Clémentine Delahaut

On n’écrit pas dans le vide

Texte écrit en réponse à des vœux :
« Bonne année. Plein de poésie. Et tout ce qui va avec. On écrit pas dans le vide ».
Hiver 2019

I

Le vide est rempli d’oiseaux qui sortent des bosquets et me surprennent, d’enfants cachés sous des lits dans la poussière.

Ce serait le jeu : que quelqu’un disparaisse avant de sauter.

Tirer sur la manche d’un silence après le ciel et qu’un bruit, lointain, d’étoile, survienne.

Comme quelqu’un qui n’aurait pas encore ouvert quelque chose. Qui aurait la clef sans connaître la couleur.

II

Ce qui sort arrive par chutes : visage – vol – coraux – bouffées – …

Des silences font des bulles explosant à de simples touchés de doigts.

Le rêve remonte, descend, s’enfuit. Une porte s’ouvre très doucement.

Le soleil entre par le tunnel des grottes du monde.

Tout arrive comme des ossements perdus, disséminés, mais où est la chair ?

Je t’aime, le ciel est derrière nous.

III

Le vide tombe comme un arbre au milieu du chemin. Passer dessous, sentir la terre froide, y mettre son front, ses paupières, les rêves oubliés dansant ensemble derrière les yeux fermés.

Chercher une façon de se soustraire, un soulèvement du vent dans le corps sans battements extrêmes du cœur, un calme dans l’ivresse.

L’eau boue à l’aube. Il y a un oiseau à l’encre sur une tâche d’huile, un bout de papier punaisé avec écrit « piano » en noir et souligné.

Je regarde l’ombre sur le mur, la température.

Je t’aime, le ciel est derrière nous et les lumières et les bruits.

III

Le vide a le nom d’un ange d’une tempête qui arrive, Gabrielle.

Panique des gens à l’idée que la neige recouvre tout.

Danse d’un homme sur le son d’une sirène.

Parapluie ouvert, cassé, retourné sur lui-même aux abords d’une fontaine.

Le chauffeur de bus en conduisant me parle d’huile d’olive et de tomates fraîches, de la façon dont on prépare le thé à la menthe avec ce geste final de monter, descendre, monter, descendre.

Des policiers demandent : « D’où venez-vous ? Où allez- vous ? » en exigeant une réponde rapide.

Je suis suspendue au-dessus de l’abîme.

IV

Je suis l’immersion dans l’eau aux premiers rayons du soleil après une nuit de silence.

Je serai les retrouvailles où nous n’aurons rien à nous dire ; où nous voudrions seulement faire l’amour, faire le vide, faire l’amour.

Le vide est plein de mots : de choses, de jeux, de chutes.

Le vide est plein d’échanges avec le vent.

Je m’arrache comme une herbe, je fais de la place autour de moi, à une fleur.

Sacha Steurer

Image > Clémentine Delahaut

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