Border

Border, France/ UK, 2004
27 min. Digibeta PAL, Colour, Stereo
Directed, Produced, Written, Camera, Edited Laura Waddington
Co-produced Love Streams Agnes b. Paris
Music Simon Fisher Turner
Voice Laura Waddington

Synopsis

En 2002, Laura Waddington a passé plusieurs mois dans les champs autour du camp de la Croix Rouge à Sangatte avec des réfugiés afghans et iraqiens qui essayaient de traverser le tunnel sous la Manche pour rejoindre l’Angleterre. Filmé entièrement de nuit avec une petite caméra vidéo, Border est un témoignage personnel sur le sort des réfugiés et la violence policière qui a suivi la fermeture du camp.

Propos de la réalisatrice

Pendant les journées, si vous vous baladiez le long des autoroutes et des terrains vagues, vous pouviez voir des réfugiés partout: attendant au bord de la route ou se dirigeant vers le port et les trains de marchandises. Ils se déplaçaient en groupe de deux ou trois, parfois de vingt ou trente.
La nuit venue, je marchais à leurs côtés le long des routes. Il fallait deux ou trois heures pour rejoindre le grillage du tunnel sous la Manche où ils commençaient à couper les haies métalliques. Puis, venaient les arrestations, le bus de la police les ramenait au camp. Ils réapparaissaient quelques heures plus tard et le jeu pervers du chat et de la souris reprenait.
La plupart des réfugiés venaient d’Irak et d’Afghanistan et il leur avait fallu six ou sept mois pour atteindre la France. Ils avaient payé des passeurs pour les faire traverser clandestinement l’Iran, la Turquie et les Balkans dans des camions. Beaucoup  parmi eux n’avaient rien d’autre à part leurs habits. Dans leurs pays, ils avaient été enseignants, professeurs, étudiants en médecine et maçons.
Certains hommes sont morts dans le tunnel, d’autres ont perdu un bras ou une jambe, coupés par un train en marche. Je me souviens d’un garçon qui avait perdu une jambe. La même semaine qu’il était sorti d’hôpital, il était sur la route, cherchant à nouveau à s’enfuir. Les mois se sont écoulés dans une sorte de limbe. Je ne pouvais pas croire qu’on les avait abandonnés là-bas, comme si nous leur avions tourné le dos.

(Traduit de l’anglais)

Laura Waddington 2002

Director’s website: http://www.laurawaddington.com

 

…Dans un recent film vidéo intitulé Border et consacré aux réfugiés du camp de Sangatte, Laura Waddington est parvenue à trouver la forme plastique juste pour un choix du tournage proche de l’aporie: il s’aggisait de partager la vie et le risque encouru par les sans-papiers afghans ou irakiens cherchant obstinément à passer la frontière en direction de l’Angleterre. C’etait en 2002: l’illégalité de la situation, la police à l’affût, les courses à travers champs, l’omniprésence de la nuit seulement éblouie par le danger des projecteurs d’hélicoptères, tout cela donne aux images de son film leur condition d’invisibilité, mais aussi, plus puissamment, de proximité avec ces hommes, ces femmes et ces enfants dont on ne voit presque jamais les traits – dont on entend, à un moment, les clameurs désesperées face à la police -, mais dont le film réussit à construire, admirablement, comme un poème, la dignité. Rendre aux figurants leur dignité, c’est-à-dire, d’abord, leur figure: l’éthique d’une image dépend souvent de cela.

Georges Didi-Huberman, « Figurants », Dictionnaire Mondial des Images, Nouveau Monde Editions, Paris 2006