Entretien radiophonique : Emmanuel Moreira, Amandine André
Réalisation : Emmanuel Moreira
Première partie (73mn)
Le commun, le communisme, la communauté.
Le fascisme, la communion.
Note de Jean-Luc Nancy à la nouvelle édition de La communauté désœuvrée, revue et augmentée, publié en 1986 chez Christian Bourgois éditeur :
« La première partie de se livre s’engageait à partir de « la Communauté désœuvrée », pour « reprendre une réflexion jamais interrompue sur l’exigence communiste » et « le défaut de langage que de tels mots, communisme, communauté paraissent inclure, si nous pressentons qu’ils portent tout autre chose que ce qui peut-être commun à ceux qui prétendraient appartenir à un ensemble, à un groupe. »
Au printemps 1983 sur une invitation de Jean Christophe Bailly, pour le numéro 4 de la revue Aléa, Jean Luc Nancy écrit un texte largement commenté depuis : La Communauté désœuvrée. Quelques mois plus tard, Maurice Blanchot publie aux Editions de Minuit une réponse à La communauté désoeuvrée sous le titre La Communauté inavouable*.
Si tout semble avoir été dit sur ces deux essais majeurs pour qui veut penser la communauté, rien ou si peu, ne fut écrit sur les divergences profondes entre Nancy et Blanchot quant à la nature même de la communauté.
Comment expliquer ce long silence ? Et quel est au fond ce désaccord jamais mis au jour ? Ce sont les questions auxquelles Jean Luc Nancy a bien voulu esquisser des réponses. Nous l’en remercions. Si c’est à Jean Luc Nancy que nous avons posé ces deux questions, c’est parce qu’il a ouvert lui-même le débat dans une note au texte « Maurice Blanchot. Passion Politique » publié en 2011 aux éditions Galilée** :
« Ce différend était si sérieux qu’il resta paradoxalement très peu apparent et fut très peu commenté comme tel, et par moi tout le premier. Je fus à la fois intimidé par ce que représentait Blanchot s’adressant à moi (et avec quelle habileté, avec quelle discrétion dans la discussion et même dans la dispute !) et emporté par l’élan du premier texte que je poursuivis jusqu’à un livre paru en 1986 (…) et où la gêne envers Blanchot et un découragement mirent en suspens – pour le moins – ce qui aurait dû ouvrir une vraie disputatio. Elle aurait touché, je n’en doute pas, au fond de la question politique et même au fond de la question de l’« essence » de la « communauté » : car la version qu’en donne Blanchot dans La Communauté inavouable n’est pas étrangère à ce qu’ont été ses convictions des années 1930. (…) Dans son fond obscur, son inavouable la communauté[chez Blanchot]est une communion à plusieurs faces (érotique, christique, littéraire) »
Désœuvrement en rapport à l’œuvre, désœuvrement venant de l’œuvre, pour Blanchot.
Désœuvrement pour Nancy, en ce sens exact où elle n’a jamais réussi à faire œuvre et ne peut y parvenir.
La différence entre ces deux auteurs est de taille, car si le désœuvrement vient de l’œuvre rien n’interdit au désœuvrement de retourner à l’œuvre, là où pour Jean-Luc Nancy, la communauté comme œuvre est la destruction même de la communauté. L’œuvre, l’unité vécue comme une perte est le puissant mythe de désir de communauté comme volonté d’œuvre détruisant par là même toute communauté.
Prologue à cette première partie :
Lecture de La maladie de la mort, de Marguerite Duras. (extrait).
*
Sommaire de La Communauté inavouable :
I. La communauté négative
Communisme, communauté – L’exigence communautaire : Georges Bataille – Pourquoi communauté ? – Le principe d’incomplétude – Communion – La mort d’autrui – Le prochain du mourant – Communauté et désœuvrement – Communauté et écriture – La communauté d’Acéphale – Sacrifice et abandon – L’expérience intérieure – Le partage du secret – La communauté littéraire – Le cœur ou la loi
II. La communauté des amants
Mai 68 – Présence du peuple – Le monde des amants – La maladie de la mort – Ethique et amour – Tristan et Iseult – Le saut mortel – Communauté traditionnelle, communauté élective – La destruction de la société, l’apathie – L’absolument féminin – L’inavouable communauté
**
« En 1984, les Cahiers de L’Herne m’invitèrent à organiser un numéro consacré à Maurice Blanchot. Parmi les raisons qui, avec Philippe Lacoue-Labarthe, nous poussèrent à vouloir réaliser ce projet, il y avait celle liée aux récentes publications concernant les positions politiques du Blanchot des années 1930 : nous voulions saisir l’occasion d’engager avec lui un échange sur cette question, afin de dépasser l’affrontement grossier des accusations et des défenses tel qu’il se jouait alors dans les magazines.
À travers quelques échanges de lettres, Blanchot en vint à concevoir l’idée de rassembler des remarques éparses sous la forme d’un document – qu’il nomma « récit » dans une lettre à Roger Laporte, publiée ici – qui aurait en quelque sorte valeur de déclaration préliminaire à un entretien futur. Quel est l’enjeu de cette lettre ? Il est moins, à mon sens, dans ce qu’elle ouvre de vérité historique et psychologique (qui n’est certes pas négligeable) que dans le fait qu’elle oblige à nous demander comment, à partir d’où et selon quelles interrogations nous devons la lire.
Cette obligation est liée à celle qui a poussé Maurice Blanchot à écrire ce document assez singulier au milieu tant de sa correspondance que de son œuvre. En 1984, et devant une proposition de discussion autour de son passé politique dont il savait qu’elle n’était ni agressive ni soupçonneuse – bien qu’elle ne fût en rien complaisante –, il pouvait sentir et comprendre que s’offrait une autre disposition que celle des procureurs empressés. Il pouvait avoir confiance dans la possibilité d’une explication – ce qui n’est en rien équivalent à une justification. Il ne s’agit pas du tout de justifier ni même d’excuser les pensées et les déclarations de Blanchot. Il ne s’agit d’ignorer aucun aspect de ses convictions politiques ni de ce qu’elles ont pu impliquer d’engagement, fût-il seulement celui de la plume.
On s’exclame « il était d’extrême droite ! », voire « il était fasciste ! » et cela signifie : « il fallait être de gauche, il fallait être antifasciste ! ». On pense désigner ainsi une sorte d’évidence pérenne de la « gauche » qui se confond à peu près, en fait, avec la profession de foi des droits de l’homme et de la démocratie parlementaire – et cela d’autant mieux qu’il est devenu difficile de parler même de « socialisme ». Il est vrai qu’il n’en était pas ainsi il y a vingt-cinq ans. Mais il est non moins vrai qu’était sensible dès ces années la nécessité d’une interrogation de grande ampleur sur le sens de la (ou « du », comme nous disions justement pour mettre l’accent sur le problème d’un concept ou d’une essence) politique. »
J.-L. Nancy
—————————————————-
Seconde partie (22mn)
Le récit, le mythe, la correspondance
« Rien n’est plus commun aux membres d’une communauté, en principe, qu’un mythe, ou un ensemble de mythes. Le mythe et la communauté se définissent au moins en partie – mais c’est peut-être en totalité – l’un par l’autre, et la réflexion sur la communauté appelait à être poursuivie du point de vue du mythe. »
Jean-Luc Nancy, La communauté désoeuvrée, éd Christian Bourgeois.
Comment faire quand le nom du récit fut le mythe ?
Comment faire sans récit ?
Comment faire quand la possibilité d’une communauté est lié à la possibilité d’un récit ?
———————————————————–
Troisième partie (75mn)
Le politique, la politique, la religion civile.
Dans cette troisième partie Jean- Luc Nancy revient sur les usages du mot politique.
Faut-il penser le politique ou la politique ?
Le mot politique à fini par se dissoudre et se répandre et par devenir le nom de l’élément englobant dans lequel toute l’existence commune prends son sens et sa consistance, à savoir que tout est politique. J. L Nancy
Après avoir longtemps pensée le politique – c’est-à-dire une certaine manière d’essentialiser la politique, plus précisément cette manière de penser que tout est politique, Jean-Luc Nancy nous invite désormais à considérer la politique comme un certains ordre de la communauté distinct de l’être en commun.
Dans la mesure où la politique exige l’exercice du pouvoir, il nous faudra pour la penser se défaire de l’illusion du pouvoir émancipée des rapports de domination qu’il autorise. .
Tout passe par la politique mais rien s’y accomplit, nous dira Jean-Luc Nancy. En d’autres termes, par la politique, la justice, l’égalité se révèleront toujours injuste et inégal mais sans la politique c’est toute possibilité de justice et d’égalité qui s’en trouve annihiler.
Seule la littérature est capable de tenir la promesse de justice, c’est dans la littérature que la justice s’accomplit, en ce sens, la littérature est cet appel en une politique toujours à venir.
Prologue à cette troisième partie : Serge Pey & André Minvielle, Nous sommes cernés par les cibles
///////////////////////////// Autres documents
Enregistrement d’une rencontre avec Michel Surya organisée par la Maison des écrivains et de la littérature. Rencontre autour de l’œuvre de Georges Bataille, à l’occasion de la réédition en poche chez Gallimard (collection Tel ) de la biographie de Georges Bataille « Georges Bataille, la mort à l’œuvre » et de la publication récente d’un essai aux éditions de l’Éclat « Sainteté de Bataille ».
Entretien avec Martin Crowley – Professeur à l’Université de Cambridge – à propos de l’ouvrage L’Homme sans. Politiques de la finitude, publié aux Nouvelles éditions Lignes
Entretien et réalisation : Emmanuel Moreira
La communauté, le mythe, la politique. Rencontre avec Jean-Luc Nancy
Entretien radiophonique : Emmanuel Moreira, Amandine André
Réalisation : Emmanuel Moreira
Première partie (73mn)
Le commun, le communisme, la communauté.
Le fascisme, la communion.
Note de Jean-Luc Nancy à la nouvelle édition de La communauté désœuvrée, revue et augmentée, publié en 1986 chez Christian Bourgois éditeur :
Au printemps 1983 sur une invitation de Jean Christophe Bailly, pour le numéro 4 de la revue Aléa, Jean Luc Nancy écrit un texte largement commenté depuis : La Communauté désœuvrée. Quelques mois plus tard, Maurice Blanchot publie aux Editions de Minuit une réponse à La communauté désoeuvrée sous le titre La Communauté inavouable*.
Si tout semble avoir été dit sur ces deux essais majeurs pour qui veut penser la communauté, rien ou si peu, ne fut écrit sur les divergences profondes entre Nancy et Blanchot quant à la nature même de la communauté.
Comment expliquer ce long silence ? Et quel est au fond ce désaccord jamais mis au jour ? Ce sont les questions auxquelles Jean Luc Nancy a bien voulu esquisser des réponses. Nous l’en remercions. Si c’est à Jean Luc Nancy que nous avons posé ces deux questions, c’est parce qu’il a ouvert lui-même le débat dans une note au texte « Maurice Blanchot. Passion Politique » publié en 2011 aux éditions Galilée** :
Désœuvrement en rapport à l’œuvre, désœuvrement venant de l’œuvre, pour Blanchot.
Désœuvrement pour Nancy, en ce sens exact où elle n’a jamais réussi à faire œuvre et ne peut y parvenir.
La différence entre ces deux auteurs est de taille, car si le désœuvrement vient de l’œuvre rien n’interdit au désœuvrement de retourner à l’œuvre, là où pour Jean-Luc Nancy, la communauté comme œuvre est la destruction même de la communauté. L’œuvre, l’unité vécue comme une perte est le puissant mythe de désir de communauté comme volonté d’œuvre détruisant par là même toute communauté.
Prologue à cette première partie :
Lecture de La maladie de la mort, de Marguerite Duras. (extrait).
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Sommaire de La Communauté inavouable :
I. La communauté négative
Communisme, communauté – L’exigence communautaire : Georges Bataille – Pourquoi communauté ? – Le principe d’incomplétude – Communion – La mort d’autrui – Le prochain du mourant – Communauté et désœuvrement – Communauté et écriture – La communauté d’Acéphale – Sacrifice et abandon – L’expérience intérieure – Le partage du secret – La communauté littéraire – Le cœur ou la loi
II. La communauté des amants
Mai 68 – Présence du peuple – Le monde des amants – La maladie de la mort – Ethique et amour – Tristan et Iseult – Le saut mortel – Communauté traditionnelle, communauté élective – La destruction de la société, l’apathie – L’absolument féminin – L’inavouable communauté
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« En 1984, les Cahiers de L’Herne m’invitèrent à organiser un numéro consacré à Maurice Blanchot. Parmi les raisons qui, avec Philippe Lacoue-Labarthe, nous poussèrent à vouloir réaliser ce projet, il y avait celle liée aux récentes publications concernant les positions politiques du Blanchot des années 1930 : nous voulions saisir l’occasion d’engager avec lui un échange sur cette question, afin de dépasser l’affrontement grossier des accusations et des défenses tel qu’il se jouait alors dans les magazines.
À travers quelques échanges de lettres, Blanchot en vint à concevoir l’idée de rassembler des remarques éparses sous la forme d’un document – qu’il nomma « récit » dans une lettre à Roger Laporte, publiée ici – qui aurait en quelque sorte valeur de déclaration préliminaire à un entretien futur. Quel est l’enjeu de cette lettre ? Il est moins, à mon sens, dans ce qu’elle ouvre de vérité historique et psychologique (qui n’est certes pas négligeable) que dans le fait qu’elle oblige à nous demander comment, à partir d’où et selon quelles interrogations nous devons la lire.
Cette obligation est liée à celle qui a poussé Maurice Blanchot à écrire ce document assez singulier au milieu tant de sa correspondance que de son œuvre. En 1984, et devant une proposition de discussion autour de son passé politique dont il savait qu’elle n’était ni agressive ni soupçonneuse – bien qu’elle ne fût en rien complaisante –, il pouvait sentir et comprendre que s’offrait une autre disposition que celle des procureurs empressés. Il pouvait avoir confiance dans la possibilité d’une explication – ce qui n’est en rien équivalent à une justification. Il ne s’agit pas du tout de justifier ni même d’excuser les pensées et les déclarations de Blanchot. Il ne s’agit d’ignorer aucun aspect de ses convictions politiques ni de ce qu’elles ont pu impliquer d’engagement, fût-il seulement celui de la plume.
On s’exclame « il était d’extrême droite ! », voire « il était fasciste ! » et cela signifie : « il fallait être de gauche, il fallait être antifasciste ! ». On pense désigner ainsi une sorte d’évidence pérenne de la « gauche » qui se confond à peu près, en fait, avec la profession de foi des droits de l’homme et de la démocratie parlementaire – et cela d’autant mieux qu’il est devenu difficile de parler même de « socialisme ». Il est vrai qu’il n’en était pas ainsi il y a vingt-cinq ans. Mais il est non moins vrai qu’était sensible dès ces années la nécessité d’une interrogation de grande ampleur sur le sens de la (ou « du », comme nous disions justement pour mettre l’accent sur le problème d’un concept ou d’une essence) politique. »
J.-L. Nancy
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Seconde partie (22mn)
Le récit, le mythe, la correspondance
Comment faire quand le nom du récit fut le mythe ?
Comment faire sans récit ?
Comment faire quand la possibilité d’une communauté est lié à la possibilité d’un récit ?
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Troisième partie (75mn)
Le politique, la politique, la religion civile.
Dans cette troisième partie Jean- Luc Nancy revient sur les usages du mot politique.
Faut-il penser le politique ou la politique ?
Après avoir longtemps pensée le politique – c’est-à-dire une certaine manière d’essentialiser la politique, plus précisément cette manière de penser que tout est politique, Jean-Luc Nancy nous invite désormais à considérer la politique comme un certains ordre de la communauté distinct de l’être en commun.
Dans la mesure où la politique exige l’exercice du pouvoir, il nous faudra pour la penser se défaire de l’illusion du pouvoir émancipée des rapports de domination qu’il autorise. .
Tout passe par la politique mais rien s’y accomplit, nous dira Jean-Luc Nancy. En d’autres termes, par la politique, la justice, l’égalité se révèleront toujours injuste et inégal mais sans la politique c’est toute possibilité de justice et d’égalité qui s’en trouve annihiler.
Seule la littérature est capable de tenir la promesse de justice, c’est dans la littérature que la justice s’accomplit, en ce sens, la littérature est cet appel en une politique toujours à venir.
Prologue à cette troisième partie : Serge Pey & André Minvielle, Nous sommes cernés par les cibles
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« Le » Bataille de Michel Surya
Enregistrement d’une rencontre avec Michel Surya organisée par la Maison des écrivains et de la littérature. Rencontre autour de l’œuvre de Georges Bataille, à l’occasion de la réédition en poche chez Gallimard (collection Tel ) de la biographie de Georges Bataille « Georges Bataille, la mort à l’œuvre » et de la publication récente d’un essai aux éditions de l’Éclat « Sainteté de Bataille ».
L’ Homme sans. Politiques de la finitude, Martin Crowley
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