Le dispositif est inébranlable. En haut de la planche format A3, l’inscription « Autofictions », une date. Un peu plus bas, un titre, suivi d’une recherche plastique : parfois, de simples esquisses, souvent, des assemblages complexes de matériaux, de pratiques. En pied de page, deux notations. Par exemple celles-ci, que l’on retrouve sur la première planche figurant à l’intérieur du recueil :
1) C’est où et quand et pourquoi commencer ?
2) La planche est le lieu de tous les tâtonnements, de toutes les approximations et de tous les errements, et non la recherche d’une forme de régularité ou de récurrence.
Il en va chez Marquet d’une recherche, dont Déséblouir ne propose qu’un échantillon parmi des milliers de planches composées au cours des dernières décennies. Une recherche qui aurait suivi une orientation paradoxale, l’exclusion de toute identité à soi se mettant en scène dans la forme générale d’une répétition. Qui se présente comme errance, comme exposition d’errances. La planche dont est extraite la citation ci-dessus s’intitule « Devant le temps », où l’on distingue des silhouettes humaines et ce qui ressemble à une figuration fantomatique d’un esprit animal, un cadre où semble se loger les éclats d’un miroir, des figures cubiques, également. Du papier calque recouvre en partie ces silhouettes, où apparaît une paire de jambes vertes, des graffitis d’une couleur identique lui faisant écho dans certains espaces peu saturés de la planche. Autant de formes arrachées comme en passant à leurs contextes, et l’espace lisse de leurs usages possibles.
D’autres titres suivent : « A vague Memory », « La fin impossible / Arranger le bordel », « Traité de l’incohérence (de l’œuvre A.) ». D’autres encore. Toujours intégrés dans le même dispositif bien qu’inscrits en divers endroit de la planche, comme pour suggérer que l’apparente rigueur du protocole doit d’emblée être questionné, qu’il fait question. Au fil des pages, la contradiction se fait toujours plus apparente entre cette systématicité et le caractère allusif, voire fragmentaire des représentations qu’articule Marquet. Les collages et les ratures, les estompes et les recouvrements viennent briser des unités sémantiques qui nous parviennent comme saisies à un moment d’oscillation entre deux pôles : le géométrique d’un côté, représenté par les nombreuses droites et les figures qu’elles composent, les vides qu’elles délimitent ; l’anomique de l’autre, matérialisé par les taches, les remplissages portant la marque de mouvements hâtifs, les corrections laissées apparentes. Sur la planche intitulée « In the Dark », on observe ainsi des droites structurant l’espace, le titre apparaissant d’ailleurs comme déposé sur l’une d’elle. Une surface délimitée par ces traits est colorée d’un cyan clair d’où se détachent les dessins de deux visages habillés de lunettes, tandis que le dehors de cette surface accueille une paire de jambes, l’évocation à l’aquarelle d’une forêt où se dessine une ombre humaine, une grille barrant l’accès d’un chemin, peinte d’un noir gras et dense.
On pourrait multiplier les inventaires, les catégories. Conjecturer un sens, hasarder des rapprochements. L’œuvre semble s’y offrir du fait de son ouverture, de l’art de l’illusion et du renvoi qui la travaille. Ce serait cependant manquer une dimension essentielle du travail de Marquet, qui la dérobe au geste critique : les tensions qui s’y font jour entre recherche plastique et retour discursif, entre un travail de désignation/exposition et son auto-saisie dans des aphorismes où la philosophie se s’expose comme écriture, inscription de l’impossibilité pour le verbe d’être l’instance de totalisation de la planche dont il participe – a fortiori de toutes les planches. Il faut donc positionner son geste en fonction de celui de l’auteur, faire preuve de ce tact que Jean-Christophe Bailly évoque dans un texte intitulé « De la fragilité » :
Le tact, c’est ce qui veut garder l’intact (le non touché), tout en y touchant, c’est ce qui postule qu’il n’y a pas d’intouchable, mais des allures de touche, des qualités d’approche. Et ce que la fragilité nous expose, c’est justement tout ce rapport de l’interprétation à la précaution, c’est l’idée d’un toucher juste, d’une justesse du toucher, l’idée d’un art du toucher qui atteindrait l’intact sans lui porter atteinte.
Il s’agit de naviguer entre l’écueil qui consisterait à éluder la part réflexive chaque fois inscrite en pied de page, en prétendant substituer une écriture qui n’est pas la sienne à celle de l’auteur, et celui qui procèderait à l’élusion de la dimension plastique de l’œuvre, en proposant une sorte de méta-commentaire qui vienne l’interpréter simplement en extrapolant à partir de l’écriture que son auteur propose. Dans chacun des cas, on manquerait en effet la tentative propre de Marquet de thématiser la conjonction de ces deux pratiques, auxquelles s’ajoute celle d’intitulation qui opère sur un plan encore différent. La dernière planche présente au sommaire de Déséblouir accueille par exemple les notations suivantes :
1) Peut-on refaire quelque chose au sens d’une répétition musicale ?
2) De la poésie du modeste, et de l’incertitude de cette désignation – Recommencer sans renier, utiliser sans citer, proposer sans contraindre, interroger sans discourir…
Au-dessus de ces notations, à droite de la planche, des segments probablement effectuées au crayon structurent l’espace de manière géométrique, présentant des lignes perpendiculaires et parallèles qui dessinent un carré sur fond blanc, à peine maculé de quelques taches d’un bleu qui tire au mauve. Un trait vertical parallèle aux côtés du carré conduit de son intérieur à son dehors, et se prolonge sur une surface que domine une large chute du même bleu, où l’on devine un mouvement de remplissage. Recouvrant cette étendue, quelques marques horizontales et irrégulières vertes foncées, d’autres taches d’un jaune crépi : on croirait des traces sur un mur. Toujours sur la surface bleutée, un visage tracé au crayon noir apparaît en filigrane, sous des ratures grises qui le recouvrent – on n’en voit cependant que la moitié. L’autre moitié est recouverte par un rectangle dans l’aspect évoque une texture métallique, ajouré de manière à découvrir seulement l’œil gauche du visage évoqué. De cette béance s’échappe une autre droite, coudée celle-ci, qui semble remonte vers l’angle haut-gauche de la planche, avant de bifurquer vers son centre où l’on peut lire le titre suivant : « Le gardien de vaches ». Des sous-titres ou des titres alternatifs apparaissent non loin, raturés. L’essentiel de la section gauche de la planche demeure, elle, presque immaculée.
On sent qu’il entre dans cette composition du jeu : le gardiennage pourrait renvoyer aux droites qui suggèrent autant de clôtures ; l’espace laissé « blanc » à l’horizon borné que l’on peut associer à la pratique du gardiennage, intrinsèquement statique ; le gardien en question peut correspondre à ce visage, et la scission de ce visage à sa psyché, travaillée à la fois par la rigueur assignée à sa tâche et par le chaos de son imagination et du monde qui remplit sa tête et la déborde. Plutôt, la déborde presque : l’œil demeure relié par la droite coudée au titre, comme l’être à sa tâche. L’évocation de la répétition dans la première notation (« Peut-on refaire quelque chose au sens d’une répétition musicale ? ») intervient comme en surimpression pour enrichir le contenu sémantique que l’on élabore en suivant les constructions plastiques de Marquet : si le gardiennage des vaches est redondant, il ne l’est en tout cas pas de la même manière que peut l’être un motif musical, la série mathématique dont il s’inspire, de la même manière que la droite inscrite au crayon n’est pas cette droite en tant qu’objet mathématique ou idée. Si l’on fait ce saut interprétatif – toujours indécidable – qui donne accès à la dimension métaphorique de l’œuvre, on se trouve devant une saisie réflexive de son activité par Marquet : répétition sans mémeté, persévérance où se joue paradoxalement une ouverture, assomption du risque attaché à cette attitude, au caractère inachevable de cette thématisation sans cesse rejouée. C’est qu’en deçà de la répartition de certains caractères formels du dispositif apparaît comme une fêlure, qui renvoie à nature même des matériaux disposés sur la planche : Marquet semble suggérer qu’il n’y a pas un trait mais ce trait, la rêverie du gardien de vache est chaque fois cette rêverie, donnant à la trame qui les agrège le caractère d’une antiphilosophie spontanée saisie au moment de son déploiement.
Cette irréductible singularité peut s’éprouver en deçà du parcours de Déséblouir, à l’échelle même de la planche dont nous proposons le commentaire. Celle-ci peut faire l’objet d’une lecture circulaire qui, partant des notations, remonterai vers la figuration géométrique du pré-au-vache, jusqu’au visage et à la présentation allégorique des mouvements de cet esprit, pour culminer avec le titre désignant cette scène comme le ferait une pancarte au-dessus d’une animation. Le regard retomberait alors dans le vide symbolisé par le vide à gauche de la planche, cette chute amenant la nécessité d’une impossible réitération : l’œil s’attacherait à d’autres détails, son mouvement serait imperceptiblement modifié. Des démarches similaires pourraient être appliquées à n’importe quelle autre planche du livre de Marquet, qui se donne comme expérience esthétique à la fois d’une manière de voir et d’une manière de faire voir, de faire sentir. Tous les sujets qu’il aborde, les objets qu’il traite, il les met en jeu et les rejoue dans cette grande machine à produire le sens, son vacillement, sa torsion et enfin sa réaffectation détournée que représente son œuvre, dont Déséblouir ne constitue que la pointe émergée.
Il en va donc d’une proposition éthique : l’exemple nous y est donné d’une manière d’obstination qui ne cède pas sur la création de formes, mais en congédie le versant spectaculaire et souvent caricatural. La planche précédent « Le gardien de vaches », intitulée « Le Rouge et le Noir » représente du roseau dessiné au crayon rouge, à proximité de chiffres notés au stylo bic et entouré. Le long du bord droit de la planche, des traits noirs et jaunes moutarde ondulent et s’entremêlent. On y lit ceci :
1) Vous sentez que vous approchez sans rien dire d’une insoutenable vérité.
2) Une pratique (enfin) réellement créatrice de dissensus.
Insoutenabilité du roseau pourtant associé à la légèreté, en vis-à-vis duquel se trouve la toute psychologique « vérité » stendhalienne, qui ne croyait souffrir aucun dissensus et se trouve pourtant confrontée à cet héroïsme amusé et perturbateur, invitation à une allégresse qui ne cède pas sur le souci de son devenir.
Lambert Clet
Jean-Pierre Marquet, Déséblouir, édition Adverse
La planche comme poème. À propos de Déséblouir de Jean-Pierre Marquet.
Le dispositif est inébranlable. En haut de la planche format A3, l’inscription « Autofictions », une date. Un peu plus bas, un titre, suivi d’une recherche plastique : parfois, de simples esquisses, souvent, des assemblages complexes de matériaux, de pratiques. En pied de page, deux notations. Par exemple celles-ci, que l’on retrouve sur la première planche figurant à l’intérieur du recueil :
1) C’est où et quand et pourquoi commencer ?
2) La planche est le lieu de tous les tâtonnements, de toutes les approximations et de tous les errements, et non la recherche d’une forme de régularité ou de récurrence.
Il en va chez Marquet d’une recherche, dont Déséblouir ne propose qu’un échantillon parmi des milliers de planches composées au cours des dernières décennies. Une recherche qui aurait suivi une orientation paradoxale, l’exclusion de toute identité à soi se mettant en scène dans la forme générale d’une répétition. Qui se présente comme errance, comme exposition d’errances. La planche dont est extraite la citation ci-dessus s’intitule « Devant le temps », où l’on distingue des silhouettes humaines et ce qui ressemble à une figuration fantomatique d’un esprit animal, un cadre où semble se loger les éclats d’un miroir, des figures cubiques, également. Du papier calque recouvre en partie ces silhouettes, où apparaît une paire de jambes vertes, des graffitis d’une couleur identique lui faisant écho dans certains espaces peu saturés de la planche. Autant de formes arrachées comme en passant à leurs contextes, et l’espace lisse de leurs usages possibles.
D’autres titres suivent : « A vague Memory », « La fin impossible / Arranger le bordel », « Traité de l’incohérence (de l’œuvre A.) ». D’autres encore. Toujours intégrés dans le même dispositif bien qu’inscrits en divers endroit de la planche, comme pour suggérer que l’apparente rigueur du protocole doit d’emblée être questionné, qu’il fait question. Au fil des pages, la contradiction se fait toujours plus apparente entre cette systématicité et le caractère allusif, voire fragmentaire des représentations qu’articule Marquet. Les collages et les ratures, les estompes et les recouvrements viennent briser des unités sémantiques qui nous parviennent comme saisies à un moment d’oscillation entre deux pôles : le géométrique d’un côté, représenté par les nombreuses droites et les figures qu’elles composent, les vides qu’elles délimitent ; l’anomique de l’autre, matérialisé par les taches, les remplissages portant la marque de mouvements hâtifs, les corrections laissées apparentes. Sur la planche intitulée « In the Dark », on observe ainsi des droites structurant l’espace, le titre apparaissant d’ailleurs comme déposé sur l’une d’elle. Une surface délimitée par ces traits est colorée d’un cyan clair d’où se détachent les dessins de deux visages habillés de lunettes, tandis que le dehors de cette surface accueille une paire de jambes, l’évocation à l’aquarelle d’une forêt où se dessine une ombre humaine, une grille barrant l’accès d’un chemin, peinte d’un noir gras et dense.
On pourrait multiplier les inventaires, les catégories. Conjecturer un sens, hasarder des rapprochements. L’œuvre semble s’y offrir du fait de son ouverture, de l’art de l’illusion et du renvoi qui la travaille. Ce serait cependant manquer une dimension essentielle du travail de Marquet, qui la dérobe au geste critique : les tensions qui s’y font jour entre recherche plastique et retour discursif, entre un travail de désignation/exposition et son auto-saisie dans des aphorismes où la philosophie se s’expose comme écriture, inscription de l’impossibilité pour le verbe d’être l’instance de totalisation de la planche dont il participe – a fortiori de toutes les planches. Il faut donc positionner son geste en fonction de celui de l’auteur, faire preuve de ce tact que Jean-Christophe Bailly évoque dans un texte intitulé « De la fragilité » :
Il s’agit de naviguer entre l’écueil qui consisterait à éluder la part réflexive chaque fois inscrite en pied de page, en prétendant substituer une écriture qui n’est pas la sienne à celle de l’auteur, et celui qui procèderait à l’élusion de la dimension plastique de l’œuvre, en proposant une sorte de méta-commentaire qui vienne l’interpréter simplement en extrapolant à partir de l’écriture que son auteur propose. Dans chacun des cas, on manquerait en effet la tentative propre de Marquet de thématiser la conjonction de ces deux pratiques, auxquelles s’ajoute celle d’intitulation qui opère sur un plan encore différent. La dernière planche présente au sommaire de Déséblouir accueille par exemple les notations suivantes :
1) Peut-on refaire quelque chose au sens d’une répétition musicale ?
2) De la poésie du modeste, et de l’incertitude de cette désignation – Recommencer sans renier, utiliser sans citer, proposer sans contraindre, interroger sans discourir…
Au-dessus de ces notations, à droite de la planche, des segments probablement effectuées au crayon structurent l’espace de manière géométrique, présentant des lignes perpendiculaires et parallèles qui dessinent un carré sur fond blanc, à peine maculé de quelques taches d’un bleu qui tire au mauve. Un trait vertical parallèle aux côtés du carré conduit de son intérieur à son dehors, et se prolonge sur une surface que domine une large chute du même bleu, où l’on devine un mouvement de remplissage. Recouvrant cette étendue, quelques marques horizontales et irrégulières vertes foncées, d’autres taches d’un jaune crépi : on croirait des traces sur un mur. Toujours sur la surface bleutée, un visage tracé au crayon noir apparaît en filigrane, sous des ratures grises qui le recouvrent – on n’en voit cependant que la moitié. L’autre moitié est recouverte par un rectangle dans l’aspect évoque une texture métallique, ajouré de manière à découvrir seulement l’œil gauche du visage évoqué. De cette béance s’échappe une autre droite, coudée celle-ci, qui semble remonte vers l’angle haut-gauche de la planche, avant de bifurquer vers son centre où l’on peut lire le titre suivant : « Le gardien de vaches ». Des sous-titres ou des titres alternatifs apparaissent non loin, raturés. L’essentiel de la section gauche de la planche demeure, elle, presque immaculée.
On sent qu’il entre dans cette composition du jeu : le gardiennage pourrait renvoyer aux droites qui suggèrent autant de clôtures ; l’espace laissé « blanc » à l’horizon borné que l’on peut associer à la pratique du gardiennage, intrinsèquement statique ; le gardien en question peut correspondre à ce visage, et la scission de ce visage à sa psyché, travaillée à la fois par la rigueur assignée à sa tâche et par le chaos de son imagination et du monde qui remplit sa tête et la déborde. Plutôt, la déborde presque : l’œil demeure relié par la droite coudée au titre, comme l’être à sa tâche. L’évocation de la répétition dans la première notation (« Peut-on refaire quelque chose au sens d’une répétition musicale ? ») intervient comme en surimpression pour enrichir le contenu sémantique que l’on élabore en suivant les constructions plastiques de Marquet : si le gardiennage des vaches est redondant, il ne l’est en tout cas pas de la même manière que peut l’être un motif musical, la série mathématique dont il s’inspire, de la même manière que la droite inscrite au crayon n’est pas cette droite en tant qu’objet mathématique ou idée. Si l’on fait ce saut interprétatif – toujours indécidable – qui donne accès à la dimension métaphorique de l’œuvre, on se trouve devant une saisie réflexive de son activité par Marquet : répétition sans mémeté, persévérance où se joue paradoxalement une ouverture, assomption du risque attaché à cette attitude, au caractère inachevable de cette thématisation sans cesse rejouée. C’est qu’en deçà de la répartition de certains caractères formels du dispositif apparaît comme une fêlure, qui renvoie à nature même des matériaux disposés sur la planche : Marquet semble suggérer qu’il n’y a pas un trait mais ce trait, la rêverie du gardien de vache est chaque fois cette rêverie, donnant à la trame qui les agrège le caractère d’une antiphilosophie spontanée saisie au moment de son déploiement.
Cette irréductible singularité peut s’éprouver en deçà du parcours de Déséblouir, à l’échelle même de la planche dont nous proposons le commentaire. Celle-ci peut faire l’objet d’une lecture circulaire qui, partant des notations, remonterai vers la figuration géométrique du pré-au-vache, jusqu’au visage et à la présentation allégorique des mouvements de cet esprit, pour culminer avec le titre désignant cette scène comme le ferait une pancarte au-dessus d’une animation. Le regard retomberait alors dans le vide symbolisé par le vide à gauche de la planche, cette chute amenant la nécessité d’une impossible réitération : l’œil s’attacherait à d’autres détails, son mouvement serait imperceptiblement modifié. Des démarches similaires pourraient être appliquées à n’importe quelle autre planche du livre de Marquet, qui se donne comme expérience esthétique à la fois d’une manière de voir et d’une manière de faire voir, de faire sentir. Tous les sujets qu’il aborde, les objets qu’il traite, il les met en jeu et les rejoue dans cette grande machine à produire le sens, son vacillement, sa torsion et enfin sa réaffectation détournée que représente son œuvre, dont Déséblouir ne constitue que la pointe émergée.
Il en va donc d’une proposition éthique : l’exemple nous y est donné d’une manière d’obstination qui ne cède pas sur la création de formes, mais en congédie le versant spectaculaire et souvent caricatural. La planche précédent « Le gardien de vaches », intitulée « Le Rouge et le Noir » représente du roseau dessiné au crayon rouge, à proximité de chiffres notés au stylo bic et entouré. Le long du bord droit de la planche, des traits noirs et jaunes moutarde ondulent et s’entremêlent. On y lit ceci :
1) Vous sentez que vous approchez sans rien dire d’une insoutenable vérité.
2) Une pratique (enfin) réellement créatrice de dissensus.
Insoutenabilité du roseau pourtant associé à la légèreté, en vis-à-vis duquel se trouve la toute psychologique « vérité » stendhalienne, qui ne croyait souffrir aucun dissensus et se trouve pourtant confrontée à cet héroïsme amusé et perturbateur, invitation à une allégresse qui ne cède pas sur le souci de son devenir.
Lambert Clet
Jean-Pierre Marquet, Déséblouir, édition Adverse
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