© 2019 la vie manifeste. All rights reserved.

Journal de Corée



09.07

Arrivée à Incheon.
Depuis l’avion,
les mêmes îles, encore
et cette impression

de revenir à chaque fois
dans un paysage intime.


11.07

Autour D’Osan

les voies rapides,

des véhicules à toute vitesse
et sur les trottoirs fleuris,
des corps de fantômes.


14.07

Hotel Resort

chambre avec vue sur la mer,
café instantané.

Les dernières pages de

La Prisonnière.


15.07

Retour à Osan

avion silencieux
virages plusieurs fois
au dessus de Séoul
le fleuve Han

est un ruisseau.


19.07

Des oiseaux dans la salle de prière
du temple Jogye-sa.

Je ne sais plus vraiment où aller…
Séoul, oui,
mais je pense de plus en plus à S.


22.7

Manger,

encore et encore


23.7

Temple Gilgan-sa,
prière pour les morts.

J’ai de plus en plus envie de sourire.
Ici, les arbres nous protègent.

Nous redescendons vers la ville.
S. dessine dans le métro.
J’arrive quelque fois comme ça
à ne plus penser.


24.7

Il faut croire que derrière ce monde
une seule note sonne au diapason.
Je porte aujourd’hui mon bracelet
acheté au temple pour 6000 wons.
Un rat est gravé à l’encre rouge dans le bois.
C’est vrai que je me suis toujours senti
aussi beau et aussi discret qu’un rat.


26.7

Grande application à ne rien faire.
Un jour entier à regarder des façades.
La nourriture devient de l’énergie.


27.7

Autobus pour Euljiro.
Je veux photographier le vieux quartier
parler aussi avec H.J.

Séoul la nuit avec H.J.

Nous buvons du makggeolli

en mangeant des pyramides de tofu.
Je prends le dernier métro pour Osan
sans avoir vu l’éclipse lunaire.


28.7

Aquarium du Coex, Gangnam,

la folie bruyante des visiteurs.

Une vingtaine de petites tortues

se déplacent lentement dans la terre.
Le mouvement de leur corps
me donne envie de pleurer.


29.7

Grande chaleur
à l’intérieur de l’appartement.
Allongé sur le sol
je dessine une araignée avec ma fille.

Il y a une fragilité bouleversante chez l’araignée
un peu comme celle des tortues.


01.8

Quatrième journée à l’intérieur
et quatrième araignée.


05.8

Fin d’après midi,

je prends le vélo

je roule dans la trajectoire
de dizaines de libellules.

(variation : des dizaines de libellules volent dans ma trajectoire).

07.8

H.J. m’envoie un message

‘etienne where are you ?’

Mais j’ai déjà quitté Séoul par le train.
Je lis quelques pages d’Albertine disparue, debout,
au milieu des écrans de téléphone.


09.8

Visite des tombes royales
Seolleung – Jeongneung
Je ne sais vraiment plus quoi penser…

J’ai seulement cette sensation étrange, immédiate,

que ma mémoire est entrain de se construire dans l’instant.
Voilà la seule chose à laquelle je peux penser…
Mais s’agit-il vraiment d’une pensée ?

Cette nuit dans le métro qui traverse le fleuve Han,
au milieu des autres passagers,

je suis ivre et je pleure comme si j’étais seul

en pensant à mon père
mort il y a trois ans.


12.8

Arrivée à Gwangju

avec S. et J.S.

Ce soir à l’hôtel je voudrais écrire quelques lignes
sur l’architecture et les montagnes

qui entourent la ville
mais ce soir à l’hôtel
je n’écris rien de tout cela.


14.8

Aujourd’hui je me suis fait couper les cheveux.
Comme ça, j’aimerais ressembler à Buster Keaton.
Cette nuit la lune est presque invisible au dessus des tours
et les avions militaires se suivent par deux.


17.8

La télévision montre des hommes qui mâchent des poulpes grillés.
Partout c’est la nourriture vulgaire.

Ce soir, je joue avec le reflet de mes doigts sur la vitre.
Dessin de deux araignées aujourd’hui, des araignées sans toile, en suspension dans le vide.


19.8

Je me sens si peu sérieux devant la tombe du prince Sado.
Je raconte des histoires à S. Je lui montre le chemin et l’escalier pour les esprits.

Fin de journée, je reprends le vélo. Je roule lentement.

Cette fois les libellules sont peut être une centaine avec les sauterelles, les papillons,
les cigales, et tout le bestiaire aérien.

Nuit.
Premières pages du temps retrouvé.


20.8

Peut être que je ne devrais déjà plus être en Corée.

Mais tous ces moments qui viennent s’ajouter aux autres ont la matière d’un rêve.
Je veux revoir le fleuve Han. C’est là que Séoul garde son secret ouvert.


21.8

Nouvelle araignée, sans difficulté.
J’accompagne S. jouer au milieu des autres enfants.


22.8

La télévision annonce un typhon.
Je suis plein d’une joie sans raison.


23.8

Il fallait que je revoie le fleuve Han.
C’est l’endroit parfait.

Seonuydo Park.

Le typhon approche de Séoul, la nature est nerveuse elle aussi.

Je revois H.J.

sur le toit de l’immeuble Sewoon Sanga

Nous regardons les tours de Séoul dans la nuit.
Il pleut et la montagne Inwangsan

est une tâche d’encre

dans le ciel noir.


25.8

Je vais emporter avec moi
une part de cette nuit,

et les quelques tasses de soju

bues en mangeant des morceaux de jujubes séchées.
Je vais emporter avec moi pour toujours :
les lumières de la colline

et l’obscurité de la fenêtre.

J’emporte aussi
la lune ronde et blanche
qui joue avec les nuages
comme un insecte dans un buisson.


26.8

Dans l’avion je pense peu
mais je repense à Proust,
ému par la vision

ou le son des aéroplanes.

Ces appareils qui ont l’air comme ça,
dans le ciel,
de points
ou de petits insectes.



Etienne Michelet

///////////////////////// Autres documents

Par là, nous sommes des chevaux

Un jour est venu le mot vent, il a emporté avec lui les déterminations, apparaissait l’avenir.
par Sacha Steurer

Preuve de cendre

L’appât vide, sans
membres
viens, viens sans me dénombrer et viens et
conjugue et approuve.
(…)
par Mathieu Brosseau & Lena Da Ros

en vigilance extérieure des côtes

maille sablée des plages de fer côtes hautes de muraille
à la garde montée plaques d’atterrissage du Golfe d’un désert
déplacées palissade de métal zone intermédiaire grille nord
– ouest extrême du Mexique

par Emmanuèle Jawad