers les chemins de campagne secs jusqu’à notre rivière avec Le munch j’ai attendu l’aube pour rentrer d’ailleurs c’est Le grand qui m’a réveillé l’avait enguirlandée La vieille avant sa fugue à La fenestrière j’ai pu rentrer on le savait bien qu’elle s’en retournerait pas dans la cambuse avant le soir pour nous refaire le même scénar un de ces cirques la seconde étape là où finit la poudre s’attaque à ce qui lui fait un teint un peu rose faut dire qu’elle est pâlotte un autre pinceau qu’elle me dit c’est du fard – ouais – du fard à joue avec ses cheveux rousseux ça fait vraiment rose pas bonne mine un truc genre crevette rose prête à être flambée au cognac bon moi du haut de mon tabouret je regarde ça une vrai transformation magique de La fierce j’dis pas que ça fait pas de mal mais Munch me dit qu’il sait que je devrais pas faire tout ça que je fais – ouais – elle tient toujours sa promesse joue avec moi les jours de lessive je cours me glisser me cacher dans les draps presque étendus je les froisse pis elle me court après un instant elle aime me faire peur je cours en criant pis vient le moment où elle m’attrape là c’est un truc de tétanisation extrême une drôle de bousculade dans mes boyaux c’est trop âpre toute cette débordation intempestive mains rugueuses enserrage une proie glaiseuse ben alors je reste immobile pis ça la lasse après c’est le temps de retour aux préparatifs de La princesse – ouais – après le fard rose à point voilà t’y pas qu’elle s’attaque à ses yeux ses paupières se sondent dans la glace jaugent un moment sa palette à poudres de couleurs multicolores un feu d’artifice on voit ça qu’une fois par an enfin bon elle La geigneuse c’est en continue – ouais – prend un autre pinceau alors celui là il est fin tout petit dans la main elle s’approche à deux centimètres pis La vieille inscrit la couleur dans le contour rince le débordement avec le bout dur d’un de ses doigts un oeil puis l’autre c’est long comme le Nil j’ai vu des images dans un bouquin ce fleuve c’est incroyable ce qu’il est long en plus il semble qu’il rejoint une mer on est en suspens dans l’eau parce qu’elle est salée plus-plus donc on flotte ça doit être super de ne pas se perdre dans les eaux glaçons y’a pas La craintive insiste troisième étape autre verre robe en inspection contours bien assez bien ou alors je course parce que plis des hanches mal repassés j’sens un ouragan sec qui va tout anéantir d’une manière pas normale alors bon je me replis dans ma piaule regarde ma photo d’elle enfin c’est pas elle – même mais c’est dans mon secret – ben ouais – mais ça c’est une autre histoire qui vient en loin de loin qu’après j’sais plus ma piaule elle est sous le plancher des parentaux je devrais dire sa chambre à elle maintenant – ouais – un lit un lieu avec mes saint-frusquin partout des fringues que je regarde chaque soir un conte rassurant qui tient – ouais – les voir en vrac comme ça un autre jour qui va

 
 
 

commencer ça m’arrange drôlement c’est bien ça me rappelle quand La mère elle s’est souciée de moi elle m’a emmené à la ville voir un espèce de spé un magicien qui allait m’enlever ce cheveux insistant sur ma langue séances répétita « petit à petit l’oiseau fait son nid » – ouais – p’tit j’ sais pas trop ce que c’est mais faire son nid alors ça a circulé dans ma cervelle de piaf faire son nid en voilà une chose absurde moi mon nid je le fais autour de mes odeurs ça me rassure mes fringues utilisées aussi j’ sais pas faudrait que j’y pense mais le spé je l’ai vu que trois fois pis La mère elle a dû se dire que j’était trop en parlote d’un coup alors je l’ai plus revu quoi et pis y’a pas à dire mais dés qu’il me faisait ce truc de « petit à petit l’oiseau fait son nid » moi je pensais à « Ra petit peta petit pas petit bus si t’es fatigué t’a qu’à prendre l’autobus » autant dire que son truc pour disserter communiquer pas idéal parce que moi je sais causer sans bafouille mais seul avec moi – même Munch ça l’énerve mais bon je sais moi qu’on se comprend enfin je crois que oui sauf quand il me cause de notre Chieuse mutuelle alors là le coeur l’antre nerveux de nos carcasses se grince par manque de belles odeurs à renifler sous la corde à linge les draps les chaussettes nos pulls qui dorent sous ce soleil toujours cuisant moment de propreté – ouais – ça doit être le mot là où se planquent des douceurs bouts des doigts qu’on enterre le lendemain comme elle presque enterrée La mégère s’exhume s’applique à nous soustraire à l’univers à l’étrange de l’autre Le père un repassage mental qui la tend la rend sèche – ouais –

 
 
 

un jardin sans origine ça me rappelle l’âne sous l’arbre un âne têtu paraît qu’on me l’a raconté y’a longtemps il était cousu de malheur depuis des temps anciens dernier de sa génération il était là pour porter les soucis de la famille du Père il en est mort de trop peser sur les poids des autres alors ça a détruit les sourires peu à peu pis les terres qu’on cultive plus même les pins les lignes de fougères entre eux sont plus taillées alors près de l’ombre comme une chauve-souris elle s’accroche La vieille toujours s’agrippe à mes cheveux une fouine drôlement menteuse comme quand elle dessine le contour de ses lèvres au pinceau lignes appliquées lames coupantes qui font d’un bisou une écharde récurent mes poils les percent en peine je sais pas plus comment la reluquer La mère de la porcelaine parfois et puis je me perds dans son regard de grande dame quand elle se pomponne devant ce putain de miroir plus près de ses lèvres que de moi Le bundle elle me dit quand elle veut être presque avec le temps de enfin d’avant mais bon dieu je l’ai voulue cette graduation j’attends sous le feu j’suis comme ce drôle de thermomètre qui traînaille à dire des minceurs je l’avais mis sous le soleil pour voir juste voir l’instant où les grains rouges se dispersent ils ont une putain de manière d’exploser sur le patio j’attendais sous la chaleur c’était une expérience explosive ici ce souvenir ces petites boules rouges ressemblent à de la mort aux rats j’me retrouve en point noir au centre de grands carreaux blancs biens nets vides de parlotte icigo dans la grande salle à manger dénudée mes pas s’éternisent avec prudence pour pas réveiller la quinte qui me tient ici au milieu du carrelage frais la baraque joue avec le soleil gerçures en coups sur la peau qui me démangent je reste là à attendre toujours La monstrueuse sortant de la nuit près de l’aube où je guette – ouais – drôles de voix qui parlent à mes étiquettes y’en a des femmes du village qui les parlent ces voix c’est des mots sans queue n’y tête passant de l’une à l’autre du patron du bistrot à un copain qui les dit à sa Bru elle les glisse dans l’oreille d’une mégère qui se fait un plaisir de dire aux tricoteuses des bancs près de l’église qui elles les boursicotent se les racontent devant le café où la bonne voisine entend tout ça pis c’est elle qui part chez le cureton se confesser en bonne rombière et que lui lors de son vin blanc autorisé du dimanche au café se lâche – ouais – même que La Mère est n’est pas devrait faire fait pas – ouais – je les entends une farandole qui brûle mon cerveau – ouais – un tournis de pierres douteuses qui me reluquent en étranger pis moi au milieu j’inspecte ce trou à rats sur ce qu’on dit d’elle quand les tires elles viennent la chercher pour la nuit pourquoi elle serait pas Ma princesse et mince ces pierres installées depuis les origines comme ils disent tous j’veux pas qu’elles aient raison moi chaque nuit je me glisse de fourrés en fourrés jusqu’au village pour voir la voir à travers la vitrine du bar alors je la vois sourire La mère – ouais – y’a pas de mal à ça c’est vrai qu’il y a des hommes avec elle mais bon y’ a pas de mal elle leur sourit accepte une tournée mais c’est vrai qu’une fois sur deux ou presque je finis par m’endormir derrière le banc près de la fontaine avec son foulard de soie qu’elle a perdu et même qu’il est sur mon coeur tous les soirs que dieu fait
 
putain d’foulard d’été sans ses odeurs sauf celles que j’imagine – ouais -je l’ai chipé à son insu à La vieille un soir où elle rigolait allongée sur le gravier elle avait l’air gai mais je sais pas y’avait un truc qui me rendait triste – ouais – une mer déferlante je lui ai pris son foulard il sentait pas bon je voulais tant la consoler mais Le grand il est arrivé l’a soulevée il l’a balancée sur une de ses épaules pis il l’a traînée sur le canapé du patio en gueulant tout ce qu’il avait avec des mots qui réveilleraient un mort elle bougeait pas fallait pas que j’agite mes allonges surtout pas bouger juste le temps de prendre ce foulard en pensant qu’elle ouvrirait plus ses yeux pis comme toujours j’ai ouvert l’œil et entamé une super vérif au patio dans sa chambre si tant est qu’elle ait pu s’y traîner en
 
respire respir pas examination de sa gorge en même temps que j’écoute son souffle lourd de picoleuse un jour j’avais vu ça dans un film j’ai même mis un miroir sur son nez pour voir la buée y’en avait j’ai pu aller me caler dans mon nid de fringues d’édredons parce que les nuits sont pas comme les jours elles sont glaciales comme le désert – ouais – avec ce foulard pis le sommeil de La Scandaleuse je peux dormir à l’ombre avant son réveil

 
 
 

iench, de Béatrice Mauri aux éditions Moires, en librairie à partir du 26 février