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La construction sociale de l’espace humain. Michel Lussault

Michel Lussault est géographe. Il a publié L’homme spatial – la construction sociale de l’espace humain, aux éditions du Seuil (2007).

Les mots que nous employons pour parler de l’espace nous trompent. Ils sont d’un autre temps et nous aurons à faire l’effort, avec ce livre, d’un nouveau lexique et d’un nouveau regard. Cet essai tend à faire de la géographie une science qui a à dire à la littérature, à la peinture, à la philosophie, à la sociologie et à l’anthropologie. Une géographie débarrassée d’une idée de nature autonome, extérieure à la société; non pas que cette nature ait disparue, mais réinventer sans cesse afin qu’elle soit conforme aux logiques de la société.
M. Lussault nous offre à la fois un mode d’emploi de l’espace humain et une analyse neuve de notre espace, caractérisé par l’ère de l’urbanité. L’urbanité est un moment de la défiguration ou plutôt l’absence de toute figure possible : l’urbain est infigurable. Pour échapper au vertige d’une telle absence, l’espèce humaine invente son espace et, ce faisant, elle s’invente. L’espace est à la fois un support actif de l’activité, un instrument de celle-ci et une réalité chargée de valeurs. Toute spatialité, c’est-à-dire agencements des réalités, suppose une pré-compréhension du monde de l’action spatiale, une mise en intrigue et enfin une interaction avec la sphère communicationnelle. Si l’homme est un animal doté du langage, ses mots ne sont pas vains, ils ne retombent pas dans un vide infini, ils se projettent hors de lui dans la matière et ce faisant ils l’instituent dans un espace. Le langage serait alors intimement lié à la condition du placement, du déplacement et du voir.
Avec ce livre, nous pouvons avancer que l’espace se constitue dans et par le langage, que si l’homme est un animal linguistique il est alors un animal spatial. Au terme de la lecture, nous parvenons non pas à redonner une figure à ce qui n’en a plus, mais à en reconstituer le tissu, le réseau, la maille, le noeud, à en faire ressortir la substance : la présence de l’homme, s’organisant en société, visible par l’écran de ce qu’il produit.


Entretien radiophonique & réalisation : Emmanuel Moreira
Musique : Taku Sugimoto