Mercier, Camier & Isidore

Schibboleth

à propos du livre de Jacques Derrida pour Paul Celan

Einmal, une fois. L’évènement n’a lieu qu’une fois. Cependant, la date rend à l’impossible répétition qu’est l’évènement son inscription. 20 janvier : en tout poème il est un 20 janvier qui provoque le poème. Ainsi le poème commence à se blesser. Cette blessure vers la poésie ne mène nulle part. Elle chemine. Sur le non-répétable, lui – Lenz – que je suis s’achemine vers le nulle part. Lui, Lenz, Personne. Puisque toute solitude aspire à une présence, le seul, singularité que la date vient marquer comme don de la lettre, se tient dans le secret de la rencontre. La date est une hypothèse, une projection de mémoire. Vers un futur antérieur. Date, des dates : celle de Personne. Pour passer de seuil en seuil, d’une date l’autre il faut savoir faire la différence. Cette différence se tient en soi, dans la langue, dans la date. Il ne suffit pas de savoir la différence, il faut savoir la faire. Le poème, comme un schibboleth, consigne en lui énigme et mémoire. Mémoire, dates qui nécessitent le « savoir faire le pas ». Mémoire, immensément discrète : bénédiction de ce qui reste d’elle, de ses cendres, de ses spectres qui ne reviendront jamais et qui, pourtant, se rendent au poème comme son exil. L’anneau, multiple, et non pas l’alliance, l’Un. L’énigme quant à elle, « Leur – énigme cela, qui est pur jaillissement », n’est plus tenue par l’Être mais par Personne, Chiffrage des chiffres.