Braissai / Graffiti / série IV / Masques et visages

« on me donne Brassaï »

– un ensemble de notes, toutes : lacunaires.

 

«  Cela commença donc ainsi, par des rassemblements sans objet,
des rassemblements silencieux de masques,
en marge de l’affairement général. »

 

Je me suis imaginé gisant.

Figure :
on me donne Brassaï.
Un mur.

Fonction: Entrevoir tout ce qui fuit à l’instant. ( Dans l’image du rêve à trouver )
Loc. : Comme les choses se terminent.

( La peinture étale le temps. Je suis dans la peinture debout face à un mur. Je me plonge et dans le mur et dans la peinture. La peinture s’étend. J’étire la peinture en une ligne cette pâte. La peinture étirée défile le temps corps à l’arrêt, droit et précis, étiré. Le corps piégé de son ancre pris ouvert tout entier. ( Le corps debout regarde le cosmos déposer ses poussières sur des cils) Allongé comme debout le corps est droit la main seule bouge l’autre tient le récipient qui retient la pâte, noire de reflets. Le contenu devient le contenant. L’encre mélangée à la pâte noire s’étire dans le temps. Je suis en sursis et plus loin encore. J’ai le dos courbé. Il n’y a pas de peinture. Je n’ai pas de travail. Il n’y a pas de récipient. Rien n’est d’ailleurs contenu. Tout est présent. ) Je gratte. Je creuse. Je figure.

Gratter creuser figurer jusqu’au manque creuser jusqu’au yeux gratter jusqu’à la fin de quelque chose au bout creuser jusqu’au bout de quelque chose à la fin –

 

«  Ce potier qui façonna nos crânes finit par acquérir la maîtrise dans son art.
Il mit des crânes renversés sur la nappe de notre existence ;
et les remplit à ras bords de mélancolie »

 

Retranché (dans) ses pointes ses accélérations ses ombres ses excès par le centre entouré de sacs derrière un masque on fait la tronche de toutes ces tranches on se couche tous en fonction cherchons notre visage Dans un ciel où rien ne luit se tait replis recoins reprend tapis atopique langue incomplète lacunaire cherchons notre visage à lieu se tait tranché d’ombre ou de silence recouvert de terre scène impossible gît de tous les airs que l’on se donne le règne de la normalité suis son cours rien ne fonctionne pas nous sans image on casserait le chant locataire quand Plus ne m’est rien des actes textes notre face du monde pores exacerbés tout coule fuit en avant fuit plie. Se déploie.

– Comme je t’attends et te revois là je t’imagine encore.

– Sur le visage : on me donne Brassaï. (2)

Au début je me demandais le visage ou la face, je pensais la figure. La figure la forme. Je pensais à ce texte de Michel Foucault qui lit le corps atopique. Mon corps c’est le contraire d’une utopie. Jamais ailleurs. Toujours sans lieu. Le visage et le geste. La figure et la trace. Encore ici. De la fonction auteur. Quel masque. Quel manque. De représenter ce que l’on cherche. Ce que l’on regarde et qui nous regarde. Miroir ou labyrinthe de l’autre en cinq signes simples réductibles à cinq signes simples ou deux, quatre. Yeux nez bouche tête. Et le monde va. Deux. Troué tout ce qui est lieu. Passage creusé est tout ce qui fait fuir ou entrer. Disparaître. Primitif. Premier. Ces signes simples formes dispersées. Habitantes. Multiples et singulières. Combien suis-je derrière. Comme autant de fragments de morceaux éclatés les traces signes de l’invisible vivant. Visage des sociétés.

( Devais-je faire face au langage de la nuit ou des oiseaux – itchiké osséo titchiké osséo – D’une face comme taillée dans le bois, siffle – atchatet outchéou atchatet outchéou – Pic – Pic – Celui d’un nez tombant en sillons un nez creusé mordu – téhouuuu téhoutéhoutéhou téhouuuuu téhoutéhoutéhou – D’en haut on voit le loin, là bas – LerLerLerLerLerLer Relerelerelereler – Palatchienn Toulétom Tchoulétom Palatchienn Toulétom Tchoulétom – Yap Yap Yapyapyapyapya – Kéhou kéhou kéhou – kéhoulong kéhoulong – J’avais trouvé une voix. )

– Cents visages et le même cœur.

La progression comme la marche est lente et laborieuse.
Comme son apparat de tête il n’a pas de vision de lui hors de lui. C’est une face muette qui cherche encore un nom. C’est aussi une trace commune c’est aussi une œuvre commune chaque regard est une impudique ouverture au monde. Ce sont des visages sur des visages qui repassent des visages c’est une somme un lot un paquet une boucle une boule de temps et de nervures c’est un ensemble, un ensemble qui fait masque. C’est une suite de documents ou de signes. C’est un ensemble bien seul qui fait signe. Signe au monde de la reconnaissance.

– Combien sont-ils derrière cet habit de peau toute cette ruine en chair de formes simples de tranchées. La disparition de la forme ne prend pas dans le visage. Vieille arbre. Sommets périssables. Voila plus de sept jours qu’il est face au mur blanc et trace, façonne. Au bout de ses doigts des regards, sur un outil à cinq branches, il pourrit.

( Nous cherchons donc notre visage )
Le chant est terminé.

Dos droit lin dos droit sur mousse vieille usagée instruments à vent.

Des trous

Des diminutions

Yeux Nez bouche tête Nez Et le monde va Nez Troué Nez tout ce qui est lieu Nez de passage Nez creusé est tout ce qui Nez fait fuir ou entrer Nez Primitif Nez Premier Nez Ces signes simples formes dispersées Nez Habitantes Nez Multiples et singulières.

Nous cherchons notre visage.
Dans un arbres.
Sur une voiture.
Dans les reflets du ciel.
Du ciel gris.
Des reflets du mur
Dans le ciel.
Des reflets du mur
De terre sèche
Dans le ciel
Non habité.

Nous cherchons (donc) un visage.

Face journalière façade
d’un quotidien : périssable.

Des yeux noirs entourés de gris tombent
D’autres faits de trous penchent au dessus
Deux lacunes toujours surprises.
Là est ce que l’on ne voit plus.
Ici est ce qui n’est pas vue.
Est l’extinction du regard.
Est la forme qui touche au cœur.
L’outil à trous est ce qui perce.
Centre noir trou comme d’entre les dimensions.
Voir outre mesures.
Par delà les cages.
Derrière les yeux l’archivage.
De petites pulsations électriques nous retiennent.
Nous reconnaissons ce lieu.
Nous lui cherchons un nom.
Support des terres que nous quittons :

Ton visage.

La description (l’exercice de- se termine (bientôt) nous reviendrons à- ) :
Ton visage

Esprit faisant figure. Masque retrouvé comme un proche parmi les siècles. Feu. Fantasmes ou fantômes se rejoignent. Nous découpons dans le bois comme dans la phrase. Creusé. Des ouvertures au centre. Nous sommes des esprits que l’on tait. Nous sommes les destinations de tous les voyages. Nous sommes parcourus par la poudre de territoires inconnus. Feu. L’homme est grand tout tend à le réduire. De ses mains il joint les tonalités inaccessibles aux sciences. De ses yeux il fait naître et tue ce qu’il veut. Feu. L’homme foule le temps de son incapacité à s’élever plus encore seul. Feu. Maintenu par les lois d’une marchandise froide et hermétique friable. Feu. L’homme éclate de toute part. Ses pores aspirent le monde et ses tournures. Il y a des visages qui ne se laissent pas façonner. Dont certain savent encore libérer le plus puissant des sorts. L’homme explore et c’est un quotidien pâle que l’on lui rend. Feu. Lui est éclairé dans chacun de ses creux. Lui prendre le temps c’est le tuer. Libre. Esprit faisant figure. Dans l’irreprésentable. Feu.

– Tout ce chant doit être asséché.
(Pour) être au plus proche du présent.
Au plus sec présent plat.
Sans service.

( Scolie : Le visage est une forme. Le visage est une forme commune répété. Le visage est unique. Uniquement répété. L’ornement est une partie du visage. Dans le visage gît l’ornement. Visage maille entrelacs motifs. Le visage est caché. Le visage est impossible. Le visage n’existe pas il ne doit pas exister pour exister toujours. Le visage n’est pas représentable nous ne le connaissons pas. Le visage est dans le ciel. Le visage est dans la terre dans la vase la poudre le goudron la tourbe dans tout ce qui coule glisse et fuit le visage est dans le bois la suif le souffre le gaz dans la poutre le mur la tombe l’herbe le visage est dans le noir ou le rouge dans le mouvement des mers des flux des vents le visage est partout et partout ne se représente pas. Le nom est répété jusqu’au visage. Le visage s’enfuit. Le visage ne se représente pas car il est porté par l’homme et l’homme est univers il est esprit et l’esprit n’a pas de forme. Le visage n’a pas de forme. Le visage n’a pas de nom. Le visage ère il nous traverse. L’homme cherche ce qu’il ne connaît pas. Il cherche son visage. L’homme cherche l’art. )

J’ai un visage. Un visage de type simple. De genre normal. Je n’ai pas de recule sur mon visage. Normalement maigre creusé. J’ai un visage blanc de type creux sans trous. Pâle. On dit que mes yeux sont tristes. J’ai un visage comme tout le monde. On dit que j’ai un visage. Je voudrais avoir le visage du monde. Je dis que je n’ai pas de recule dessus. J’ai deux yeux avec par devant des lunettes. Car je supporte des lunettes avec mon nez et mes oreilles. Je vois mal. Mais je ne porte pas de lunettes la nuit. J’ai un nez. J’ai deux oreilles. Deux oreilles qui entendent. Un nez qui a ses humeurs. Ses humeurs aqueuses. J’ai une bouche en dessous du nez. J’ai un menton maigre. J’ai un visage et des cheveux dessus. Je coupe mes cheveux seul depuis douze ans. J’ai un visage. Ça se voit dessus. On m’a dit une fois que j’avais l’air de me plaindre. Que ça se voyait sur mon visage. On dit souvent que ça se voit sur ton visage. Que tu le portes sur ton visage. Moi je ne sais pas ce que tu portes sur ton visage. Sur ton visage que j’aime regarder. Que mon visage portait la plainte. Des formes que l’on ne choisit pas. Je ne me plains pas. Mes yeux ne mentent pas. Rien ne ment sur ton visage qui se reflète. J’ai un visage je ne me plains pas. Mes cheveux sont châtains. Parfois plus clairs parfois plus foncés. On m’a déjà dit que mes yeux changeaient de couleurs. On m’a déjà dit tu as les yeux bleus, tu as les yeux verts, tu as les yeux gris, mais toujours avec un peu d’orange au milieu. Comme j’aime regarder les yeux et les visages. Qui changent au reflet du temps. J’ai déjà vu mon visage se transformer. J’ai déjà vu dix visages repasser le miens. Dix visages enfouis. Ton visage coule doucement dans mes yeux. Mais je n’ai pas le recule dessus.

 

«  Au lieu de visages vivants, se remémorer le moule de leurs voix. Devenir aveugle. Palper, reconnaître à l’oreille. Triste destin ! C’est ainsi que tu entres dans le présent, dans l’âge contemporain,
comme dans le lit d’une rivière à sec. »

 

Il n’y a personne.
Tout tombe dedans. En groupe. Sous-terre. Se retrouvent. Il n’y a personne. Personne ne marche. Tout fonctionne. On ne perçoit rien hormis qu’il n’y a personne. Hors de nous. C’est à dire qu’il y a le silence autour comme. Personne. La norme silencieuse. Le couvre feu. Il n’y a pas un homme. Il n’y a pas un paysage. C’est chasse gardée. On persévère. On attend quelque chose. On se dit qu’il va bien se passer quelque chose. Que quelque chose est passé. Il y a des colonnes qui sont des luminaires. Froid et sans date. Ce qui a lieu est sans nom. Les chaises sont entassées. La phrase passe. Les choses cadenassées. Les vitres sont éteintes. Les rideaux de fer sont en rideau de fer. On regarde les vêtements que porte l’humanité. L’humanité de plastique qui habite derrière les vitrines éclairées. On n’éclaire que des étendards. Il n’y a pas d’autre sortie. Il n’y a pas de sortie. On se soulève dedans comme une nacelle. On sous-pèse notre pesant d’homme qu’il reste. On pense à se faire la malle. Le code guichet. Nous faisons notre route. Notre chemin est fait. Nous sommes faits.

Les chemins sont incomplets.

Nous n’avons pas la connaissance des champs
mais nous savons que la montagne porte le nom de l’homme libre.

Ce qui nous est laissé ne nous regarde pas.
Il y a l’attente entre nous.

On dit parfois qu’il est trop tard.

Nous ne voulons pas de visage.

Nous défendons la montagne et la boue.

Nous portons la mémoire des siècles et la boue.

Nous n’avons pas de drapeau.

Nous pourrions dire qu’une partie de nous est en berne.

En sécession.

Nous poursuivons notre marche.

ton visage ce parcours premier gratté creusé figuré en moi quelque chose qui n’a pas de nom cette image liée extraite de mon impression première primitive creusé en mon nom évoqué en sentiment de déjà perdu de déjà quitté devra venir se terminer ce visage perpétuel tenu plaqué coulant sur mes yeux de la nuit que je marche comme les nuits et l’opacité des miroirs couvrant les ouvertures rues de ta face lisse et blanche grattée grise peau juste et de peu creusé cerné de ton visage timide au monde trop grand compris primitif premier signe qui figure en moi un nous sans légende pour le lieu que tu es et que je croise où je m’évite dans cette impression presque déjà perpétuelle de l’univers suggéré par tes pores ton visage d’images croisées à l’ombre de ton visage masqué creusé dans le bois de ta langue dans le feu liquide des ruisseaux dissimulés sous les artères de tes yeux à la vue dérobée de ton visage dénudé de gêne fixe tu tiens les murs et le monde qu’on extrait de ton parcours de bouche ce chemin de nous imprécis tronqué gratté truqué ton visage sans nom semblable à l’attente douce et cerné ce parcours premier attendu frotté jusqu’au bout nervure de nuit replis de creux ton visage simple primitif premier –

++
Visage infini

( « n’est pas égal à » + ou – personne sociale ( post.: masque) / « n’est pas égal à »: visage. )

 

Justin Delareux
Image : Braissai / Graffiti / série IV / Masques et visages

 

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