par Charles Pennequin, à propos du roman Bâtard du vide de Jérôme Bertin publié aux éditions Al Dante
Bâtard du vide est le roman de la jeunesse loupée. Non pas la jeunesse perdue, ça serait trop beau, trop romantique, trop typé et trop lourd à porter, car trop déjà fait, revu et couturé sur les plates bandes de la littérature contemporaine « autorisée ». Par contre, on ne vous en fera jamais tout un plat de la jeunesse loupée, car elle n’a jamais vraiment brillé par ses actes et puis elle existe encore un peu trop, elle est encore un peu trop là, trop las, hélas ! Même si elle vieillit tout doucement dans son vide, si elle se bonifie dans sa merde, dans cette ignorance crasse que porte sur cette génération le monde, tous les mondes même, les mondes artistiques, littéraires, philosophiques et surtout médiatico-politico-farcesques. Des branleurs, en somme. Des qui n’ont rien connu, rien vu, rien fait. Une génération zappée mais qui se venge ici petitement, à coup de canif rouillé, à coup de références pourries, de tranches de vies tordues, de réflexions à boulet rouge sur la poésie, à coup de détails vite pliés sur le quotidien d’un jeune « anarcho nationaliste » et poète grunge limougeaud(1). Limogé, si j’osais, de sa propre existence (« Zéros pointés sur la face de l’immonde voilà ce qu’on est. Ni moins. Ni moins. »)
A coup, aussi, de génie, il faut bien le dire. Ben ouais. Il en fallait un, tout de même! de petit génie crâneur et brailleur, parfois même émouvant, dont le pâle et maigrichon avatar se comporte finalement, malgré ses rages et ses insultes permanentes, comme un petit ange. C’est juste une petite canaille, même pas une racaille, un petit pourceau tout rose que ce personnage qui se vautre dans ses conneries post-ados, un flambeur qui tient à peine sur ses quilles. Un brêlon en somme ! Mais un vrai fan d’Artaud le Momo et obsédé du Q, coupeur de citron dans les matchs et acnéique sur le tard, il se défonce à l’Imovan pour parler mal aux dames, avec ses jeux de mots laids, mais finit très souvent bien au-delà du premier stade du plaisir et de sa vraie haine toute en coulures. Il nous fait jouir par sa petitesse, ses manques, sa trouille à être, mais aussi par cette ponctuation au hachoir et ces souvenirs qui s’impriment à toute allure dans la tête. Il nous fait valdinguer dans ce style elliptique, mais ça raccroche toujours, on est basculé, embarqué et puis on reprend l’équilibre. « Skinny Jéjé », alias le Renard, est beau comme un nègre, car il s’écrit à lui-même, il se découvre, il sait même pas qu’il pousse le bouchon plus loin encore, jusqu’à marquer en pleine lucarne dans sa génération « post-poétique », comme on dit dans les cercles autorisés, contrairement à d’autres sinistrés de la vie, des petits capitalistes inconscients qui ont marqué cette génération football & rock’n’roll à coup de fric, de pub, de déclarations bidons au sortir des vestiaires, à coup de suicide aussi ! Mais les suicides et tout le reste c’était déjà fait, vu, vécu et même rechié.
C’est une génération qui s’est faite enculer par les mouches de la modernité et aplatir par les petites tapettes de la post-modernité, en plein dans le vide, entre deux millénaires et voici que pour cette pauvre fiente dégénérationnelle qui n’a pas eu son Hendricks, son Clash, son Platini ou même son Houellebecq, voici qu’elle nous sort tout droit de son enfer d’ennui un vrai Bâtard de chez bâtard du vide, son Charles « Hank » Bukowski des banlieues moisies, son poète-punk-maudit des petites villes merdiques où on s’emmerde à cent sous de l’heure, comme dans les premiers films de Bruno Dumont et du coup ça délire, ça débloque à mort dans l’écrit. C’est sans crédit. C’est une bonne avoinée dans la mort à petit feu de la vie française et c’est donc bien de cette poésie qu’ils méritent tous d’avaler, avant d’aller rôtir en enfer !
Charles Pennequin
(1) Son ami pour la vie et dans l’écrit, Sylvain Courtoux, relate quelques épisodes semblables dans un livre Still nox (Al Dante également, septembre 2011).
Extrait du Roman Bâtard du Vide de Jérôme Bertin, Editions Al Dante
par Myriam Pruvot
Levée de souffle, la vie manifeste accueille une série de chants. Il s’agit d’une seule prise, le chant est donné brut, improvisée, en acoustique et dans un lieux différent, à chaque prise.
Bâtard du vide, le roman de la jeunesse loupée
par Charles Pennequin, à propos du roman Bâtard du vide de Jérôme Bertin publié aux éditions Al Dante
Bâtard du vide est le roman de la jeunesse loupée. Non pas la jeunesse perdue, ça serait trop beau, trop romantique, trop typé et trop lourd à porter, car trop déjà fait, revu et couturé sur les plates bandes de la littérature contemporaine « autorisée ». Par contre, on ne vous en fera jamais tout un plat de la jeunesse loupée, car elle n’a jamais vraiment brillé par ses actes et puis elle existe encore un peu trop, elle est encore un peu trop là, trop las, hélas ! Même si elle vieillit tout doucement dans son vide, si elle se bonifie dans sa merde, dans cette ignorance crasse que porte sur cette génération le monde, tous les mondes même, les mondes artistiques, littéraires, philosophiques et surtout médiatico-politico-farcesques. Des branleurs, en somme. Des qui n’ont rien connu, rien vu, rien fait. Une génération zappée mais qui se venge ici petitement, à coup de canif rouillé, à coup de références pourries, de tranches de vies tordues, de réflexions à boulet rouge sur la poésie, à coup de détails vite pliés sur le quotidien d’un jeune « anarcho nationaliste » et poète grunge limougeaud(1). Limogé, si j’osais, de sa propre existence (« Zéros pointés sur la face de l’immonde voilà ce qu’on est. Ni moins. Ni moins. »)
A coup, aussi, de génie, il faut bien le dire. Ben ouais. Il en fallait un, tout de même! de petit génie crâneur et brailleur, parfois même émouvant, dont le pâle et maigrichon avatar se comporte finalement, malgré ses rages et ses insultes permanentes, comme un petit ange. C’est juste une petite canaille, même pas une racaille, un petit pourceau tout rose que ce personnage qui se vautre dans ses conneries post-ados, un flambeur qui tient à peine sur ses quilles. Un brêlon en somme ! Mais un vrai fan d’Artaud le Momo et obsédé du Q, coupeur de citron dans les matchs et acnéique sur le tard, il se défonce à l’Imovan pour parler mal aux dames, avec ses jeux de mots laids, mais finit très souvent bien au-delà du premier stade du plaisir et de sa vraie haine toute en coulures. Il nous fait jouir par sa petitesse, ses manques, sa trouille à être, mais aussi par cette ponctuation au hachoir et ces souvenirs qui s’impriment à toute allure dans la tête. Il nous fait valdinguer dans ce style elliptique, mais ça raccroche toujours, on est basculé, embarqué et puis on reprend l’équilibre. « Skinny Jéjé », alias le Renard, est beau comme un nègre, car il s’écrit à lui-même, il se découvre, il sait même pas qu’il pousse le bouchon plus loin encore, jusqu’à marquer en pleine lucarne dans sa génération « post-poétique », comme on dit dans les cercles autorisés, contrairement à d’autres sinistrés de la vie, des petits capitalistes inconscients qui ont marqué cette génération football & rock’n’roll à coup de fric, de pub, de déclarations bidons au sortir des vestiaires, à coup de suicide aussi ! Mais les suicides et tout le reste c’était déjà fait, vu, vécu et même rechié.
C’est une génération qui s’est faite enculer par les mouches de la modernité et aplatir par les petites tapettes de la post-modernité, en plein dans le vide, entre deux millénaires et voici que pour cette pauvre fiente dégénérationnelle qui n’a pas eu son Hendricks, son Clash, son Platini ou même son Houellebecq, voici qu’elle nous sort tout droit de son enfer d’ennui un vrai Bâtard de chez bâtard du vide, son Charles « Hank » Bukowski des banlieues moisies, son poète-punk-maudit des petites villes merdiques où on s’emmerde à cent sous de l’heure, comme dans les premiers films de Bruno Dumont et du coup ça délire, ça débloque à mort dans l’écrit. C’est sans crédit. C’est une bonne avoinée dans la mort à petit feu de la vie française et c’est donc bien de cette poésie qu’ils méritent tous d’avaler, avant d’aller rôtir en enfer !
Charles Pennequin
(1) Son ami pour la vie et dans l’écrit, Sylvain Courtoux, relate quelques épisodes semblables dans un livre Still nox (Al Dante également, septembre 2011).
Extrait du Roman Bâtard du Vide de Jérôme Bertin, Editions Al Dante
recevoir la newsletter
INDEX
A
Maxime Actis - Emmanuel Adely - Norman Ajari - Philippe Aigrain - Conrad Aiken - Anne-Marie Albiach - Will Alexander - Mohamed Amer Meziane - Adil Amimi - Jean-Loup Amselle - Florence Andoka - Amandine André - Antonin Artaud - Bernard Aspe - Alexis Audren - Patrizia Atzei
B
Francis Bacon - Alain Badiou - Jean-Christophe Bailly - Aïcha M’Barek - Gil Bartholeyns - Bas Jan Ader - Fabiana Bartuccelli - Georges Bataille - Jean Baudrillard - Nacera Belaza - Mathieu Bellahsen - Mustapha Benfodil - Fethi Benslama - Tal Beit-Halachmi - Mehdi Belhaj Kacem - Véronique Bergen - Augustin Berque - Jérôme Bertin - Elizabeth Bishop - Sean Bonney - Maurice Blanchot - Michel Blazy - Max Blecher - François Bon - Christophe Bonneuil - Erik Bordeleau - Hélène Bordes - Oscarine Bosquet - Dominique Boivin - Patrick Bouchain - Brassaï - Alain Brossat - Mathieu Brosseau - Judith Butler
C
Valérie Cabanes - Romain Candusso - Anna Carlier - Nicolas Carras - Jean-Philippe Cazier - Elisa Cecchinato - Boris Charmatz - Max Charvolen - Ronan Chéneau - Sonia Chiambretto - Pierre Chopinaud - Gilles Clément - Lambert Clet - Daniela Cerqui - Yves Citton - Emanuele Coccia - Benjamin Cohen - Danielle Collobert - Muriel Combes - Alain Condrieux - Mona Convert - Volmir Cordeiro - Sylvain Courtoux - Martin Crowley - Jean Paul Curnier
D
Abdelkader Damani - Eric Darsan - Jodi Dean - Justin Delareux - Raphaëlle Delaunay - Gilles Deleuze - Fabien Delisle - Christine Delphy - Philippe Descola - Vinciane Despret - Gérard Dessons - Hafiz Dhaou - Georges Didi-Huberman - Catherine Diverres - Daniel Dobbels - Elsa Dorlin - Christoph Draeger - Florent Draux - Olivier Dubois - Frédéric Dumont - Raphaël Dupin - Vincent Dupont - Marguerite Duras - Isabelle Duthoit
E
Fred L'Epée - eRikm - Jean-Michel Espitallier - Félix Boggio Ewanjé-Epée
F
Frantz Fanon - Eric Fassin - Héla Fatoumi - Claude Favre - Oliver Feltham - Denis Ferdinande - Thomas Ferrand - Federico Ferrari - Michel Foucault - Benjamin Fouché - Jean-Baptiste Fressoz
G
Jérôme Game - Liliane Giraudon - Dalie Giroux - Jean-Luc Godard - Julien Gosselin - Douglas Gordon - Sophie Gosselin - David gé Bartoli - David Graeber - Lisbeth Gruwez - Johan Grzelczyk - Félix Guattari - Frédérique Guetat Liviani - Maël Guesdon - Pierre Guyotat
H
Emilie Hache - Catherine Hass - Ian Hatcher - A.C. Hello - Gabriel Henry - Bernard Heidsieck - Hassania Himmi - Benjamin Hollander - La Horde d’or - Angélique Humbert - Pierre-Damien Huyghe
I
Charlotte Imbault - Wolfgang Iser - Taoufiq Izeddiou
J
Philippe Jaffeux - Anselm Jappe - Laurent Jarfer - Emmanuèle Jawad - Meyrem Jazouli - Adnen Jdey - Paul Jorion - Alain Jugnon - Barbara Jovino
k
Maria Kakogianni - Richard Kalisz - Anne Kawala - Mizoguchi Kenji - Rina Kenović - Razmig Keucheyan
L
Philippe Lacoue-Labarthe - Geoffroy de Lagasnerie - Virginie Lalucq - Eric Lamoureux - Josée Lapeyrère - Karl Laquit - Bruno Latour - Emmanuel Laugier - Céline Laurens - Christine Lavant - Maurizio Lazzarato - Noémi Lefebvre - Joëlle Léandre - Pascal Le Gall - Franck Leibovici - Fabienne Létang - Marius Loris - Michel Lussault
M
Marielle Macé - Stella Magliani-Belkacem - Hamid Ben Mahi - Boyan Manchev - André Markowicz - Jean-Pierre Marquet - Jean-Clet Martin - Valérie Masson-Delmote - Philippe Maurel - Béatrice Mauri - Marc Mercier - Juliette Mézenc - Olga Mesa - Etienne Michelet - Jacques-Henri Michot - Antoine Miserey - Ossama Mohammed - Marie-José Mondzain - Jacques Monory - Marlene Monteiro Freitas - Bernardo Montet - Emmanuel Moreira - Yann Moulier Boutang - Dorothée Munyaneza - Natacha Muslera
N
Mathilde Nabias - Jean Luc Nancy - Stéphane Nadaud - Nathanaël - Frédéric Neyrat - Vaslav Nijinski - Nimrod - Kettly Noël - Nox - Stephane Nowak
O
Gaëlle Obiégly - Yoko Ono - F.J Ossang - Bouchra Ouizguen - Kenny Ozier-Lafontaine
P
Giulia Palladini - Arnaud des Pallières - Pier Paolo Pasolini - Charles Pennequin - Marc Perrin - Vivian Petit - Jean-Daniel Pollet - Mathieu Potte-Bonneville - Frédéric Pouillaude - Plinio Walder Prado - Myriam Pruvot
Q
Marie de Quatrebarbes - Fanny Quément - Philippe Quesne - Nathalie Quintane
R
Walid Raad - Josep Rafanell i Orra - Yvonne Rainer - Jacques Rancière - Matt Reeck - Alexandre Roccoli - Cécile Richard - Denis Roche - Gwenola Ricordeau - Nicholas Ridout - Jacob Rogozinski - Willy Rousseau - Agnès Rouzier
S
Maxime Sacchetto - Olivier de Sagazan - Catérina Sagna - Carolina Sanin - Connie Scozzaro - Esther Salmona - Julie Sas - Gaby Saranouffi - Olivier Sarrouy - Thierry Schaffauser - Ryoko Sekiguchi - Kit Schluter - Carlo Sévéri - Hooman Sharifi - Vicky Skoumbi - Albertine Simonet - Frank Smith - Olivier Smolders - Noé Soulier - Camille Sova - Spinoza - Isabelle Stengers - Sacha Steurer - Bernard Stiegler - Ceija Stojka - Michel Surya
T
Olivia Tapiero - Louis-Georges Tin - Benoît Toqué - Yannick Torlini - Vladeck Trocherie
V
Guido Van der Werve - César Vayssié - Laura Vazquez - David Vercauteren - Marie Juliette Verga - Jérôme Vidal - Thomas Vinau
W
Laura Waddington - Sophie Wahnich - Anders Weberg - We insist
Z
Christian Zanesi - Alexis Zimmer - Nicolas Zurstrassen
-----------------------
Images
Khalik Allah - Nathalie Blanchard - Anael Chadli - Sylvain Couzinet Jacques - Alexis Delanoue - Clémentine Delahaut - Jean Frémiot - Max Kuiper - Gaétane Laurent-Darbon - Sheena J-Galan - Kenny Ozier-Lafontaine - Alice Lewis - Saadi My Mhamed - Maya Paules - Armine Rouhani - François Santerre - Alessandra d'Urso - Nicolas Vermeulin - Sadie von Paris