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Marie Bornasse, poème de la louche à la bouche

Un bon livre de poésie, bien fait, comme une bonne plâtrée ! Une demie boule de riz tout collants. Un vrai poème de la louche à la bouche ! Poème pour les bonnes langues que ce livre où le personnage, Marie Bornasse*, nous donne des images colorées, images qu’elle voit comme si elle restait le nez collé dessus.
En lisant le livre de Cécile Richard, se forment en moi des images mentales, comme des peintures. Des peintures de peintres motivés par leurs seules obsessions. C’est un personnage de Bacon redessiné par Topor, qui aurait de gros yeux ronds et deux bouches** et dont les parents lui sortent par l’arrière train. C’est un autre dont on ne voit qu’un bout, car il déborde du cadre, un peu comme chez Combas. Voilà les premières impressions que me donnent ces textes inquiétants et drôles. La quotidienneté semble épiée à travers un gros verre dépoli. La réalité est sentie par une héroïne pas finie, échappée d’une brouette ou d’un livre de Faulkner, à moins que ce ne soit un animal kafkaïen. Un animal femelle au cul rouge et qui met du vernis à ses pattes. Une sorte de machine de désirs qui aime la vie et les stages (rigolos) de sexe. Des extraits de films ragoutants et des bouts d’histoires font le drôle de jus qui coule des galeries littéraires à son terrier-lit à Marie.
Marie qui change de nom, comme si les mots étaient des plats succulents. Et c’est mots-là, Mourons, Mille-goules ou Marie-gorette, c’est ce qui fait toute la belle et pleine rondeur des poèmes gloutons et des récits lugreux*** à ingurgiter page après page et qui sont ponctués, c’est-à-dire respirés, ouvrés par le seul mot « marie ». Marie, le mot qui dit Miam, qui rit et qui fait des gros Oui. Bon appétit !

Charles Pennequin

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* Marie Bornasse, Editions le Dernier Télégramme, printemps 2012.
** Page 69 : « Elle voudrait deux bouches sur le même visage pour pouvoir avaler deux morceaux en même temps et comparer en mâchouillant ».
*** Page 82 : « Marie Bornasse dit c’est tout lugreux ».

———– Extrait
« Marie Bornasse sa bouche c’est sa bouche, elle est jolie comme bouche, sa couleur ça va, sa forme ça va, elle est vivable comme bouche, dans sa bouche à Marie une langue, une jolie langue d’une belle couleur, un bel aspect, une langue avec les aspérités qu’il faut et sans maladie dessus, Marie ses glandes salivaires, trois par côté de jolies glandes, bien faites bien dessinées les glandes et des petites mignonnettes sous sa jolie langue qui salivent bien quand les aliments passent, beau tuyau bel appareil son pharynx Marie, son oesophage, oulala l’oesophage de Marie un beau grand cylindre, des muqueuses splendides et luisantes, pas de problèmes chez Marie ça passe, pas de maladie pas de spasmes, aucun spasme, de si belles muqueuses … »

Cécile Richard