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Elsa Dorlin. L’extase des damnés, Frantz Fanon et la vio­lence

Actualités de l’émancipation et métamorphoses de la critique sociale.
Colloque organisé les 23 & 24 septembre 2011 dans le cadre des activités à la fois du Sophiapol et d’ACAE, un collectif de jeunes chercheuses et chercheurs qui travaillent depuis un an déjà sur l’actualité des concepts d’aliénation et d’émancipation.

L’objectif principal du colloque est de questionner, à partir des notions de critique sociale et d’émancipation, le renouvellement des « pratiques théoriques » des sociologues et des philosophes, qui cherchent à construire leurs théories en dialogue avec les discours des acteurs sociaux ; c’est-à-dire à articuler expériences politiques et activité de recherche.

Adopter une attitude critique, c’est disposer d’un certain nombre de critères d’évaluation et de jugement, et plus globalement de ressources à la fois langagières, émotionnelles ou corporelles, qui varient sensiblement selon les courants, expériences et pratiques politiques. Elle s’enracine en effet souvent dans des motifs d’indignation, de colère ou de révolte. la critique sociale ne se limite pas à la critique académique de l’ordre établi.

Ces critiques peuvent s’articuler à des théories sociologiques ou philosophiques de la domination, de l’exploitation, de l’exclusion, de la vulnérabilité, de la souffrance sociale, et/ou de l’émancipation (comme conquête de nouveaux droits, sociaux ou politiques, luttes de reconnaissance identitaire ou culturelle, luttes pour des changements révolutionnaires etc.). Or, ces théories impliquent des positions, et des attitudes, divergentes. Ainsi, une opposition désormais classique distingue-t-elle, par exemple, le paradigme du dévoilement, qui suppose une forme d’aveuglement des acteurs sociaux à ce qu’il s’agit de dénoncer, à celui de la critique immanente, qui compte au contraire sur l’apport des critiques émergeant du monde social pour donner sens à son travail.

Pourtant convoquer la notion d’émancipation aujourd’hui ne vas pas forcément de soi. Elle a ces dernières décennies, été souvent remise en cause et parfois disqualifiée ; avant de faire, plus récemment, un retour remarqué dans le champ de la pensée critique. De même, dans le champ militant, de nouvelles formes de luttes, de revendications, de discours et d’usage de ce terme sont apparus ces dernières années, en s’appuyant sur le sens moral, juridique, salarial ou politique du concept.

Les usages théoriques et militants, de traditions différentes, de cette notion peuvent-ils dialoguer, sont-ils complémentaires ou radicalement divergents ? En outre, quel est le sujet de l’émancipation ? Peut-il y avoir une émancipation individuelle ou marginaliste, et que penser dès lors de l’émancipation intellectuelle ? À l’inverse, l’émancipation est-elle toujours collective, de classe ou universelle, passe-t-elle nécessairement par la constitution de collectifs de luttes ?

C’est justement parce que la notion de critique sociale et celle d’émancipation peuvent prétendre révoquer ou au moins questionner la césure entre discours critique sur le monde social et sphères de l’intervention, de l’action, de la mobilisation, qu’elle questionne aussi la place du chercheur. Elle peut être appréhendée à travers les figures de l’intellectuel, du porte parole, du/de la militant-e politique, de l’entrepreneur-e de mobilisation, ou encore de l’expert. Elle conduit également à interroger les pratiques des sociologues ou philosophes qui cherchent à articuler expériences politiques et activité de recherche, et à trouver de nouvelles formes de coopération en dehors de l’université. Mais cette attention aux luttes sociales en cours n’est bien entendu jamais unilatérale : la notion de « critique sociale » invite également à interroger la manière dont les discours et les pratiques de recherche se renouvellent, se reconfigurent, s’éprouvent au contact de pratiques de luttes et de mobilisation.

Il s’agira donc de savoir si les discours critiques contemporains développent une réflexion stratégique véritablement nouvelle sur les moyens de produire des effets politiques émancipateurs.

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Intervention d’Elsa Dorlin  – « L’extase des damnés. Frantz Fanon et la violence »
(Professeur de sciences politiques à l’Université Paris 8 / LABTOP)

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Le laboratoire junior ACAE (Actualité des Concepts d’Aliénation et d’Emancipation) est un collectif interdisciplinaire de jeunes chercheur-/se-s –masterant-e-s et doctorant-e-s – qui a reçu un financement du conseil scientifique de l’ENS de Lyon.

Le projet ACAE constitue en partie le prolongement d’ateliers de lecture et de réflexion initiés pendant la mobilisation universitaire 2009 autour de deux objets principaux, le travail et les rapports sociaux de sexe. Il répond ainsi à une double aspiration : d’une part, continuer à explorer un champ problématique et critique, ressaisi à travers les concepts d’aliénation et d’émancipation, et de l’autre pérenniser un moment politique ayant exigé des enseignant-es, des chercheurs/euses qu’ils/elles sortent d’une neutralité souvent revendiquée en interrogeant frontalement la question des usages sociaux et politiques des savoirs produits par l’université. Un autre effet politique de cet ancrage militant réside dans le mode de fonctionnement horizontal du collectif.

Notre démarche scientifique se fonde sur la mise en tension des concepts d’aliénation et d’émancipation, à trois niveaux principaux :

– Il s’agit de confronter différentes perspectives théoriques dans l’utilisation qu’elles font ou non des concepts d’aliénation et d’émancipation.

– Le travail de (re)définition de ces concepts effectué au cours des ateliers de lecture et journées d’étude qui structurent le travail d’ACAE se double d’une réflexion sur leur efficacité en tant qu’opérateurs critiques, notamment dans leur capacité à rendre compte des transformations et logiques actuelles des sociétés dans le contexte capitaliste néolibéral et à en permettre une mise en question individuelle et collective.»

– Enfin, la mise en perspective des concepts d’aliénation et d’émancipation avec les luttes sociales, les pratiques contestataires des acteurs/trices sociaux/ales qui y sont engagé-es et les formes de savoirs critiques qu’ils/elles mettent en place, est au centre des travaux d’ACAE. Notre objectif étant d’interroger les lignes de partage entre les savoirs considérés comme légitimes et les autres mais aussi les modes de circulation entre les différentes sphères, notamment universitaire et militante, de production de la critique. »

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