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On va faire quelque chose qui ne se verra pas dans un endroit où il n’y a personne.

1. On va faire quelque chose qui ne se verra pas dans un endroit où il n’y a personne.

2. Un endroit formidable pour les mots d’esprit.

3. Composer une ambiance, un espace rhétoriques (euphémismes naturels, périphrases, métaphores, proverbes, tautologies –

4. il faut ce qu’il faut –

5. et des guillemets dessinés avec les doigts, dans l’air (algé-rien)

6. toutes ces métaboles, typiques de la conquête.

7. A-t-on jamais lancé un combat sans grammaire ?

– eu-phêmeïn : bien-dire = ne pas parler.

– eu-phémismes, litotes, périphrases, métaphores, seraient, entre autre, moyens de ne pas se faire parler. Songez à la vertu proprement poïétique de ce silence, dit le grammairien*, songez à toutes les figures qu’il engendre : la métaphore (faire trou dans le vacarme), l’oxymore (un assourdissant silence), l’anadiplose (les uns mouraient sans parler, les autres parlaient sans mourir) – la réticence, la métonymie, l’hyperbole, la litote, ajoute, à raison, le grammairien.

8. Aimer l’amour, défaire la défaite.

9. Comme un claquement de noix sur une autre noix, et l’écho sensible qu’il engendre, semblable à peu de chose près à celui d’un tir – qui sait ?

10. Aimant l’amour, nous allions au cœur substantiel de la chose, nous aimions nos semblables non parce qu’ils étaient nos semblables mais parce que nous aimions l’amour, ainsi quels que soient nos semblables, nous aimerions toujours, nous ne serions plus jamais en danger de ne pas aimer et ainsi, nous ne serions plus jamais en danger, nous nous défaisions du parfois, du quelquefois, du présent d’actualité pour un présent de vérité générale : L’Algérie, c’est la France.

11. Et ceci, qui ouvre, des Mémoires, le tome sur l’Algérie : La France vient du fond des âges.

— Qu’est-ce que le fond des âges ?

12. N’allez pas vous mettre Martel en tête.

13. Disparition de l’épopée ?

14. Une langue est une langue quand elle se triture.

15. On va taire quelque chose qui ne se verra pas dans un endroit où il n’y a personne,

16. – dissémination de l’épopée –

17. avec nos moyens et sans outrecuidance :

18. (un texte ? un poème).

19. La France, après avoir montré sa force, va montrer sa générosité.

20. Entre deux maux il faut choisir le moindre.

21. Ou alors, un paronyme.

22. A quelque chose de doux mais d’étrange, plutôt quelque chose de terrible mais de familier (du terrible, mais du familier).

23. Triture, plutôt que torture.

24. On va taire quelque chose qui – mais il n’y eut jamais quelqu’un. Il y eut quelqu’un, qui fut personne, ce à quoi le fameux jeu de mots homérien nous a depuis longtemps habitués.

25. Malgré cela, ce système donne satisfaction.

26. Le désert : un espace formidable pour les mots d’esprit, métaphores, échappées poétiques. Béryl, Améthyste, Rubis, Jade – les noms des quatre essais nucléaires ratés, ou partiellement ratés, par la France en Algérie (Polynésie ensuite : noms de constellations).

27. Les pires cités ou quartiers s’appellent Verlaine.

28. Poésie partout. Justice nulle part.

29. Qui éleva La France (avec nos moyens) à l’immensité du ciel poétique (sans outrecuidance).

30. Comme tout le monde ; le parcours habituel : l’ordre qui règne nous est familier dans sa structure et sa forme.

31. Il faut ce qu’il faut. Entre deux maux il faut choisir le moindre (l’aumônier de Massu).

Ou : on y mettra tous les moyens.

32. Le trait trivial ne doit pas faire oublier que la sobriété est, aussi, classique.

33. Il n’y a pas de solution de continuité entre nos mots d’esprit, cette sorte d’élégance, ce goût, qu’on nous envie encore, et les (…) rapportés ici. Le mot d’esprit tel que nous le pratiquâmes, l’effort pour que perdure une certaine élégance, sa certaine idée, produisent (…) – un poème d’état.

34. Quelque chose toujours très en deçà, avec ses moyens et sans outrecuidance, c’est-à-dire avec cette réserve, voire cette sprezzatura, cette sorte d’élégance dans la promotion qui propulsa nos perruquiers, cuisiniers, costumiers, dans toutes les cours d’Europe, sans effort faisant quelque chose qui ne se voit pas dans des endroits où il n’y a personne.

35. Tant que le monde se servira de nos cuisiniers, de nos tailleurs et de nos perruquiers, nos lois seront bonnes.

36. Malgré cela, ce système donne satisfaction.

37. L’ordre qui règne nous est familier dans sa structure et sa forme.

38. C’est pourquoi nous avons pu nous y faire jusque dans ses dernières conséquences.

39. Il ne faut négliger ni la négligence ni l’amusement (ni même l’amusement).

40. La sprezzatura à la française est liée à l’amusement, aux piques, aux impromptus. Telle phrase de la Bethancourt, dite sur le même ton que s’ils n’ont pas de pain, eh bien qu’ils mangent de la brioche.

41. Si la France butait du fellah, c’était parce que c’était des bêtes (Garanger).

42. L’esprit n’est pas une cause à laquelle il faudrait remonter pour comprendre telle ou telle production, telle ou telle « conséquence », mais la création d’une ambiance dans laquelle couler telle opération, telle ou telle expérience,

43. qui éleva La France (sans outrecuidance) à l’immensité du ciel poétique.

Un bel esprit pense toujours noblement; il produit avec facilité des choses claires, agréables et naturelles; il les fait voir dans leur plus beau jour, et il les pare de tous les ornements qui leur conviennent; il entre dans le goût des autres, et retranche de ses pensées ce qui est inutile ou ce qui peut déplaire. (La Rochefoucault, Réflexions diverses, 1731).

44. Des manœuvres en ambiance nucléaire.

45. Le dernier ministre pointe toujours la continuité de l’état, gage de souveraineté, quelles que soient les majorités, alors que le pouvoir prend soin de se reprendre un petit peu plus loin.

46. Il y a cette idée, qui tient du bel esprit, de la fiction rhétorique autant que de la fiction scientifique.

47. ne vous aura point mandé une conversation sur les personnes qui ont le goût au-dessus ou au-dessous de leur esprit. Nous nous jetâmes dans des subtilités où nous n’entendions plus rien.

48. Par conséquent qui voulez-vous qu’on indemnise puisque c’était pour de faux ? (Faîtes-leur donc une loi, les magistrats se chargeront de les débouter.)

49. une grande aventure

50. mêlée à on va quand même pas se faire chier pour des bougnouls ou la troupe (la France avant tout).

51. + une magnifique épopée.

52. Un à un les responsables politiques de l’époque défilent sur youtube, qui s’appellent tous La France. Si moi c’est la France, alors c’est pas moi c’est la France

53. qui a fait ça.

54. De ce dont on ne peut parler.

55. Et cette circulation tous azimuts de l’inspiration militaire : on les déguise en Afghans, on exporte le Vietnam en Algérie, l’Algérie chez Pinochet, Pinochet en Afghanistan, Oued Namous à Abou-Ghraïb, etc. L’enthousiasme forcément qui les prend à l’invention d’une poïétique – et qui marche.

56. On leur met cette drôle de petite galette comme les Afghans sur la tête.

57. L’idée d’à travers les murs passer, par exemple.

* le grammairien : Alain Frontier, chez qui je recopie cette note 7.

Nathalie Quintane

Ce texte a été publié dans un volume du CNRS,
Sous la direction de Catherine Brun,
Guerre d’Algérie. Les mots pour la dire,
Paris, CNRS éditions, 2014, 326 pages.

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