© Image François Santerre

Caravane

Crachat
sur l’œil de l’époque
je suis le grain de sable
dans l’œil de l’époque
Hawad

 

Ils jugent. Brûlent les tipis des vieux Indiens, les enferment dans des putains de boîtes, les assoient sur des putains de chaises. Poissons rouges dans un bocal.

Ils incendient un camp de gens « du voyage », une petite fille meurt.

Brûlée vive, qui apprenait à lire.

Troubles de l’ordre public.

Emballement médiatique. Grandes messes.

Interventions des forces de l’ordre. Caravanes chavirées, à la va-vite, la haine par la peur. Vêtements dans la boue.

N’est pas le nom d’un décor, Caravane.

L’oubli d’une histoire, échelle vers le ciel.

Le nom de godasses crevées.

De ceux qu’ils ne connaissent pas, ne voient pas, ne croisent pas, jugent.

Tout de même, ces habitations non cadastrées, invisibles sur Google maps. Ils n’existent pas ceux qu’on ne voit pas, ils n’existent pas.

Qu’on ne peut dénombrer, le nom de ceux, Caravane.

Ceux qui ne comptent pas. Qu’ils traquent.

Fugues, danses. Ceux dont on ne sait le nom. Ils rôdent autour, tout autour, cherchent noise.

Coups, côtes fêlées, une bagarre entre adolescents.

Coupables, forcément coupables. Forces de l’ordre. Caravane est un nom condamné.

Caravane est un nom à venir.

D’hommes condamnés, comme ce vieil homme sans larmes, qui un jour, si soudainement, si longtemps gardés ces mots, me parla, longtemps, à respirer si mal, des triangles noirs.

La mémoire n’est pas le contraire de l’oubli, mais du mensonge.

Caravane est le nom de ma caravane, mais pas que.

Dans ma caravane, tout est au présent.

Par ces hommes qui vont. De cette dinguerie contraire. Qui vont.

Dans les livres du vent.

Dans ma caravane, il y a des mémoires bousculées.

Des planches disjointes, des boulons, un tournevis cruciforme.

Troupes au sol.

J’entre dans ma caravane, pousse les murs, et ça va très loin. Ma caravane est une cartographie.

Pas qu’à moi. Des enfants se chamaillent. S’expliquer avec Caravane.

Il n’y a pas de chance pour les tsiganes, me dit souvent le vieil homme.

D’aucune route on ne va vers ma caravane. Arbres et herbes.

Pas si loin, des hommes.

J’aime. Dix mille gouffres/seconde.

Le vent parfois, les nuits cardiaques.

Dans ma caravane, il y a des amis, de la mort qui se fatigue.

Après un long voyage.

Dans ma caravane, il y a d’autres caravanes.

Mémoires gigognes.

Avaries.

Dans ma caravane, tout va.

Ensuite, les moyens du bord (Rimbaud mange des groseilles).

Dans ma caravane, il y a des mémoires, il y a du dehors, des seuils, tangibles.

 

Claude Favre

 

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